Le groupe pétrolier américain Exxon Mobil a indiqué, jeudi, avoir obtenu des injonctions judiciaires en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et aux Antilles néerlandaises gelant chacune des avoirs de l'entreprise nationale pétrolière du Venezuela, PDVSA. Selon un porte-parole d'Exxon, le montant total susceptible d'être gelé dans le monde s'élève à 12 milliards de dollars. Exxon a également obtenu en décembre une injonction d'un tribunal de New York gelant plus de 300 millions de dollars appartenant à PDVSA. Le groupe américain avait, pour rappel, déposé en septembre une demande d'arbitrage international pour obtenir des compensations pour son retrait de la région pétrolière de l'Orénoque, nationalisée par le gouvernement vénézuélien. Cette information a, cependant, vite été démentie par le ministre vénézuélien de l'Energie, Rafael Ramirez. Lors d'une conférence de presse, tenue vendredi, M. Ramirez a déclaré que "les fonds n'ont pas été gelés, c'est faux. Nous n'avons aucune décision définitive". Reprochant à Exxon Mobil de tenter de "harceler" le gouvernement, M. Ramirez, qui préside par ailleurs la compagnie nationale pétrolière, a ajouté que "c'est une mesure transitoire, le temps que PDVSA présente sa défense, et nous sommes sûrs que cette mesure de précaution va être supprimée". Au delà de son aspect financier, la bataille dépasse largement le cadre d'Exxon-Mobil contre le Venezuela. En effet, C'est la première fois qu'une entreprise privée s'attaque aussi directement à un Etat avec une telle ampleur. Par ailleurs, la procédure de la compagnie américaine n'a pas pu être lancée sans l'aval au moins implicite de la Maison Blanche. Ce qui fait dire à nombre d'observateurs, que c'est la réouverture de la chasse à Hugo Chavez. Dans l'impossibilité de le détrôner en fomentant un coup d'Etat, la recette consiste désormais à le coincer là où ça fait mal, via les avoirs de la PDVSA, la compagnie pétrolière nationale vénézuélienne, l'outil n'étant autre qu'Exxon Mobil qui roule à la fois pour lui-même et pour le gouvernement américain. Mieux encore, cette bataille constitue un précédent dans la mesure où elle remet en cause l'orientation légitime d'un Etat souverain dans la gestion de ses richesses nationales. Pour la première fois, les Etats-Unis demandent à la justice internationale de trancher si le sous-sol appartient à l'Etat ou aux investisseurs. Mais est-ce vraiment son rôle ? Quel que soit le résultat de la bataille, le simple fait qu'elle ait lieu, montre un renversement des pouvoirs. Un Etat n'a plus seulement à craindre une offensive diplomatique ou militaire, les coups peuvent désormais venir de la justice internationale. Le combat idéologique entre le Venezuela de Chavez et l'Amérique de Bush n'est pas récent. Il s'est même accentué lorsqu'en juin 2007 le président vénézuélien Hugo Chavez avait parachevé la reprise en main de cette riche région pétrolière produisant 500.000 barils extraits par jour et s'était engagé à indemniser les multinationales pétrolière. Si les autres compagnies internationales, à l'instar de Total (France), Statoil (Norvège), Chevron (Etats-Unis) et BP (Grande-Bretagne), ont accepté que la part de la compagnie nationale PDVSA devienne nettement majoritaire dans les coentreprises pétrolières de l'Orénoque, Exxon Mobil, tout comme l'autre américain ConocoPhillips, ont préféré quitter la région de l'Orénoque. Le nationalisme des Etats producteurs de pétrole a de tout temps irrité l'Occident. L'oncle Sam, à travers l'instrumentalisation de la justice internationale, espère avoir trouvé la parade. Ce serait un grave précédent.