La production industrielle chinoise a enregistré en novembre un fort ralentissement, plus marqué qu'attendu, selon des chiffres officiels publiés avant-hier qui confirment l'essoufflement de la deuxième économie mondiale et augurent de nouvelles mesures de soutien de Pékin. Le Bureau national des statistiques (BNS) a fait état vendredi d'une hausse de 7,2% sur un an de la production industrielle le mois dernier, très en-deçà des progressions de septembre (+8% sur un an) et d'octobre (+7,7%). Les seize analystes interrogés par Dow Jones tablaient en moyenne sur un recul moins prononcé, à +7,5%. Les salves de statistiques maussades se suivent et se ressemblent pour le géant asiatique qui a annoncé lundi un plongeon inattendu de ses importations, mettant en exergue une demande intérieure désespérément terne. Certes, la fermeture temporaire de nombreuses aciéries dans la région de Pékin --pour réduire la pollution pendant le sommet annuel de l'Apec (Forum Asie-Pacifique)-- a pu peser sur le volume de la production industrielle, a observé Liu Li-gang, de la banque ANZ. Mais le net ralentissement dévoilé vendredi suggère surtout une faiblesse persistante de la demande, a-t-il estimé. De leur côté, les investissements en capital fixe --reflétant les dépenses dans les infrastructures -- ont gonflé de 15,8% sur un an pour la période janvier-novembre, selon le BNS, marquant un léger fléchissement.
Signes de rééquilibrage ? La croissance économique de la Chine a ralenti à 7,3% au troisième trimestre, au plus bas depuis 5 ans, alors même que Pékin s'est fixé un objectif annuel d'"environ 7,5%". Un pari difficile à tenir, alors que la consommation est toujours à la peine, que le marché immobilier --un pilier du PIB-- n'en finit pas de s'effriter et que s'intensifient les tensions déflationnistes. Publiée mercredi, la hausse des prix à la consommation pour novembre s'est modérée à 1,4% sur un an, le plus bas niveau d'inflation depuis 5 ans. Quant aux ventes immobilières, elles ont chuté en novembre de 8,2% sur un an (en volume) après un plongeon de 7,8% en octobre, a annoncé le BNS --le contrecoup d'années de surchauffe. Seule embellie dans ce tableau: les ventes au détail ont gonflé le mois dernier de 11,7% sur un an après avoir grimpé de 11,5% en octobre, signalant un petit sursaut de la consommation des ménages, sans doute à la faveur de la "journée des célibataires" le 11 novembre, et sa traditionnelle frénésie d'achats sur internet. "Le rare rayon de lumière de ces statistiques, c'est qu'elles témoignent d'un rééquilibrage au détriment des investissements et au profit de la consommation", ont commenté les experts de Nomura. Pékin affiche son ambition de "rééquilibrer" le modèle de croissance du pays, avec pour objectif de doper la demande intérieure, de réformer les groupes publics, et de rogner surcapacités industrielles et investissements non productifs. " Quitte à voir la croissance diminuer. Mais jusqu'à quel point ? " Au terme d'un séminaire sur leur politique économique, les dirigeants chinois ont décidé jeudi de "prendre l'initiative pour s'adapter à la +nouvelle norme+ du développement économique, pour que l'économie continue d'évoluer dans une fourchette raisonnable, et pour approfondir les réformes structurelles", selon les médias d'Etat. De l'avis de nombreux observateurs, ils auraient pu abaisser à 7% leur objectif de croissance pour 2015, dont l'annonce est attendue en mars.
La banque centrale à la manœuvre Certes, Pékin affirme avec fermeté sa volonté de maintenir le crédit sous contrôle, d'endiguer l'endettement des gouvernements locaux et l'essor de la "finance de l'ombre" non régulée. Pour autant, "le gouvernement adopte une attitude très réactive face au récent accès de faiblesse de l'économie", et devrait faire davantage pour stimuler l'activité, soulignait Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics. La banque centrale (PBOC) a ainsi procédé courant novembre à une baisse inattendue de ses taux d'intérêt -- mesure inédite depuis 2012--. Autre assouplissement: selon Dow Jones Newswires, l'institution aurait entamé cette semaine une injection de 400 milliards de yuans (52,6 milliards d'euros) de liquidités supplémentaires dans le système financier. Beaucoup s'attendent désormais à voir la PBOC réduire les taux de réserves obligatoires imposés aux banques pour les encourager à prêter davantage --sans rouvrir trop largement les vannes du crédit. Mais "les dirigeants devraient laisser se poursuivre le ralentissement des investissements dans les secteurs en surcapacité, notamment l'immobilier", tant que l'emploi et la consommation ne pâtissent pas trop de ces ajustements, a prévenu M. Evans-Pritchard.