La Chine a vu sa croissance économique ralentir fortement en 2014, glissant à un niveau inédit depuis près d'un quart de siècle, très loin des sommets de la dernière décennie, ce qui illustre selon Pékin les efforts de "rééquilibrage" du pays. Brutale décélération: le Produit intérieur brut (PIB) de la deuxième économie mondiale a progressé l'an dernier de 7,4%, a annoncé mardi le Bureau national des statistiques (BNS). C'est mieux que la prévision du panel de 15 analystes (+7,3%), mais très en-deçà de la croissance de 7,7% enregistrée en 2013. Le géant asiatique signe là sa plus faible croissance annuelle depuis 1990, année ayant suivi la répression du mouvement Tiananmen. Et ce en dépit d'une stabilisation inattendue sur les trois derniers mois (octobre-décembre) où le PIB a crû de 7,3%, au même rythme qu'au trimestre précédent. Or, les nuages qui ont assombri 2014 peinent à se dissiper, alors que deux moteurs du PIB continuent de s'essouffler: un marché immobilier à la peine, et des exportations plombées par la morosité internationale, sur fond de demande intérieure terne. Avec un PIB de 63 650 milliards de yuans en 2014 selon le BNS, la Chine reste toujours loin derrière les Etats-Unis: le PIB américain était évalué en 2013 à 16 800 milliards de dollars. 'Nouvelle norme' Pékin s'était fixé pour 2014 un objectif officiel d'"environ +7,5%", mais s'était efforcé ces derniers mois d'en minimiser l'importance, en évoquant "une nouvelle norme". Signe que les prospères années de croissance à deux chiffres --jusqu'à un sommet de +14,2% en 2007-- sont bien révolues. Le gouvernement insiste volontiers sur ses efforts pour rééquilibrer et rendre "plus durable" son modèle économique. Objectif affiché: rogner les monopoles des groupes publics et les sévères surcapacités industrielles, endiguer les dettes des gouvernements locaux et les onéreux projets d'infrastructures, tout en dopant la consommation intérieure, quitte à voir la croissance se modérer. La production industrielle chinoise a gonflé de 8,3% en 2014, un ralentissement marqué après +9,7% l'année précédente, selon le BNS. Indicateur-clef publié récemment, la consommation d'électricité a grimpé de 3,8% l'an dernier contre un bond de 7,5% en 2013. Mais les chiffres de la croissance "ne sont pas trop mauvais", tempérait Liu Li-gang, analyste de la banque ANZ. Pour lui, la contribution accrue du secteur des services, au détriment de l'industrie et de la construction, "reflète les évolutions structurelles en cours". Les investissements en capital fixe, qui mesurent les investissements dans les infrastructures, ont grimpé de 15,7% en 2014, soit bien moins qu'en 2013 (+19,6%). Le BNS a par ailleurs fait état de chiffres encourageants pour décembre: la production industrielle a accéléré le mois dernier, progressant de 7,9% sur un an, tandis que les ventes au détail se ressaisissaient (+11,9% sur un an), suggérant une consolidation de la consommation des ménages. Les statistiques "suggèrent que le ralentissement des investissements (...) est en partie compensé par le sursaut dans la consommation et les services", abondait Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics, observant que le marché du travail --priorité du gouvernement-- "résiste étonnamment bien".
'Equilibre' entre croissance et réformes Mais de l'avis général, le répit de fin 2014 devrait rester temporaire: les analystes tablent sur une croissance économique de 7% en 2015... ce qui pourrait être le futur objectif officiel de Pékin. Le Fonds monétaire international (FMI) a lui abaissé mardi ses prévisions, tablant désormais sur une croissance de 6,8% en 2015, et de 6,3% seulement en 2016. Dans ce contexte, les experts unanimes s'attendent à ce que se poursuivent les coups de pouce ciblés à l'économie. Car Pékin n'est pas resté inactif devant l'essoufflement de l'activité: après un mini-plan de relance au printemps, la banque centrale (PBOC) avait annoncé en novembre une baisse inattendue de ses taux d'intérêts et procédé à plusieurs injections de liquidités. Pour beaucoup, la PBOC devrait en 2015 de nouveau réduire ses taux d'intérêt et les taux de réserves obligatoires des banques, pour encourager le crédit. Toutefois, tout plan de relance massif apparaît exclu: pour ne pas compromettre les efforts de "rééquilibrage" et garder sous contrôle la "finance de l'ombre" non régulée qui alimente l'endettement et les risques de crédit, "il ne devrait pas y avoir d'assouplissements monétaires de grande ampleur", prévient Liao Qun, économiste de Citic Bank. Trouver "le juste équilibre entre stabilisation de la croissance et poursuite des ajustements structurels": c'est précisément le défi que le Premier ministre Li Keqiang a assigné lundi, selon des médias d'Etat, à son gouvernement.