La Chine pourra atteindre ses objectifs de croissance économique --de 6,5% par an sur les cinq prochaines années-- sans devoir mettre en place un plan de relance monétaire "agressif", a assuré samedi le gouverneur de la banque centrale (PBOC), malgré l'assombrissement de la conjoncture. "Nous maintiendrons la stabilité de notre politique monétaire, et nous ne pensons pas qu'une relance monétaire excessive soit nécessaire pour réaliser nos objectifs" de croissance, a déclaré Zhou Xiaochuan à la presse, en marge de la session annuelle du Parlement chinois. Le patron de la PBOC s'est cependant voulu prudent: "Si des bouleversements internationaux ou intérieurs devaient survenir, nous ferons preuve de flexibilité". De fait, la conjoncture reste sombre et fragile dans la deuxième économie mondiale, sur fond de demande terne, d'effondrement du commerce extérieur, de sévères surcapacités industrielles, de violentes fluctuations boursières et de fuites de capitaux. Après avoir glissé l'an dernier à 6,9%, au plus bas depuis un quart de siècle, la croissance économique du géant asiatique devrait ralentir encore en 2016. Pékin s'est fixé comme objectif une croissance du PIB d'au moins 6,5% par an d'ici à 2020. Mais pour y parvenir, la banque centrale devrait maintenir sa politique monétaire ultra-accommodante. Le gouvernement gardera les volumes de liquidités disponibles à "des niveaux raisonnablement abondants", a concédé M. Zhou, qui a pointé les "pressions et difficultés" pesant sur l'économie. Soucieux de stimuler l'activité, la banque centrale ne ménage pas ses peines: depuis fin 2014, elle a abaissé par six fois ses taux d'intérêt et réduit à maintes reprises les ratios de réserves obligatoires imposés aux banques, pour les inciter à prêter davantage. Elle pourrait ne pas s'arrêter là: plusieurs experts tablent sur au moins deux baisses supplémentaires des taux d'intérêt cette année. Le gouvernement, de son côté, muscle ses efforts de relance budgétaire, en élargissant les rabais fiscaux et en lançant des projets d'infrastructures. Pour autant, alors que s'intensifient les risques financiers liés à la récente envolée de l'endettement en Chine, Pékin répète n'avoir "aucune intention" de réitérer le plan de relance massif adopté pendant la crise de 2009-2010, qui consistait en de centaines de milliards de dollars injectées dans l'économie. Zhou Xiaochuan a également tenté samedi de dissiper les inquiétudes sur les colossales fuites de capitaux hors du pays ces derniers mois. L'hémorragie a été évaluée pour 2015 à environ 1 000 milliards de dollars par certains analystes, et se poursuit. De tels mouvements de capitaux hors de Chine "n'ont rien de bizarre", a affirmé le gouverneur, estimant que ce phénomène "cyclique" existe "depuis des années". "Il n'y a aucune raison de se précipiter pour aller acheter des dollars", a-t-il plaidé, alors que la monnaie chinois connaît un vif mouvement de dépréciation face au billet vert.
La production industrielle continue de s'essouffler La production industrielle chinoise a continué de s'essouffler en janvier et février, progressant à son plus faible rythme de croissance depuis sept ans, alors que le secteur reste plombé par les surcapacités et une demande terne --en dépit d'investissements accrus dans les infrastructures. La production industrielle dans la deuxième économie mondiale a gonflé de 5,4% sur un an sur les deux mois cumulés de janvier et février, contre une hausse de 5,9% en décembre, a indiqué le Bureau national des statistiques (BNS). Il s'agit de son plus faible rythme de progression depuis novembre 2008 et les débuts de la crise financière. Les analystes sondés par Bloomberg Newswires anticipaient en moyenne une décélération moins sévère (+5,6%). Les ventes de détail, baromètre des dépenses des ménages chinois, ne sont pas épargnées: elles aussi ont violemment ralenti sur les deux premiers mois de 2016, avec une progression de 10,2% sur un an, contre 11,1% en décembre. C'est moins qu'attendu et un plus bas depuis dix mois. Ces statistiques, présentées sur deux mois pour lisser les distorsions dues aux congés du Nouvel an lunaire, confirment l'assombrissement de la conjoncture pour le géant asiatique. La demande internationale n'en finit pas de s'émousser, comme l'illustre le nouveau plongeon spectaculaire des exportations chinoises en février (de 25% sur un an). La demande industrielle intérieure, elle, est rognée par la faiblesse des investissements dans l'immobilier (un pilier du PIB) et les contractions de l'activité manufacturière.
La consommation résiste "Le tableau d'ensemble est morose, le cocktail des récentes statistiques alarmant. Les indicateurs d'activité demeurent faibles, alors même que l'inflation et les prix de l'immobilier tendent à remonter", observait Zhou Hao, analyste de Commerzbank, selon Bloomberg. Conséquence notable du marasme: un gonflement incessant des colossales surcapacités de production industrielles chinoises, du ciment à l'acier. Pékin a promis de s'y attaquer, au prix de drastiques suppressions d'emplois et d'un durcissement à l'égard des "firmes zombies", souvent des sociétés étatiques structurellement non rentables et ne survivant que grâce à l'endettement. Mais la réforme en cours des groupes étatiques --qui cible des secteurs en surcapacité-- vise à ne pas répéter "les vagues de licenciements massifs des années 1990", a promis samedi Xiao Yaqing, patron de l'organisation supervisant les entreprises publiques. Certains analystes se voulaient plus encourageants, pointant la relative robustesse des ventes de détail. Mais "l'affaiblissement du reste de l'économie pèse sur les ventes de détail, cela renforce la nécessité de présenter aux ménages des perspectives crédibles pour conforter la consommation", soulignait James Laurenceson, de la University of Technology de Sydney, cité par Bloomberg.
Grands chantiers La résistance des ventes de détail, contrastant avec les accès de faiblesse de l'industrie, reflète les efforts de "rééquilibrage" entamés par Pékin. Ils visent à doper la consommation intérieure, les services et les nouvelles technologies, au détriment de l'industrie lourde et des exportations --moteurs traditionnels en plein calage. La transition s'avère compliquée et douloureuse: la croissance économique chinoise, après être tombée l'an dernier à 6,9% --au plus bas depuis un quart de siècle--, devrait encore ralentir en 2016. Du coup, de l'avis général, Pékin est condamné à muscler ses efforts de relance. La banque centrale (PBOC), qui a déjà abaissé par six fois ses taux d'intérêt depuis fin 2014, a de nouveau réduit fin février les ratios de réserves obligatoires imposés aux banques pour les inciter à prêter davantage --et elle devrait poursuivre sa politique monétaire ultra-accommodante. Pour autant, "une relance monétaire excessive n'est pas nécessaire" pour réaliser l'objectif d'une croissance du PIB d'au moins 6,5% par an d'ici à 2020, a insisté samedi Zhou Xiaochuan, gouverneur de la PBOC, lors d'une conférence. En revanche, si Pékin exclut farouchement de réitérer le plan de relance massif de 2008-2009, il promet de renforcer la relance budgétaire, en accroissant considérablement ses dépenses publiques via des rabais fiscaux et de grands projets de construction. Les investissements en capital fixe, qui traduisent les dépenses dans les infrastructures, ont justement gonflé de 10,2% sur un an durant les deux premiers mois de l'année, a indiqué le BNS. Et de préciser que cette accélération sensible, après une hausse de 10% sur l'ensemble de 2015, est due "à une série de grands chantiers" initiés par le gouvernement, en sus d'une timide reprise des investissements dans l'immobilier. Pour Raymond Yeung, de la banque ANZ, ce "net renforcement des investissements publics" pourrait permettre "de compenser partiellement la faiblesse du secteur privé".
Les prêts bancaires s'effondrent Les prêts accordés par les banques chinoises ont nettement reflué en février sur fond de conjoncture toujours morose --en contraste avec l'envolée spectaculaire du crédit en janvier, qui avait avivé les craintes de risques financiers accrus, et en dépit d'une politique monétaire ultra-accommodante. Les établissements bancaires ont accordé 727 milliards de yuans (101 milliards d'euros) de nouveaux prêts le mois dernier, contre 2.510 milliards de yuans en janvier et 598 milliards en décembre, a annoncé la banque centrale (PBOC). Les prêts avaient quadruplé entre décembre et janvier: un sursaut aidé par des facteurs saisonniers (une demande traditionnellement forte en début d'année calendaire), mais également le fruit d'une politique ultra-accommodante destinée à soutenir l'économie coûte que coûte en dopant le crédit. Le reflux de février était certes attendu, en raison des longs congés du Nouvel an lunaire au début du mois. Mais il s'avère beaucoup plus marqué qu'attendu. Symptôme inquiétant: le niveau des prêts bancaires est même de 300 milliards de yuans inférieur au niveau de février 2015, alors que toute une série d'assouplissements monétaires ont été adoptés entretemps. La faiblesse des prêts "suggère que les transactions immobilières continuent de marquer le pas, que les investissements des entreprises s'effritent", elle reflète "un assombrissement supplémentaire de l'environnement économique", a expliqué Yang Zhao, analyste de la banque Nomura. Mais elle pourrait aussi traduire un durcissement de ton: alors que Pékin entend s'attaquer aux "firmes zombies" --ces sociétés industrielles non rentables qui ne survivent que grâce à un endettement perpétuel--, les banques ont pu être incitées à se montrer plus strictes dans l'octroi de prêts. L'agrégat appelé "social financing", une mesure large du crédit incluant les financements disponibles en dehors des banques via divers mécanismes, s'est également effondré en février, à 780,2 milliards de yuans (109 milliards d'euros), quatre fois moins qu'en janvier. La spectaculaire envolée des prêts offerts généreusement par les banques en janvier avait alimenté les inquiétudes sur la solidité du système financier. Les établissements devraient voir grimper leurs ratios de créances douteuses, s'exposant à des risques accrus de défauts de paiement, avait prévenu l'agence de notation S&P. La dette totale chinoise (publique et privée) approche désormais 250% du PIB, selon l'agence Bloomberg. Mais "le violent reflux des nouveaux prêts en février indique que la banque centrale veut maintenir une politique +prudente+, en contraste avec ses efforts d'assouplissement tous azimuts au 2e semestre 2015", soulignaient les experts de la firme d'investissement CICC. La PBOC a réduit à six reprises ses taux d'intérêt depuis fin 2014 et abaissé maintes fois les ratios de réserves obligatoires des banques pour les inciter à prêter davantage et soutenir l'activité. Même si elle se montre soucieuse d'endiguer les risques financiers, l'institution est condamnée à poursuivre sa politique ultra-accommodante, insistait Yang Zhao, évoquant une possible remontée des prêts dès mars. Nomura table sur deux baisses supplémentaires des taux d'intérêt d'ici la fin de l'année. Le gouverneur de la PBOC, Zhou Xiaochuan, avait lui-même assuré fin février que la banque centrale gardait des "marges de manœuvre". Mais samedi, en marge de la session annuelle du Parlement chinois, il a semblé adopter un ton plus circonspect: "A moins de désordres économiques et financiers internationaux ou intérieurs, nous maintiendrons une politique monétaire stable", a-t-il martelé. "Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de recourir à une relance monétaire excessive" pour parvenir à l'objectif d'une croissance économique d'au moins 6,5% par an sur les cinq prochaines années, a ajouté M. Zhou. Par ailleurs, avertissait-on chez CICC, l'endettement public devrait se poursuivre afin de financer les grands travaux d'infrastructures promis par Pékin dans le cadre de ses efforts de relance budgétaire --au prix d'un net creusement du déficit du pays.