Les Algériens se sont remémorés les dizaines de milliers de martyrs, victimes de la brutalité de l'armée coloniale et des milices pieds-noirs. L'Algérie a commémoré, hier, le 70e anniversaire des massacres du 8 mai 1945. Alors que le monde occidental fêtait la victoire sur le nazisme, les Algériens se sont remémorés les dizaines de milliers de martyrs, victimes de la brutalité de l'armée coloniale et des milices pieds-noirs. Sur initiative du Parti du peuple algérien (PPA clandestin), qui avait saisi l'occasion des festivités de la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour réclamer l'indépendance de l'Algérie, des manifestations pacifiques avaient éclaté le 8 mai 1945 à Sétif, Guelma, Kherrata, Batna, Jijel et dans d'autres villes algériennes. Pour la seconde fois après celle de la célébration du 1er mai, le drapeau national avait été arboré en public. Ces manifestations, réprimées violemment, seront le prélude à la Guerre de Libération nationale, entamée un 1er novembre 1954. Si durant ces 10 dernières années, Paris a admis que les massacres du 8 mai 1945 sont "une tragédie inexcusable" et que la France avait "manqué à ses valeurs", elle n'a pas cependant beaucoup avancé sur le registre de la reconnaissance de la réalité belliciste des événements du 8 mai. Pourtant, ces massacres, incluant la liquidation en masse d'Algériens de tous âges, les bombardements de l'aviation et de la marine françaises, et la crémation dans des fours à chaux, sont bel et bien un crime contre l'humanité, "une des phases d'extermination" du peuple algérien. Fait nouveau, cette année, quelques jours avant la célébration du 8 mai, la France a dépêché son secrétaire d'état aux anciens combattants, Jean-Marc Todeschini, en Algérie, pour décorer les Algériens survivants de la Seconde Guerre mondiale. Avant de regagner son pays, ce dernier a plaidé pour le travail de mémoire, une mémoire, dira-t-il, qui "ne doit pas nous diviser mais nous réunir". Interrogé sur cette visite, le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, l'a qualifiée récemment de "reconnaissance de la France de ses crimes", en précisant toutefois que la démarche française demeure "incomplète et insuffisante". Et après ? C'est du sol français et de la bouche d'une jeune lycéenne que la problématique du "génocide en Algérie" a été posée clairement, au cours d'une émission de Canal+. Un peu gêné, le président français lui a répondu qu'il n'y avait pas "génocide mais une guerre", écartant d'un trait tous les faits produits avant Novembre 1954. Pour François Hollande, "le génocide, c'est si nous avions voulu tuer tous les Algériens". Si tel est le cas, sur quel chapitre faut-il alors classer les 132 ans de "la longue nuit coloniale", l'agression en juin 1830, les enfumades, emmurements, déportations, peuplements de colons étrangers, dépossessions de terres et de biens algériens, persécutions, emprisonnements, tortures, essais chimiques et nucléaires, enrôlement de force de centaines de milliers d'Algériens durant les deux guerres mondiales ? Comment décrypter aussi l'assassinat, en mai 1945, de 45 000 Algériens ? Enfin, comment interpréter l'extermination systématique des populations civiles algériennes, avant et pendant la guerre d'indépendance ? Aujourd'hui, la France n'est pas encore prête à faire son mea culpa. Pourtant, des gestes plus "osés" sont attendus pour contribuer au retour de cette "mémoire réunificatrice". Quant à l'état algérien, il doit être plus à l'écoute des doléances des familles des victimes du 8 mai 1945, décédées et disparues : reconnaissance, actualisation de l'état civil... H. A.