Pas d'annonce susceptible de dénouer la crise: les syndicats de la SNCF, opérateur français du rail, restaient lundi déterminés à poursuivre la grève malgré une rencontre avec le Premier ministre français Edouard Philippe. Pour la première fois depuis le lancement de la grève début avril, le Premier ministre a reçu tour à tour les syndicats de la SNCF, tentant visiblement de trouver une issue à la crise. Mais M. Philippe a prévenu à l'issue des réunions que la réforme ferroviaire "ne changera pas fondamentalement", même si le texte "peut être encore finalisé" et qu'une nouvelle rencontre est prévue le "24 ou 25 mai", avant l'examen de la réforme au Sénat. Le texte a déjà été approuvé par l'Assemblée nationale, chambre basse du Parlement français. La CGT-Cheminots, premier syndicat de la SNCF, en a donc tiré la conclusion: "la grève continue", a lancé son responsable, Laurent Brun. La réforme vise notamment à abolir le statut des cheminots, qui garantit l'emploi à vie et une retraite précoce, afin, selon le gouvernement, d'abaisser les coûts de la SNCF dans la perspective de l'ouverture à la concurrence en Europe. Le conflit reste donc dans l'impasse, chacun semblant camper sur ses positions, tandis que la grève par épisodes - deux jours sur cinq - est prévue pour durer jusqu'à la fin juin. "Les 15 jours à venir vont être primordiaux", souligne Roger Dillenseger, du syndicat Unsa ferroviaire (2e). "Toutes les réponses qui nous sont soumises ne sont pas de nature à arrêter la grève", prévient Erik Meyer, porte-parole de SUD-Rail. La CFDT (4e) se dit elle aussi prête à poursuivre la grève mais a vu un Premier ministre "prêt à ouvrir des discussions". Sur la dette astronomique de la SNCF - près de 50 milliards d'euros -, le Premier ministre a réaffirmé que l'Etat la reprendrait "progressivement à partir de 2020" et a fixé comme objectif que le groupe public soit "à l'équilibre économique" en 2022. "Une +règle d'or+" interdira par la suite "un endettement excessif". Le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, lui aussi reçu par le Premier ministre a lui évoqué "une main tendue". "Le dialogue peut reprendre, et tout le monde pense que c'est le moment, parce qu'il reste trois semaines" avant le passage du projet de loi au Sénat, a-t-il jugé. La huitième séquence de grève débute lundi à 20H00 pour se terminer jeudi matin. La direction prévoit pour mardi trois TGV sur cinq. Le trafic des Eurostar et des Thalys est annoncé quasi-normal. Les liaisons depuis et vers la Suisse (Lyria) et l'Italie sont en revanche touchées, avec respectivement cinq trains sur neuf et un train sur trois. Il n'y aura pas de train entre la France et l'Espagne. Parallèlement, le conflit à Air France semble lui aussi s'enliser. La compagnie affronte lundi sa quatorzième journée de grève pour les salaires depuis février, avec un trafic cependant en hausse (près de 85% des vols maintenus). L'action Air France s'est effondrée de près de 10% à la Bourse de Paris, à la suite de la démission de son P-DG vendredi.
Philippe réinvite les syndicats fin mai Le texte réformant la SNCF ne "changera pas fondamentalement" mais de nouvelles rencontres seront proposées aux syndicats pour "le finaliser" avant son passage au Sénat fin mai, a déclaré lundi le Premier ministre Edouard Philippe. "J'ai (...) invité les organisations syndicales à poursuivre le dialogue avec le gouvernement", a déclaré M. Philippe dans une courte allocution après les avoir reçues à Matignon. Le chef du gouvernement a dit vouloir allier "ouverture et fermeté" vis-à-vis des syndicats de cheminots qui mènent une grève par épisodes, deux jours sur cinq, depuis début avril. "Nous ne reviendrons pas" sur les trois grands principes de sa réforme du secteur ferroviaire, validés en première lecture par l'Assemblée nationale, a-t-il assuré: l'ouverture à la concurrence, la fin du recrutement au statut de cheminot et la transformation de la SNCF. "Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus rien à discuter", a relevé M. Philippe, qui note que son texte "peut encore être finalisé". A l'adresse des syndicats modérés, Unsa et CFDT, la ministre des Transports Elisabeth Borne s'est d'ailleurs dite "prête à intégrer au projet de loi discuté au Sénat tous les amendements utiles à la réforme". Mme Borne recevra les syndicats qui le souhaitent vendredi, et lui-même les a invités "le 24 ou le 25 mai", avant que ne débute l'examen du projet de loi en séance publique au Sénat (le 29), a ajouté M. Philippe. D'ici là, l'exécutif demande à la SNCF et à la profession --l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP)-- de présenter un calendrier de négociations pour écrire un nouveau pacte d'entreprise --dans lequel "l'Etat ne s'impliquera pas", selon Mme Borne-- et compléter la convention collective du secteur. Edouard Philippe a dit que "tout ce qui doit être précisé", y compris les conditions de la reprise de la très lourde dette de la SNCF, le sera avant le passage du projet de loi au Sénat. Réaffirmant que l'Etat reprendrait la dette du groupe "progressivement à partir de 2020", M. Philippe a fixé comme objectif que le groupe public soit "à l'équilibre économique à la fin du quinquennat" en 2022, et s'est engagé à adopter "des règles strictes, une +règle d'or+ qui interdise un endettement excessif de la SNCF". Il a également indiqué que la reprise de la dette serait "clairement identifiée dans les comptes publics", et soumise au vote du Parlement. Pour rassurer les syndicats, le chef du gouvernement a aussi promis d'"aller plus loin sur l'investissement" pour rénover le réseau ferré national. "Nous devons sans doute aller plus loin pour financer notamment des travaux de modernisation de la signalisation, qui conditionnent la qualité de service et la régularité des trains", a-t-il noté, répondant à SNCF Réseau qui réclame plus de moyens.