Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé lundi sa volonté de recourir aux ordonnances pour faire adopter, "avant l'été", une réforme de la SNCF prévoyant, entre autres, la fin du statut de cheminot pour les nouvelles recrues. Dénonçant un "passage en force", les syndicats de cheminots se sont dits prêts à la grève. La CGT-Cheminots, premier syndicat à la SNCF, envisage "un mois de grève" pour "faire plier le gouvernement". La CFDT (4e syndicat) propose une "grève reconductible à partir du 14 mars". L'Unsa (2e) veut aussi une grève. "Un mouvement dur", prévient SUD-Rail. Ces quatre syndicats représentatifs se retrouveront mardi après-midi pour discuter d'une réponse commune. "Je ne vais pas au conflit", leur a répondu à distance Edouard Philippe, au 20h de France 2. "J'ai bien entendu un certain nombre de représentations des organisations syndicales, qui considéraient que le recours aux ordonnances, prévu par la Constitution, était un +casus belli+. Moi, je ne me situe absolument pas dans une logique de conflictualité, de guerre, de bras de fer. Je dis simplement que nous devons avancer", a-t-il dit. En matinée, il avait souligné que "la situation est alarmante, pour ne pas dire intenable. Les Français, qu'ils prennent ou non le train, paient de plus en plus cher pour un service public qui marche de moins en moins bien". "Il est temps d'oser mener la réforme que tous les Français savent nécessaire", a-t-il souligné, prônant "un nouveau pacte ferroviaire". Préconisant "plus d'efficacité et de souplesse à la SNCF", il estime nécessaire de réorganiser le groupe public. Il convient selon lui d'"examiner calmement" une transformation en société nationale à capitaux publics, comme l'a préconisé l'ancien patron d'Air France, Jean-Cyril Spinetta, dans un rapport sur l'avenir du rail français. Une telle transformation serait "l'inverse d'une privatisation puisque l'Etat y détiendrait des titres incessibles", a-t-il martelé, assurant que les futurs employés de la SNCF devront par ailleurs bénéficier "des conditions de travail de tous les Français, celles du Code du travail". "À l'avenir, à une date qui sera soumise à la concertation, il n'y aura plus de recrutement au statut" de cheminot, a expliqué M. Philippe, reprenant une des propositions phare du rapport Spinetta. La SNCF devra présenter "avant l'été", et après concertation, "un projet stratégique d'entreprise", garantissant "une meilleure qualité de service pour les usagers des transports" et "une gestion plus efficace". Il lui faudra en particulier "aligner ses coûts sur les standards européens", quand "faire rouler un train en France coûte 30% plus cher qu'ailleurs". Quant à la très lourde dette de SNCF Réseau (46,6 milliards d'euros à la fin 2017), "l'Etat prendra sa part de responsabilités avant la fin du quinquennat" après que la SNCF aura consenti des efforts, a-t-il prévenu. Pour calmer les élus locaux, le Premier ministre s'est démarqué des recommandations de M. Spinetta qui souhaitait faciliter la fermeture des lignes peu fréquentées coûteuses à rénover. "Ce n'est pas une réforme des petites lignes", a-t-il assuré.
"Une grève dure" La ministre des Transports Elisabeth Borne a annoncé deux mois de concertation, en mars et avril, pour préciser le contenu de la réforme. Quel qu'en soit le résultat, M. Philippe a déjà dit que, "face à l'urgence", son gouvernement entendait légiférer par ordonnances. Au moins en partie. "Nous voulons aller vite sans escamoter pour autant la concertation ou le débat parlementaire", a-t-il plaidé, précisant qu'il comptait réduire "le contenu des ordonnances aux seuls aspects techniques". Un projet de loi d'habilitation à procéder par ordonnances sera présenté à la mi-mars. Les syndicats CGT, Unsa, SUD-Rail et CFDT avaient menacé dès la semaine dernière le gouvernement d'un "conflit majeur" s'il choisissait cette voie des ordonnances. "Nous allons relever le défi. On est sûrement parti pour l'un des plus importants mouvements sociaux de l'histoire de la SNCF", a dit au Parisien le secrétaire général de la CGT-Cheminots, Laurent Brun. "Je ne laisserai personne cracher à la figure des cheminots", s'est exclamé le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, interrogé par Les Echos. "La question ce n'est pas de dénigrer les cheminots, je ne le ferai jamais", a assuré le Premier ministre sur France 2, notant que "les cheminots font un boulot souvent très difficile". Côté politique, l'opposition fustige surtout le choix des ordonnances. "Sur la SNCF, ce n'était pas un engagement de campagne" d'Emmanuel Macron, a relevé Gilles Platret, porte-parole de LR. "Le rapport Spinetta et ce que veut faire le gouvernement passent complètement à côté des cinq millions de passagers qui prennent le train tous les jours", a critiqué Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France.