Quelle perception ont, aujourd'hui, les jeunes générations d'Algériens des massacres de masse, commis le 8 mai 1945, par l'armée et la police françaises, à l'encontre des populations des localités du Constantinois, sorties manifester pour réclamer l'indépendance de leur pays, et dont 45.000 membres trouvèrent la mort ? Dans un reportage consacré à ce sujet, un journaliste de la chaine 3 est allé, mardi, à la rencontre de jeunes qu'il a interrogés sur ces évènements sanglants qui, près de 10 années plus tard, entrainèrent le déclenchement de la lutte armée contre le colonialisme français. L'une des personnes approchée déclare avoir entendu parler de ces tueries, intervenues " après la deuxième guerre mondiale ", à la veille desquelles, dit-il, la France avait promis l'indépendance aux Algériens " mais qu'il n'en fut rien ", ajoutant qu'il ne possédait pas plus de détails. Un autre intervenant répond tout de go qu'il ne sait absolument rien sur cette partie de l'histoire du pays. "La jeunesse d'aujourd'hui, commente un interviewé, lorsqu'on lui dit ''juillet 62'', répond ''l'indépendance'', mais lorsque qu'on la questionne sur le 8 mai 45, elle se met à réfléchir ". " Je sais que c'est un évènement historique, je sais aussi qu'il y a eu un nombre important de morts parmi les Algériens, mais ce qui s'est passé réellement ce jour-là, je ne sais pas " avouera pour sa part un jeune à qui est tendu le micro. Peu ou pas de bonnes réponses du tout de la part des jeunes algériens, quand on les questionne sur le sujet relève l'auteur du reportage, ajoutant que ce n'est pas parce que ceux-ci ne s'intéressent pas à l'histoire de leur pays, mais plutôt " par manque d'informations ". Pour lui, observe-t-il, les dates marquantes c'est le 1er Novembre et le 5 juillet, " effaçant des mémoires celle du 8 mai 1945, qui a, rappelle-t-il, grandement contribué à la libération de l'Algérie ". " Il n'y a pas assez d'informations sur cette histoire particulière, tout comme sur les autres moments forts de l'histoire de par notre pays ", explique, par ailleurs un jeune citoyen qui propose que les Maisons de la culture organisent souvent des expositions illustrant toutes les périodes marquantes vécues par l'Algérie.
Des solutions au dossier des victimes étudiées Le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, a affirmé, à Guelma, que les services de son département sont en phase d'étudier les modalités permettant de trouver les solutions idoines au dossier des victimes des massacres du 8 mai 1945 sur le plan administratif vu que ce sont " des chouhada sur les plans politique et religieux". Le ministère examine actuellement les différents aspects liés à ce dossier avec l'association des différents organismes et institutions concernés ", a déclaré le ministre à la presse au siège de la wilaya. Zitouni qui préside à Guelma les festivités nationales commémoratives du 73ème anniversaire de ces massacres a indiqué que son département possède le fichier des chouhada de la révolution entre 1954 et 1962 et a assuré que le dossier des victimes des massacres du 8 mai 1945 à Guelma, Sétif et Kherata (Béjaïa) se trouve " entre des mains d'Algériens épris de l'Algérie ". Le 8 mai 1945 est une occasion nationale, a souligné le ministre qui a assuré que sa participation aux festivités en était la preuve tout en considérant que " sa transformation en journée nationale chômée et payée n'est pas à l'ordre du jour et constitue un autre aspect de la question ". Relevant que les crimes perpétrés par le colonisateur français en Algérie sont imprescriptibles, le ministre a appelé les Algériens à faire de cette occasion une opportunité pour présenter aux jeunes générations les idéaux de la Révolution qui est la fierté de chaque algérien. A la Maison de jeunes Salah Boubnider, le ministre a présidé la cérémonie de distribution des clés de 45 logements publics sur un total de 375 unités dont les clés seront remises à l'occasion aux bénéficiaires dans les cinq communes de Hammad Debagh, Nechmaya, Tamlouka, Belkheir et Dehouara. Dans la commune de Bouchegouf, M. Zitouni a levé le voile sur une fresque comportant les noms de 400 chouhada et a inspecté les travaux de réhabilitation de la stèle commémorative des victimes de ces massacres, dans la commune d'El Fedjoudj, avant d'y inaugurer la mosquée Lokmane. Au premier jour de ces festivités nationales de trois jours, le ministre devait suivre, dans la soirée, la présentation d'une opérette " Min wahyi chahid " au théâtre romain. Il présidera mardi diverses autres activités, dont la marche traditionnelle qui emprunte l'itinéraire des manifestants pacifiques du 8 mai 1945.
" Génocide contre l'humanité " Des juristes, chercheurs et enseignants ont appelé, à la "classification" des massacres du 8 mai 1945, perpétrés par la colonisation française, "crimes de génocide contre l'humanité", demandant à la France de reconnaitre ses crimes coloniaux. Lors d'une rencontre, organisée par l'Association " Mchaal Echahid " en coordination avec le quotidien " El Moudjahid ", en commémoration du 73e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, l'avocate Fatima Zahra Benbrahem a mis en avant l'impératif de prendre les mesures nécessaires pour demander la classification des massacres du 8 mai 1945 comme crimes de génocide contre l'humanité et leur inscription auprès de l'ONU, à l'instar des crimes perpétrés contre certains peuples du monde. " Il est temps de soumettre cette demande à l'ONU pour inscrire les massacres du 8 mai 1945, qui ont laissé 45.000 chahids, parmi les crimes contre l'humanité perpétrés par la colonisation française à l'encontre du peuple algérien ", a-t-elle soutenu. Pour sa part, le juriste El Ayeb Allaoua, professeur de Droit international à l'université d'Alger 1, a affirmé que le dossier des crimes de la colonisation française, perpétrés en Algérie de 1830 jusqu'à 1962, peut être traité à travers " la demande à la France de reconnaitre ces crimes comme " génocide contre l'humanité avec excuses et dédommageant des victimes ", sachant que ces crimes sont imprescriptibles dans le Droit international, outre l'incrimination des déchets nucléaires laissés par la colonisation française à Reggane et Tamanrasset". Il a fait état, dans ce sens, de la possibilité de "saisir la Cour de justice européenne (CJUE) au sujet des différents crimes de la colonisation française qui ont fait des millions de chahids, indépendamment des conséquences de ces crimes tels que les effets négatifs sur l'environnement.