Le Venezuela, qui vient d'annoncer une restructuration de sa dette extérieure évaluée à 155 milliards de dollars, a donné rendez-vous à ses créanciers le 13 novembre à Caracas, tandis que l'hypothèse d'un défaut de paiement ne cesse de se renforcer. "Je dis aux investisseurs du monde entier et aux détenteurs de dette vénézuélienne: je vous convoque le 13 novembre à Caracas pour lancer un processus de refinancement et de renégociation de la dette externe", déclaré le chef de l'Etat socialiste. La veille, ce pays pétrolier, pris en étau entre la crise économique et les sanctions financières imposées par les Etats-Unis, avait annoncé une restructuration de sa dette extérieure pour tenter d'éloigner le spectre du défaut de paiement. "Je décrète un refinancement et une restructuration de la dette extérieure et de tous les remboursements du Venezuela", avait fait savoir le président Nicolas Maduro, assurant que son pays ne se laisserait pas "asphyxier" par "l'empire américain ou un autre". Vendredi, le vice-président Tareck El Aissami, chargé de conduire ce processus, en a profité pour annoncer que le groupe pétrolier vénézuélien d'Etat PDVSA avait commencé à rembourser 1,1 milliard de dollars d'un bon à échéance 2017. Ce versement, qui concerne le capital et les intérêts, intervient quelques jours à peine après avoir remboursé la semaine dernière 841,88 millions de dollars d'amortissement d'un bon à échéance 2020. Comme la semaine dernière, si l'entreprise d'Etat avait raté le coche, le pays serait tombé automatiquement en défaut de paiement. El Aissami a rappelé que depuis 2014, ce pays qui compte les réserves de pétrole les plus importantes de la planète, a déjà remboursé 71,7 milliards à ses créanciers internationaux, malgré la "guerre économique" menée selon le gouvernement par Washington et la droite vénézuélienne.
'Les options se réduisent' "Nous voulons dénoncer l'agression et le sabotage permanents, le blocus et le harcèlement financier dont a été victime le peuple de la part du gouvernement de Donald Trump", a ajouté le vice-président vénézuélien, a qui le Trésor américain a infligé en début d'année des sanctions financières pour trafic de drogue. "Nous allons lancer un processus de renégociation de notre dette et nous allons continuer à tenir nos engagements, de façon transparente, comme l'a toujours fait notre gouvernement", a-t-il ajouté. "Les options du Venezuela pour être à jour avec ses paiements sont en train de se réduire rapidement, principalement à cause du fait que toute restructuration doit être accompagnée d'un plan clair de réformes économiques crédibles, capables de gagner la confiance et le soutien des détenteurs de bons", estime l'analyste Diego Moya-Ocampos, du cabinet IHS Markit basé à Londres. Pour ajouter au sentiment de confusion, le Parlement, tenu par l'opposition mais qui a vu ses pouvoirs considérablement limités par le gouvernement, a annoncé vendredi qu'il ne reconnaîtrait pas une restructuration de la dette qui n'aura pas été approuvé par cette instance. Conformément à la Constitution, "celle qui peut approuver une restructuration de la dette, c'est l'Assemblée nationale", a déclaré le député Stalin Gonzalez, chef des députés de la coalition d'opposition de la Table de l'unité démocratique (MUD). "Le gouvernement a hypothéqué l'avenir des Vénézuéliens de manière irresponsable. La dette en 2006 était de 46 milliards de dollars et aujourd'hui, elle atteint presque les 200 milliards de dollars. Comment ont-ils fait cela?", s'est-il demandé. Mais la menace du Parlement devrait rester lettre morte grâce à l'Assemblée constituante, à la main du président Maduro. Installée début août, cette instance aux pouvoirs élargis chargée de rédiger une nouvelle Constitution s'est attribué la plupart des compétences du Parlement. La situation financière du Venezuela est d'autant plus compliquée que le président américain Donald Trump lui a imposé en août des sanctions financières, interdisant l'achat de nouvelles obligations émises par le gouvernement vénézuélien et la compagnie pétrolière nationale PDVSA. Au total, entre dette souveraine et créances de PDVSA, ce pays a dû rembourser 1,63 milliard de dollars en octobre. L'échéance pour novembre s'élève à 1,89 milliard et à 242,5 millions en décembre, selon le cabinet Aristimuño Herrera & Asociados. Et ses réserves monétaires, de 10,09 milliards, sont au plus bas depuis vingt ans.
Double mise en garde par le FMI et l'agence Fitch Après avoir annoncé vendredi cette réunion, le Venezuela a reçu une double mise en garde de la part du FMI et des agences de notation financières. Le Fonds monétaire international a pris acte lors d'une réunion de son comité de direction que le pays, qui traverse une grave crise politique et économique, était "en violation" avec les règles de l'institution en ne donnant pas accès à ses données économiques complètes. Fournir les données relatives aux exportations et aux importations de marchandises ainsi que celles concernant les indicateurs économiques clés sont "une obligation de tous les membres du Fonds", a rappelé le FMI. L'institution de Washington a également souligné que l'accès à l'ensemble des données économiques "permet une surveillance efficace des évolutions macroéconomiques de chaque pays" et d'évaluer leur impact sur les autres pays. Les membres du conseil d'administration du FMI, qui se sont réunis vendredi, ont en outre sommé le Venezuela "d'adopter des mesures de rattrapage spécifiques" dans les six mois. Cette séance du conseil "prévue de longue date", assure-t-on au FMI, s'est tenue le jour même où le Venezuela a annoncé une réunion avec ses créanciers pour le 13 novembre à Caracas alors que l'hypothèse d'un défaut de paiement ne cesse de se renforcer. "Je dis aux investisseurs du monde entier et aux détenteurs de dette vénézuélienne: je vous convoque le 13 novembre à Caracas pour lancer un processus de refinancement et de renégociation de la dette externe", a déclaré vendredi le chef de l'Etat socialiste, Nicolas Maduro. Ces déclarations ont été sanctionnées par les agences de notation Fitch et S&P qui ont dégradé la note de dette du Venezuela libellée en devises étrangères respectivement à "C" et "CC". En d'autres termes, elles considèrent la dette du Venezuela en devises étrangères comme étant en défaut, avec quelques espoirs de recouvrement. Elles motivent leur décision par le fait que l'Etat pourrait manquer une échéance de paiement ou présenter une opération de restructuration de sa dette "équivalente à un défaut dans les trois prochains mois". Fitch rappelle que le pays a déjà précédemment manqué des échéances de paiement. Combiné à l'annonce du gouvernement vendredi, l'agence estime qu'"un défaut de paiement est hautement probable". Le Fonds monétaire espère toutefois que les autorités du pays vont "collaborer de nouveau avec le Fonds en fournissant des données régulières en temps et en heure". "Une telle coopération serait profitable au Venezuela et à la communauté internationale", a-t-il argué.
Plus de mission économique depuis 2004 Le FMI, qui compte 189 membres, n'a pas pu effectuer de mission économique dans le pays depuis 2004 et il n'a reçu depuis que des données parcellaires, a-t-on indiqué auprès de l'institution. En théorie, le FMI peut "sanctionner" un pays en décidant de suspendre ses droits de vote. Il peut en outre interrompre les financements. Et dans le pire des cas, exclure un membre, ce qui est arrivé une seule dans l'histoire du FMI: c'était en 1954 avec la Tchécoslovaquie, a-t-on rappelé. La dernière aide financière du FMI au Venezuela remonte à 2001 et le pays n'a pas fait de demande en ce sens depuis. Asphyxié par la crise économique, le Venezuela, qui dispose pourtant d'importantes réserves pétrolières, avait annoncé jeudi une restructuration de sa dette extérieure, estimée à 155 milliards de dollars, afin d'éviter le défaut de paiement. La situation financière de ce pays pétrolier est d'autant plus compliquée que le président américain Donald Trump a imposé en août des sanctions financières contre Caracas, interdisant l'achat de nouvelles obligations émises par le gouvernement du Venezuela et la compagnie pétrolière nationale PDVSA.
Zone de turbulences avec sa dette externe Pris en étau par la crise économique et les sanctions financières des Etats-Unis, le gouvernement vénézuélien est entré en zone de turbulences en choisissant de renégocier sa dette extérieure. Quelles sont les conséquences de cette décision?
Une renégociation est-elle possible? Chute du PIB de 36% en quatre ans, hyper-inflation qui menace, avec une hausse des prix attendue à 2.349,3% en 2018, et une baisse de la production pétrolière de 23% depuis 2008, à 1,9 million de barils par jour: dans un Venezuela qui réunit déjà tous les symptômes d'une crise financière majeure, "les investisseurs vont demander: comment allez-vous me payer?", déclare l'économiste Orlando Ochoa. Pour rassurer les marchés, le président socialiste Nicolas Maduro assure que le "Venezuela va continuer à être un payeur fiable", rappelant que son pays a déjà remboursé 71,7 milliards à ses créanciers internationaux depuis 2014. Mais des obstacles juridiques pouvant déboucher sur des litiges se dressent déjà: le vice-président Tareck El Aissami, désigné pour conduire ce processus, est visé par des sanctions financières du Trésor américain pour trafic de drogue. Conformément à la Constitution, toute restructuration devrait être approuvée par le Parlement, contrôlé par l'opposition. Pour contourner cela, le gouvernement devrait passer par l'Assemblée constituante, instance aux pouvoirs élargis qui lui est acquise mais non reconnue internationalement.
Quel est le poids des sanctions américaines? Ces sanctions imposées en août interdisent l'achat de nouvelles obligations émises par le gouvernement du Venezuela et la compagnie pétrolière nationale PDVSA. "Il s'agit du principal point de friction", souligne Edward Glossop, analyste de Capital Economics. "Les sanctions américaines contre le Venezuela se sont clairement manifestées (...) La décision de M. Maduro de restructurer sa dette extérieure après un dernier paiement va créer de profonds doutes auprès de créanciers", affirme Jason Marczak de l'institut américain Atlantic Council. Le pays pétrolier doit payer d'ici la fin de l'année quelque 1,8 milliard de dollars et environ 8 milliards en 2018. Avec des réserves au plus bas depuis vingt ans, à 10,09 milliards de dollars, le risque de défaut de paiement est permanent.
De quoi est composée la dette vénézuélienne? La dette extérieure vénézuélienne s'élève à quelque 155 milliards de dollars. Le chef de l'Etat n'a pas détaillé quelle partie il entendait renégocier, mais d'après le cabinet Ecoanalitica, il s'agit de dette souveraine et du groupe PDVSA, à hauteur de 62 milliards. Le pays, qui a l'une des plus grandes réserves de pétrole de la planète, compte parmi ses principaux créanciers la Russie (8 milliards) et surtout la Chine (28 milliards), qui a réaffirmé vendredi sa confiance dans le gouvernement vénézuélien. Maduro soutient que 74% de la dette est détenue par des créanciers américains et canadiens.
Quel est l'impact dans la vie quotidienne des Vénézuéliens? Dans ce pays déjà soumis à une rude pénurie d'aliments et de médicaments, la perspective d'une renégociation de la dette ne devrait pas changer grand-chose et pourrait même aggraver la situation. Carlos Rodado, spécialiste de l'Amérique latine pour la banque Natixis, évoque une "contagion" à la région qui "se ferait par la crise migratoire" en cas de "crise économique plus forte ou un éventuel défaut".
Quels sont les précédents cas de renégociation de dette? Fin 2001, l'Argentine, 3e économie d'Amérique latine, s'est déclarée en défaut de paiement. En deux étapes, en 2005 puis 2010, le gouvernement de gauche a restructuré la dette avec les détenteurs de 93% des créances. Mais les fonds "vautours" minoritaires ont refusé cet accord impliquant une décote allant jusqu'à 70%. Pour régler ce litige, le président argentin de centre-droit Mauricio Macri a dû débourser plus de 11 milliards de dollars, via une levée de fonds sur les marchés internationaux de capitaux. A l'été 2015, la Grèce avait fait défaut en n'honorant pas deux remboursements au FMI pour un montant total de 2 milliards d'euros. Un prêt d'urgence des Européens avait permis à Athènes d'apurer sa dette et de pouvoir à nouveau prétendre à l'aide financière de l'institution. L'accord entre la Grèce et ses créanciers du mois d'août 2015 sur un troisième plan d'aide au pays de 85 milliards d'euros a éloigné le risque d'un défaut.