Un rapport d'observations de la défense sur le procès des militants sahraouis du groupe Gdeim Izik devant la Cour d'appel de Rabat établit l'iniquité du procès et l'absence de crédibilité scientifique et juridique des charges retenues contre les accusés. Le procès en appel, repris début juin, a été reporté jeudi au 11 juillet prochain. Il s'agit du cinquième report du procès des 24 militants sahraouis qui ont été arrêtés, torturés et condamnés à de lourdes peines sur la base d'aveux signés sous la torture en raison de leur participation au camp de protestation sahraoui de Gdeim Izik en 2010. Le rapport de 74 pages, rédigé par Me Ingrid Metton et Me Olfa Ouled, dont l'APS a obtenu une copie, fait ressortir que "l'ensemble des éléments de preuve présentés pour démontrer la culpabilité des accusés font cruellement défaut et n'ont aucune crédibilité scientifique et/ou juridique". Selon l'acte d'accusation, les prisonniers politiques sahraouis sont poursuivis pour des "faits de violence commis sur des agents des forces publiques, entraînant la mort avec intention de la donner, association de malfaiteurs dans le but de commettre un crime et profanation de cadavre". Le rapport souligne que "les procès-verbaux, obtenus sous la torture, preuve central du procès militaire et de la procédure devant la Cour d'appel, sont inopérants", rappelant que le tribunal militaire s'était dessaisi de l'affaire par manque de preuves. Contrairement à la campagne publique qui a été menée dans les médias, "le jugement du tribunal militaire n'a (...) pas été cassé suite au changement législatif excluant la compétence du tribunal militaire, mais bien en raison du défaut de motivations de la décision qui découle de l'inexistence de preuves à l'encontre des accusés, explique le document qui devra être envoyé au président français Emmanuel Macron, au ministère des Affaires étrangères, aux ambassades, aux institutions internationales et aux ONG.
Absence de preuves et tentative de requalification du dossier Pour la défense des militants sahraouis, l'état du dossier devant la Cour d'appel est "exactement similaire à celui devant le tribunal militaire", rappelant que la Cour de cassation a déjà sanctionné l'absence de preuves et d'identification des victimes par décision du 27 juillet 2016. Cependant, face à cette "carence manifeste", le document met en relief la crainte de la défense de voir le procès requalifié afin de résoudre cette difficulté. "Cette tentative de requalification est tout simplement grave et constituerait, si elle était prononcée, une atteinte inacceptable au procès équitable et aux droits de la défense", affirme le rapport, expliquant que l'acte d'accusation, rédigé par le juge d'instruction près le tribunal militaire, "joue un rôle déterminant dans les poursuites pénales". A compter de sa signification, la personne mise en cause est officiellement avisée par écrit de la base juridique et factuelle des reproches formulées contre elle. Pour la défense, l'unique objectif de cette requalification est de "présenter les 24 militants de l'autodétermination, dont 21 sont aujourd'hui emprisonnés depuis 7 ans, comme des terroristes ou les fomenteurs d'un état de guerre soutenue par des forces obscures et, à en croire la presse, un Etat étranger...". Même avec la présentation de nouveaux éléments de preuve qui ne sont pas crédibles, poursuit la défense, "il est impossible de déterminer les causes de la mort et l'absence de toute analyse scientifique des pièces à conviction". Le rapport fait état également, selon les témoignages de détenus recueillis par leurs avocats, "d'au moins six de ces détenus ont été violés par une matraque et se sont fait uriner dessus au cours de leur garde à vue", ajoutant que "la plupart ont été maintenus pendant plusieurs jours menottés, les yeux bandés, privés de sommeil et de nourriture".