Face aux exigences de la Commission européenne en matière d'émissions de gaz à effet de serre (GES), le président de Lafarge a menacé de suspendre les investissements de son groupe en Europe, pour desservir le marché européen à partir de l'Algérie et du Maroc, où les coûts de production sont bas. Selon le quotidien français Le Monde, le président du groupe Lafarge, M. Bruno Lafont, a lancé un avertissement aux responsables de l'Union européenne. “Dans l'attente de connaître les exigences de la Commission européenne et le prix à payer pour nos émissions de gaz à effet de serre (GES), nous suspendons notre programme d'investissements en Europe, soit plus d'un milliard d'euros”, a-t-il annoncé. “Car lorsque nous construisons une cimenterie, c'est pour cinquante ans, et nous avons besoin de visibilité et de connaître les paramètres économiques”. Cette annonce émise à l'occasion de la présentation des performances réalisées en 2007 par Lafarge, premier cimentier mondial, intervient quelques mois après le rachat du leader égyptien du ciment, Orascom, pour 9 milliards d'euros. Cette acquisition approuvée par les actionnaires du groupe a permit à Lafarge de s'implanter dans des régions à forte croissance, dont l'Algérie. En outre, en cas d'augmentation dans la taxe sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), M. Bruno Lafont a évoqué l'option d'alimenter le marché européen du ciment à partir de l'Algérie et du Maroc où les coûts de production sont plus bas et ou l'industrie du ciment est exonéré de la taxe sur les GES. Vu leur proximité du marché européen et le faible coût de l'énergie, les cimenteries du groupe Lafarge en Algérie sont plus compétitives par rapport aux autres cimenteries du groupe. Néanmoins, la production de Lafarge en Algérie arrive à peine à satisfaire les besoins du marché local. Un marché qui va connaître une forte croissance dans les années à venir, grâce aux projets lancés dans le domaine de l'immobilier et des infrastructures. De ce fait, développer ses investissements en Algérie devient un choix stratégique pour le groupe Lafarge qui gère les deux cimenteries appartenant à Orascom et qui est en négociation pour une prise de participation minoritaire dans le capital de la Société des ciments de la Mitidja (SCMI), communément appelée cimenterie de Meftah. Filiale du groupe ERCC, cette cimenterie, idéalement située dans le centre du pays, a une capacité de production annuelle d'un million de tonnes. Par ailleurs, le ciment produit dans les pays émergents se vend entre 60 et 90 euros la tonne sur le marché européen. A cause des coûts du transport, le ciment est jusqu'à présent fabriqué en Europe. Un renchérissement brutal des coûts lié à l'achat des droits à polluer (de 20 à 30 euros par tonne) pourrait conduire les cimentiers à fermer leurs usines en Europe et à importer ce matériau de pays exemptés de la taxe sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). Cependant, pour contrer le risque de désindustrialisation, les Européens ont plusieurs pistes : instaurer une taxe pour les produits émetteurs de carbone importés (c'est la solution soutenue par la France), ou obtenir un accord mondial entre les industriels pour qu'ils réduisent volontairement leurs émissions dans tous les pays. Cette dernière solution aurait le double avantage d'englober des pays très consommateurs comme la Chine et l'Inde et, surtout, d'aller plus vite que les procédures européennes. Les pourparlers ont déjà commencé entre les dix-huit plus grands cimentiers mondiaux, dont Holcim, Heidelberg, Cemex et Lafarge.