Il y a 19 années, Mouloud Mammeri, l'écrivain et chercheur algérien d'expression française, mourut dans un accident de voiture à l'âge de 72 ans. Il revenait du Maroc où il assistait à un colloque sur les langues maternelles. L'écrivain avait percuté un arbre dans la nuit du 26 février 1989 près de Aïn Defla, et comme Albert Camus, il était mort sur le coup. La Maison de la culture de Tizi Ouzou qui porte son nom lui a rendu à l'occasion de la commémoration de ce 19ème anniversaire un vibrant hommage. Comme chaque année, les organisateurs de cet événement ont mis sur pied une exposition retraçant sa vie et son itinéraire, une conférences sur le thème de “ Tamussni ” (connaissance) : ses formes et métamorphoses chez Mammeri ”, et la remise du traditionnel prix portant le nom de l'auteur du Sommeil du juste. Ce prix récompense, chaque année, la meilleure dictée, en tamazight, décernée par l'association locale des enseignants de cette langue. Tout comme ce fut le cas pour Kateb Yacine, l'on a souvent reproché à Mouloud Mammeri de n'être pas un auteur prolifique surtout qu'il avait mis 17 années entre son avant dernier roman, L'opium et le bâton et son dernier La traversée L'auteur qui écrivait entre temps faisait des recherches dans plusieurs domaines, notamment anthropologiques, linguistiques –langue amazighe- et folklorique –l'Ahellil du Gourara-, textes journalistiques…, avait toujours soutenu que pour écrire un roman il fallait de la distance, de la décantation par rapport aux événements qui se produisent intra et extramuros. Mammeri, l'enfant de Taouirirth Mimoun un des villages de Ath Yenni faisant face à celui du chanteur Idir, (W de Tizi Ouzou), a signé quatre romans dont, La colline oubliée et Le sommeil du juste. Dans la plupart de ces textes, l'écrivain revient sur des événements qui ont marqué une certaine période de son pays, le dit et le dénonce de façon réfléchie et avec un certain recul. Toute ces livres portent l'emprunte d'une réalité vécu et défendent de façon acharnée les libertés et l'épanouissement de l'Humain. Deux de ces ouvrages à savoir La colline oubliée et l'Opium et le bâton ont été portées à l'écran respectivement par Abderahmane Bouguermouh, actuellement alité dans un hôpital parisien, et Ahmed Rachedi sur le chantier de Ben Boulaid. Infatighable chercheur, Mouloud Mammeri a recueilli durant sa carrière l'œuvre orale du poète “ maudit ”, Si M'hand U m'hand, dans un ouvrage qui s'intitule, Isfra, en plus d'autres contes oraux dans Machahou, Talamchaho Défenseur acharné de la langue et de la culture berbères, il n'a eu de cesse non pas à s'étaler dans les discours de circonstances pour sa sauvegarde, mais plutôt entrepris un travail de recherche en récoltant, s'interrogeant et en mettant tout une tradition orale à l'abri des disparitions ou de la falsification. Ce qui intéresse l'écrivain c'est surtout l'Homme, ses libertés individuelles ou collectives, son appartenance à un milieu culturellement authentique qui favoriserait son épanouissement, et la preuve c'est qu'il a travaillé sur un peuple lointain qu'il a rendu dans sa succulente pièce, La mort absurde des Aztèques. Ce peuple qui a été entièrement englouti par la bêtise des hommes, il en prend exemple pour prévenir contre la disparition de quelques langues locales. C'est là que se situe le travail colossal de Mouloud Mammeri, le défenseur des dignités humaines.