Les réformes des régimes de retraite ont généralement pour origine des problèmes attribués au vieillissement de la population, la situation est pourtant différente dans la région Mena car "le problème financier des systèmes de retraite dépasse la question du vieillissement". Cependant, "le principal problème va être de stimuler la croissance économique et la création d'emplois dans le secteur privé structuré", explique David Robalino économiste senior à la Banque mondiale et principal auteur du rapport publié en 2005 "Pensions in the Middle East and North Africa : Time for a Change" (Les régimes de retraite au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : l'heure est au changement), dans une conférence organisée par la BM. Les régimes de retraite du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord n'échapperont à l'insolvabilité que s'ils sont réformés et assainis par une économie plus solide créatrice d'emplois, selon les conclusions de ladite conférence. Les retraites sont modestes, versées à seulement 5 à 10% des seniors, et ne couvrent que 30% de la population active de la région. Elles représentent pourtant 1 à 3% du Produit intérieur brut (PIB) de ces pays. La plupart des caisses de retraite sont en train d'accumuler des engagements importants non financés qui compromettent leur viabilité, et les problèmes d'équité, d'efficacité, de gouvernance et d'administration sont courants. Les systèmes de retraite sont fondés sur des données démographiques obsolètes. Les caisses de retraite par répartition sont basées sur des systèmes datant de la fin des années 60 et du début des années 70, et doivent être réajustées pour tenir compte des tendances démographiques actuelles qui montrent une sur représentation des jeunes dans la population. Si un plus grand nombre de jeunes chômeurs pouvaient trouver du travail, leurs cotisations aideraient à reconstituer les caisses de retraite. Par ailleurs, à la conférence régionale sur la réforme des retraites au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, qui s'est tenue à Limassol (Chypre) début décembre 2007, les pays participants ont échangé leurs expériences sur les initiatives récentes de réforme et recensé les solutions envisageables pour réformer leurs régimes de retraite. Cette conférence a réuni des hauts responsables gouvernementaux et des experts des ministères du Travail, des Finances, de la Planification, des Affaires sociales, des organismes de sécurité sociale et des représentants des parties prenantes du secteur privé et du secteur public. Selon David Robalino, au moment de la publication du rapport, la Banque mondiale "avait déjà travaillé avec la plupart des pays en premier lieu afin de faire prendre conscience de la crise programmée de ces régimes de retraite et d'élaborer un schéma directeur pour orienter les discussions sur la réforme des retraites. Depuis, des pays comme l'Égypte, la Jordanie, le Maroc et le Liban ont fait d'énormes progrès en un laps de temps, relativement court". Les Etats de la région Mena sont encore relativement jeunes, ce qui leur laisse une chance de tirer parti du "cadeau démographique" d'une population active relativement importante par rapport à la population dépendante. Mais pour cela, ces pays doivent créer davantage d'emplois pour la jeune génération afin d'assainir les finances des caisses de retraite. La réforme des retraites peut y contribuer en réduisant les distorsions qui affectent les marchés de l'emploi, et favoriser ainsi l'accroissement de l'épargne nationale et le développement du secteur financier. Sans création d'emplois et sans surcroît de croissance économique, une part importante de la main-d'œuvre restera exclue du régime de retraite et risque de ne pas pouvoir épargner suffisamment pour avoir un niveau de vie convenable au-delà d'un certain âge. Une croissance économique soutenue améliore les conditions de vie des personnes âgées. Or, les prévisions régionales les plus récentes font état d'un taux de croissance moyen du revenu par habitant de 1 à 2 % pour la décennie à venir, ce qui n'est pas suffisant. Le taux de chômage de la région, estimé à au moins 15,9 %, figure parmi les plus élevés du monde. La crise des régimes de retraite se profile à plus ou moins brève échéance selon les pays, mais des mesures de réforme doivent être prises avant que les États ne se retrouvent dans une situation très grave. Comme l'explique David Robalino, "il importe d'agir maintenant car les régimes de retraite mettront du temps pour obtenir des résultats positifs. Si les pays ne veulent pas avoir à réduire fortement les prestations [ou augmenter les impôts] d'un seul coup mais souhaitent évoluer progressivement vers un système en équilibre, c'est aujourd'hui qu'ils doivent engager le processus de réforme. Attendre ne ferait que gonfler encore le montant des engagements non financés et obligerait les générations futures à en payer le prix par des impôts plus élevés, des prestations réduites et/ou des dépenses publiques plus faibles dans d'autres domaines, comme l'éducation ou la santé".