L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et des pays producteurs non-membres du cartel emmenés par la Russie ont décidé jeudi de prolonger de neuf mois jusqu'à fin mars 2018 l'accord de réduction de la production en vigueur depuis le début de l'année. Cette réduction reconduite de 1,8 million de barils par jour (bpj), représentant 2% environ de la production mondiale, avait été calculée par rapport aux extractions d'octobre 2016, soit 31 millions de bpj environ, et devait s'appliquer dans une premier temps durant le seul premier semestre de cette année. L'Opep a convenu de maintenir ses propres coupes à 1,2 million de bpj environ, a précisé le ministre du Pétrole koweïti Essam al-Marzouq. Ce qui implique que les producteurs hors Opep retrancheront à nouveau quelque 600.000 bpj à leur propre production. La prochaine réunion ministérielle entre délégués de l'Opep et non-Opep est prévue le 30 novembre, ont ajouté les délégués. Les mesures de réduction de la production ont permis au cours du brut de repasser la barre des 50 dollars, ce qui a redonné un peu de marges de manoeuvre budgétaire aux pays producteurs, dont bon nombre sont fortement dépendants des revenus pétroliers et qui ont dû, à l'image de l'Arabie saoudite, puiser dans leurs réserves de change pour combler leur déficit budgétaire. Entamée à la mi-2014, alors que le baril s'échangeait encore à plus de 100 dollars, la chute des cours - tombés à moins de 30 dollars dans le courant de l'année 2016 - a, au-delà des tensions sur les budgets, provoqué de violents remous sociaux dans des pays tels que le Venezuela et le Nigeria. En dépit des coupes convenues, l'Opep maintient des exportations relativement stables au premier semestre, dans la mesure où les pays membres vendent aussi en puisant dans leurs stocks. La hausse des cours qui a suivi l'accord de réduction a par contrecoup rendu rentable la production de schistes, qui a sensiblement augmenté aux Etats-Unis - pays qui n'est pas partie à l'accord - en particulier, rendant difficile le désengorgement du marché et permettant de conserver des stocks pétroliers mondiaux proches de niveaux records. C'est pourquoi l'Opep a d'abord proposé de reconduire l'accord de réduction de la production jusqu'à la fin de l'année, soit de six mois, avant de choisir neuf mois, la Russie proposant même d'aller jusqu'à 12 mois. "Nous avons envisagé plusieurs scénarios, six, neuf ou 12 mois, et nous avons même pensé à des solutions de coupes plus importantes. Mais toutes les données montraient qu'une prolongation de neuf mois était la solution optimale", a déclaré Khalid al Falih, le ministre de l'Energie saoudien.
Réduire les stocks Il a ajouté lors d'une conférence de presse qu'il n'était pas inquiet de ce qu'il a qualifié de baisse "technique" des prix du pétrole et était convaincu que les cours remonteraient avec la contraction des stocks sur le marché mondial. Les contrats de juillet sur le WTI texan et le Brent de Mer du Nord perdaient près de 5% à la clôture du marché new-yorkais, victimes de prises de profits et certains traders étant déçus que l'option russe n'ait pas été retenue et que des coupes plus profondes n'aient pas été validées. Le Nigeria et la Libye, qui étaient exclus de l'accord d'origine, le sont pareillement cette fois-ci, dans la mesure où leur production reste perturbée par des troubles intérieurs, a expliqué Khalid al Falih. Ce dernier a ajouté que l'accord de production pourrait encore être prolongé lors de la réunion de novembre mais aussi qu'une stratégie pour en sortir serait élaborée. Il a également dit que les exportations saoudiennes devraient diminuer sensiblement à partir de juin, autorisant une accélération du processus de rééquilibrage du marché. Le ministre russe de l'Energie Alexander Novak a dit de son côté que la coopération avec l'Opec serait poursuivie et élargie. "La Russie a une élection en vue et les Saoudiens ont l'introduction en Bourse d'Aramco l'an prochain; de fait, ils feront tout leur possible pour soutenir les prix pétroliers", a noté Gary Ross, l'un des responsables de PIRA Energy, une filiale de S&P Global Platts. L'Opep s'est fixé comme objectif de ramener les stocks d'un record de trois milliards de barils à leur moyenne de cinq ans de 2,7 milliards de barils. "Nous avons observé un retrait substantiel des stocks, qui s'accélèrera", a dit al Falih. "De ce fait, nous serons parvenus à nos fins au quatrième trimestre".
Un accord russo-saoudien La prolongation du pacte a été instiguée par l'Arabie Saoudite et la Russie, seuls pays avec les Etats-Unis à dépasser les 9 millions de barils par jour. Les marchés ont accueilli sans enthousiasme jeudi les propos du ministre saoudien. "Les marchés tablaient déjà sur une extension de neuf mois. En réalité, puisqu'il n'y a pas eu de bonne surprise, les prix ont reculé", a expliqué Deshpande Abhishek, analyste chez Natixis. "Cet accord a permis aux prix de revenir au-dessus de 50 dollars, et ceci va mener à une hausse de l'activité des producteurs de pétrole de schiste américain", a-t-il ajouté. Le pétrole de schiste profite d'un cycle de production plus court et les entreprises américaines profitent des hausses de prix créées par les baisses de l'Opep pour extraire à plein régime, risquant d'anéantir les efforts du cartel et de ses partenaires pour réduire les stocks mondiaux. En 2014, l'Opep avait opté pour une stratégie risquée consistant à inonder le marché d'or noir pour évincer ses concurrents, notamment américains. Mais cette politique avait provoqué une dégringolade spectaculaire des prix, sans durablement affaiblir les producteurs de pétrole de schiste. Acculées en raison de la saignée budgétaire causée par la baisse des cours, les pétromonarchies et la Russie avaient décidé de fermer les vannes. L'accord de fin 2016, prolongé jeudi, porte sur une baisse globale de 1,8 million de barils par jour.
Décision saluée Le P-DG du géant pétrolier français Total, Patrick Pouyanné, a salué vendredi la décision de l'Opep et de ses partenaires de prolonger leurs limitations de production jusqu'en mars 2018 pour soutenir les prix, estimant qu'elle contribuerait à une réduction des stocks dès le second semestre. "Je pense que l'Opep fait bien son travail", a déclaré Patrick Pouyanné à des journalistes, en marge de l'assemblée générale des actionnaires du groupe. "C'est une bonne décision", a-t-il poursuivi. "La bonne décision, c'est d'être allé au-delà de six mois (de réduction de la production) parce que cela permet d'avoir un horizon jusqu'en 2018". Les pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs partenaires, dont la Russie, ont annoncé jeudi le prolongement de leurs quotas de réduction de la production jusqu'en mars 2018, afin de réduire les stocks mondiaux et soutenir les prix. Cette décision a toutefois déçu un certain nombre d'investisseurs, qui espéraient que ces grands producteurs de brut aillent plus loin qu'un simple prolongement de neuf mois de l'accord mis en œuvre depuis janvier, alors que son efficacité se heurte au dynamisme de l'offre de pétrole de schiste en provenance des Etats-Unis. "On s'attend à ce qu'il y ait un vrai déstockage qui soit réalisé sur la deuxième moitié de l'année et je pense que s'il se réalise, les marchés l'intégreront, parce que pour l'instant le surplus de stocks de 300 millions de barils (...) n'a pas beaucoup diminué", a commenté Patrick Pouyanné. Entre "le sérieux" de l'Opep, qui respecte l'accord de limitation de la production à près de 100%, et la demande de produits pétroliers généralement plus forte en période estivale, "je pense qu'on va voir les stocks bouger. L'inconnue, bien sûr, c'est la production américaine, comme toujours", a-t-il ajouté.
Les cours chutent Les cours du pétrole ont terminé sur une chute jeudi après la décision de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et de ses partenaires de prolonger de neuf mois les quotas de production mais sans les renforcer. Le prix du baril de "light sweet crude" (WTI), référence américaine du brut a perdu 2,46 dollars à 48,90 dollars sur le contrat pour livraison en juillet au New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le cours du baril de Brent de la mer du Nord a reculé de 2,50 dollars à 51,46 dollars sur le contrat pour livraison en juillet à l'Intercontinental Exchange (ICE). Les cours, déjà mal orientés depuis le début de la séance, ont brusquement décroché au moment de la confirmation de l'accord. L'Opep et d'autres pays, dont la Russie, ont décidé de maintenir leurs quotas de production de pétrole jusqu'en mars 2018 dans le but de réduire les stocks mondiaux et de soutenir les prix. "Ce que le marché nous dit maintenant c'est qu'il attendait une réduction soit plus longue soit plus marquée de la production", a commenté Gene McGillian de Tradition Energy. Même si l'hypothèse d'une prolongation de neuf mois tenait la corde, alimentée par des déclarations russe et saoudienne, les spéculations sont allées bon train au cours des dernières semaines sur les suites que l'Opep allait donner à son accord. "Nous avons envisagé différents scénarios de six à neuf et 12 mois et nous avons même envisagé l'option de réductions plus importantes", a d'ailleurs reconnu jeudi le ministre saoudien de l'Energie Khaled al-Faleh après une réunion de 24 pays producteurs, Opep et non Opep, au siège de l'organisation à Vienne. L'accord est reconduit sous sa forme actuelle d'une baisse globale de 1,8 million de barils par jour. La Guinée équatoriale, qui participait aux réductions en tant que partenaire de l'Opep, a officiellement rejoint le cartel.
Le schiste en embuscade Les membres d'Opep s'étaient engagés en novembre 2016 à limiter leur production pendant les six premiers mois de l'année 2017 entraînant dans ce mouvement 11 pays producteurs extérieurs à l'organisation, dont la Russie. Ce premier pacte valable jusqu'au 30 juin n'a pas véritablement rempli son objectif de soutenir durablement les prix du brut et d'éliminer l'excédent d'offre, les stocks mondiaux restant bien au-delà de leur moyenne des cinq dernières années, objectif affiché du cartel. "Nous avons vu près de cinq mois d'accord de l'Opep sans impact majeur sur les stocks", a relevé Gene McGillian. Les quotas se sont jusque-là heurtés à une nette progression de la production américaine de pétrole de schiste dont les coûts d'exploitation ont baissé ces dernières années et qui a été sensible à un retour du prix du baril autour des 50 dollars car il est facile de remettre rapidement en activité les champs pétroliers dans ce secteur. Depuis début octobre, mois de référence pour les quotas, la production totale américaine a enflé de 870 000 barils par jour, selon les chiffres hebdomadaires du département de l'Energie (DoE). Ce mouvement pourrait encore être renforcé par la détermination de l'Opep à tout faire pour réduire les stocks au détriment de ses parts de marché. "La décision de Vienne envoie un signal de soutien continu aux prix du pétrole de la part de l'Opep, ce qui aide les (compagnies américaines) a faire des projets", a écrit Ann-Louise Hittle de Wood Mackenzie