L'aile la plus à droite du gouvernement allemand, soutenue par Donald Trump, a fixé lundi un ultimatum de deux semaines à Angela Merkel pour réduire au niveau européen le nombre d'arrivées de migrants, ou prendre le risque d'une crise politique majeure. Le ministre allemand de l'Intérieur, le très conservateur Horst Seehofer, a prévenu qu'il serait prêt "en juillet" à "refouler immédiatement" les migrants arrivant aux frontières allemandes en provenance d'un autre pays européen si la chancelière ne parvenait pas à une solution "équivalente" à l'occasion d'un sommet de l'UE prévu les 28 et 29 juin. "Je suis parfaitement déterminé à mettre cela en œuvre si les négociations européennes devaient échouer", a-t-il prévenu lundi. Angela Merkel a de son côté promis de tout faire pour trouver d'ici-là des accords bilatéraux et européens sur la question, mais elle a rejeté l'ultimatum, assurant qu'il n'y aurait aucune fermeture "automatique" aux demandeurs d'asile en cas d'échec de ses efforts. "Nous ne voulons pas agir de manière unilatérale, non-concertée et dommageable pour des tiers", a-t-elle dit. Après une semaine de polémiques sur le sujet entre Mme Merkel et son ministre, le risque d'implosion de la fragile coalition au pouvoir depuis trois mois en Allemagne reste plus actuel que jamais, tant il est difficile de satisfaire toutes ses composantes: la droite dure bavaroise (CSU), que préside le ministre de l'Intérieur, le centre-droit (CDU) d'Angela Merkel et les sociaux-démocrates du SPD. Sur la question migratoire, Mme Merkel joue la carte de l'UE et considère que le destin de l'Europe est en jeu. Il s'agit d'éviter "un effet domino" fatal à ses yeux.
Trump souffle sur les braises Donald Trump a clairement choisi son camp. Il a soufflé lundi sur les braises du conflit gouvernemental de Mme Merkel en estimant dans un tweet que "le peuple allemand est en train de se retourner contre ses dirigeants" sur l'immigration et en affirmant que "la criminalité en Allemagne est très en hausse". Ce que contestent les statistiques officielles. "Nous ne voulons pas que ce qui se passe avec l'immigration en Europe se passe avec nous!", a écrit le président américain. La chancelière a semblé recevoir le soutien de l'Italie dans son bras de fer avec M. Seehofer. En visite à Berlin, le nouveau président du Conseil, Giuseppe Conte, a mis en garde contre les politiques semant "les divisions en Europe". "Nous devons agir tous ensemble", a-t-il prôné, appelant à davantage de solidarité et à un meilleur contrôle des frontières extérieures de l'UE. "Les frontières italiennes sont des frontières européennes", a insisté M. Conte dont le pays refuse désormais l'accès à ses ports aux navires d'ONG secourant des migrants en Méditerranée. En Allemagne, l'onde de choc politique provoquée par l'arrivée de plus d'un million de demandeurs d'asile en 2015 et 2016 ne faiblit pas, même si depuis 2017 le nombre des nouveaux arrivants a considérablement baissé. Cette crise migratoire a d'abord contribué à l'essor de l'extrême droite un peu partout en Europe, et est à l'origine du conflit actuel au sein du camp conservateur de la chancelière, entre partisans de la voie nationale et européenne. La CSU, qui se prépare à de difficiles élections régionales en Bavière en octobre face à l'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), a perdu patience, au risque de faire tomber l'alliance datant de 1949 avec le parti démocrate-chrétien (CDU) de Mme Merkel. Ce conflit politique agite le spectre d'élections anticipées qui pourraient avant tout profiter à l'extrême droite.
Merkel entre deux feux Les deux semaines qui viennent s'annoncent donc décisives et compliquées pour Mme Merkel, car il semble improbable qu'elle puisse trouver une solution satisfaisante à la fois pour ses alliés bavarois et pour l'Italie ou la Grèce, qui réclament une répartition des demandeurs d'asile en Europe. La chancelière s'entretiendra mardi avec le président français Emmanuel Macron et celui de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Elle doit faire face à un mécontentement croissant de son opinion, exacerbé par des faits divers. Lundi s'est ouvert le procès d'un jeune réfugié afghan accusé d'avoir mortellement poignardé son ancienne petite amie de 15 ans dans un supermarché.