Les menaces de récession aux Etats-Unis révèlent de profondes divergences entre Européens et Américains au point de mettre à l'épreuve l'unité du Groupe des Sept pays les plus industrialisés, dont les ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales se réunissent, aujourd'hui, à Tokyo.Des taux de change aux enseignements à tirer de la crise sur les marchés financiers, les sujets de désaccord ne manquent pas et les Etats-Unis, le Japon, le Canada, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Italie auront bien du mal à lancer un message d'unité sur la coordination de la politique économique mondiale. En privé, certains responsables européens ont critiqué la réaction, excessive selon eux, des Etats-Unis qui ont fortement réduit leurs taux d'intérêt et annoncé un train de mesures de près de 150 milliards de dollars pour relancer l'économie. A cela, les Américains répondent qu'ils ont fait le nécessaire pour redresser le navire et déplorent l'immobilisme des autres pays, en les appelant à faire leur part d'efforts pour soutenir la croissance mondiale. “Soyons clairs, le G7 ne sort pas grandi de tout cela”, reconnaît un responsable de la zone euro en exprimant un sentiment partagé à Berlin, Paris, Londres et Rome. “Les Américains l'ont joué en solo, ils ont réagi dans la précipitation sans aucune concertation avec leurs partenaires étrangers, sans se poser la question de l'impact de leurs actions pour le reste du monde”, déplore-t-il. L'Europe, forte d'une économie plus résistante, n'a eu besoin ni de baisses de taux ni de plans de relance mais s'inquiète évidemment de l'appréciation de l'euro alors que la Réserve fédérale a réduit son taux directeur de 2,25 points depuis le mois de septembre. Et le ralentissement de l'activité sensible aux Etats-Unis commence à gagner le Vieux Continent, comme l'ont montré mardi des enquêtes sur le secteur des services des deux côtés de l'Atlantique en janvier. L'affaiblissement de la croissance met la pression sur la Banque centrale européenne pour qu'elle emboîte le pas à la Fed mais aussi à Banque d'Angleterre et à la Banque du Canada. Jusqu'ici la BCE, toujours soucieuse de l'inflation, a observé le statu quo et elle devrait encore maintenir ses taux lors de sa réunion monétaire de jeudi. “Nous ne voulons pas que l'euro soit seul à porter le fardeau de l'ajustement (des taux de change)”, ont affirmé le secrétaire d'Etat allemand aux Finances Thomas Mirow et le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker en estimant que les exportateurs de la zone euro sont injustement pénalisés par la vigueur de la monnaie unique. Les Européens espéraient que les Américains exprimeraient à Tokyo un soutien plus affiché au dollar, afin d'enrayer sa tendance baissière. Ils risquent d'être déçus car tout porte à croire que Washington s'en tiendra à sa traditionnelle formule selon laquelle “un dollar fort sert les intérêts des Etats-Unis”. En réalité, l'affaiblissement du dollar rend bien service à l'économie américaine en favorisant les exportations, l'un de ses rares secteurs d'activité encore performants. Pour David McCormick, sous-secrétaire américain au Trésor, Washington a fait le nécessaire en prenant des mesures fortes de relance et c'est maintenant au reste du monde de contribuer. “Il est spécialement important que d'autres économies, petites et grandes, avancées et émergentes, prennent des mesures prudentes pour renforcer leur demande”, a-t-il dit. Européens et Américains divergent aussi sur la question de la régulation des marchés financiers, revenue au premier plan avec la crise des prêts immobiliers à risque (subprimes) aux Etats-Unis qui a contaminé en quelques mois toute la planète financière. Beaucoup en Europe réclament un durcissement des règles comptables, une mise en cause des agences de notation qui ont insuffisamment informé sur les risques inhérents au subprime, et une meilleure coopération internationale. La réponse américaine a été plus mesurée puisque David McCormick a mis en garde contre toute “précipitation” dans les enseignements à tirer de la crise. La réunion de Tokyo donnera le coup d'envoi de la présidence japonaise du G7. Elle se terminera avec un dîner de travail auquel sont conviés les ministres des Finances de la Chine, de l'Indonésie, de la Corée du Sud, de la Russie. La Banque asiatique de développement, l'Eurogroupe, la Commission européenne et le Fonds monétaire international y seront aussi représentés.