Des experts français ont mis en valeur à Paris, lors de la 11e édition des "Rencontres Algérie" organisée au siège de Business France, la nouvelle orientation économique de l'Algérie, relevant la "forte rentabilité" du marché algérien. Placée sous le signe des partenariats productifs entre entreprises françaises et algériennes, cette édition intervient dans le contexte de la dernière session du Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) qui s'est tenue à Paris le 7 décembre 2017, au lendemain de la visite du président Emmanuel Macron en Algérie. Au cours de ses travaux, à laquelle ont pris part l'ambassadeur d'Algérie en France Abdelkader Mesdoua, Edith Cresson, ex-Premier ministre sous François Mitterrand, et pas moins de 350 participants, dont de nombreux chefs d'entreprises français et algériens, le directeur général délégué Export de Business France, Frédéric Rossi, a insisté que le nouveau contexte, qu'il faut prendre en compte, a-t-il dit, en matière d'orientation économique de l'Algérie vers la production nationale, le co-développement et la diversification. Pour le responsable français, l'Algérie demeure un partenaire "incontournable" pour la France et qu'il faudra identifier les opportunités d'investissements dans ce pays. "Il faut simplement trouver les bons partenaires pour être accompagnés" dans des projets productifs, a-t-il recommandé, soulignant qu'une entreprise française sur deux, accompagnées par Business France en Algérie, revient avec des contrats de partenariat. Pour sa part, Denis Le Fers, chef du service économique régional en Afrique, a indiqué que l'Algérie est le 4e pays africain en matière de PIB, avec 170 milliards de dollars, et le 6e pays africain en matière de PIB par habitant (4292 dollars), ajoutant que le marché algérien avec ses 42 millions d'habitants est "très prometteur". Il a également noté que l'économie algérienne est dominée par le secteur des services (40% du PIB), notamment dans le domaine du commerce, des transports et des télécommunications, soulignant que les hydrocarbures représentent le quart du marché algérien. Il a déploré cependant que l'industrie manufacturière demeure faible (-5 % du PIB) et que le poids de l'économie informelle représente, selon l'Office national des statistiques et la Banque mondiale, 40 à 50% du PIB.
La règle 51/49 n'est plus un obstacle Dans ce contexte, il a mis en exergue trois objectifs stratégiques de l'économie algérienne, à savoir le retour progressif aux équilibres budgétaires et soutien à la croissance, la préservation des réserves de change avec la rationalisation des importations, et la diversification de l'économie, notamment dans l'industrie automobile, le numérique, l'agroalimentaire et la santé. Pour ce dernier objectif, a-t-il expliqué, "nous constatons un encouragement à la production nationale, un approfondissement des marchés des capitaux et une adaptation du capital humain au marché du travail". Pour lui, l'économie algérienne "possède des atouts pour réussir sa transition", citant un niveau d'infrastructures "remarquable", un secteur privé et un grand marché intérieur "dynamiques", de faibles niveaux d'endettement et des réserves de change "très appréciables". Revenant au positionnement des entreprises françaises sur le marché algérien, cet expert a estimé que la France "peut mieux faire" dans le sens où elle est actuellement le 2e fournisseur de l'Algérie derrière la Chine et le 2e client derrière l'Italie. Dans ce contexte de frilosité des entreprises françaises en Algérie, le secrétaire général du ministère de l'Industrie et des Mines, Kheir-Eddine Medjoubi, a fait observer que les entreprises françaises bénéficient pourtant de "beaucoup d'avantages", rappelant que le plan de développement du gouvernement concerne l'agriculture (passer à l'exportation), l'industrie avec 13 filières prioritaires et le tourisme. Il a appelé dans ce sens les entreprises françaises à venir en Algérie pour "nouer des partenariats productifs". Ce qui a amené le directeur de Business France en Algérie, Dominique Boutter, à dire que le marché algérien "vaut la peine" d'être investi. Sur un autre plan, plusieurs autres responsables français dans des cabinets d'affaires comme Ernets&Young, Mazars, GIDE, ainsi que des banques ou des assurances installées en Algérie, ont été unanimes à affirmer que la règle 51/49 n'est plus un obstacle dans la mesure où toutes les entreprises françaises engagées dans des partenariats se sont déjà adaptées. "Il faut démystifier le sujet", a recommandé Samy Laghouati, associé au cabinet international d'affaires GIDE, soulignant qu'aujourd'hui, des entreprises se sont non seulement habituées avec cette règle, mais aussi les affaires "évoluent positivement". Le DG de l'Agence nationale de développement de l'investissement (ANDI), Abdelkrim Mansouri, a indiqué à cet effet que depuis l'instauration de cette règle, le nombre d'investissements s'est multiplié par trois et le nombre de projets a doublé.
"Net recul" du volume de la coopération économique Le volume de la coopération économique entre la France et l'Algérie connaît un "net recul" depuis trois ans, a indiqué à Paris l'ambassadeur d'Algérie en France, Abdelkader Mesdoua, soulignant la part "marginale" en Algérie des investissements directs français hors hydrocarbures. "Même si elle est substantielle, la coopération économique connaît, en revanche, un net recul depuis trois années. Elle est loin d'avoir épuisé tout son potentiel, comme en témoigne la part marginale des investissements directs français en Algérie, en dehors du secteur des hydrocarbures", a affirmé le diplomate algérien dans son allocution aux travaux de la 11e édition des "Rencontres Algérie" organisée par Business France. Pourtant, a-t-il expliqué, l'Algérie est un marché de plus de 42 millions de consommateurs, avec une classe moyenne "importante" estimée à presque 10 millions de personnes, soutenant que l'Algérie est un pays "qui réalise une croissance de plus de 3 % hors hydrocarbures, disposant d'inestimables ressources humaines, d'importantes richesses et ayant mis en place des facteurs attractifs en matière d'investissements". Sur un autre plan, l'ambassadeur d'Algérie a réfuté qu'on garde en France la carte sécuritaire actuelle "négative" qui est loin de la réalité algérienne. "Il est malaisé de comprendre, d'un côté, le discours d'encouragement à l'investissement en Algérie et continuer à garder, de l'autre, la carte sécuritaire actuelle négative qui est loin de refléter la réalité", a-t-il fait remarquer, s'interrogeant : "Comment peut-on encourager la mobilité des personnes des deux côtés et promouvoir le tourisme vers l'Algérie ?". Avouant qu'il lui est difficile d'apporter des réponses, surtout à de nombreux Algériens et de Franco-algériens ainsi qu'à des Français, notamment à des opérateurs économiques, tour-opérateurs activant dans la sphère économique et touristique. "Bon nombre d'entre eux se sont rendus en Algérie et reviennent ravis avec des impressions bien différentes des clichés et stéréotypes éculés", a-t-il fait savoir. Par ailleurs, il a préconisé la révision de l'évaluation établie par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) sur l'Algérie qui, selon lui, devrait "prendre en charge les efforts entrepris et les atouts que présente" l'Algérie. Dans son rapport annuel sur les risques et les prévisions des pays, publié en janvier, la Coface a classé l'Algérie, pour la deuxième année consécutive, dans la catégorie "C" avec un risque d'impayés des entreprises "élevé", rappelle-t-on. Les évaluations établies par cet organisme sur 160 pays et 13 secteurs influencent les entreprises dans leur décision d'investissement. "L'Algérie d'aujourd'hui est différente de celle des années 1980", a martelé l'ambassadeur d'Algérie en France, soulignant que la stabilité et la sécurité recouvrées en Algérie, la volonté de l'Etat, dans le domaine économique, est "forte" pour améliorer "constamment" le climat des affaires. Revenant sur les mesures concernant la suspension de certains produits à l'importation qui suscitent "quelques incompréhensions", il a indiqué qu'elles sont "transitoires", "revues et réévaluées" et "sont destinées" à sauvegarder la production locale. En direction de chefs d'entreprises français, l'ambassadeur a souligné qu'en travaillant "ensemble" à la consolidation des liens au bénéfice des peuples des deux pays, l'Algérie et La France peuvent "faire face aux menaces et périls communs qui (les) interpellent dans un espace que la mondialisation a réduit considérablement, pour laisser aux générations futures un espace de prospérité partagée". La situation sécuritaire n'est plus un prétexte La situation sécuritaire invoquée par des investisseurs et chefs d'entreprises français n'est plus un prétexte en matière de climat d'affaires en Algérie, ont affirmé jeudi plusieurs intervenants aux travaux de la 11e édition des Rencontres Algérie" organisée à Paris. "Il est malaisé de comprendre, d'un côté, le discours d'encouragement à l'investissement en Algérie et continuer à garder, de l'autre, la carte sécuritaire actuelle négative qui est loin de refléter la réalité", a fait remarquer l'ambassadeur d'Algérie en France devant plus de 350 participants à cette rencontre, indiquant que "bon nombre d'entre eux se sont rendus en Algérie et reviennent ravis avec des impressions bien différentes des clichés et stéréotypes éculés". Pour l'ambassadeur, l'Algérie jouit aujourd'hui d'une stabilité et d'une sécurité malgré un environnement régional "difficile et heurté, en proie à de nombreuses turbulences". Se basant sur le dernier rapport de l'Institut américain Gallup, le directeur général de la Promotion des investissements au ministère de l'Industrie et des Mines, Nacer Mehalebi, a souligné que l'Algérie est classée au 7e rang mondial des pays en sécurité et le 1er en Afrique. L'Institut Gallup, rappelle-t-on, a établi un indice de sécurité personnelle dans 142 pays, dont 37 pays africains. Pour sa part, Michel Bissac, président de la section Algérie du CCEF (Conseillers du commerce extérieur de la France), a estimé que la carte de sécurité dans la description du climat des affaires en Algérie est "inadaptée", recommandant ainsi à la Coface de réviser sa note sur l'Algérie. Ce qui a fait réagir un entrepreneur franco-algérien pour souligner, à cet effet, qu'il a du mal à faire déplacer des investisseurs français dans la wilaya de Biskra pour des projets de partenariat. Installée en Algérie depuis plus de dix années, Christine Dedenon, partenaire du groupe CEGID, un cabinet d'expert-comptable et de commissaires aux comptes, a affirmé quant à elle qu'il n'y a "pas de problème sécuritaire" et même pas de contraintes sociales ou religieuses pour la femme. "Cela fait 10 ans que, en tant que femme, je voyage et me déplace en Algérie, et je n'ai rencontré aucun problème de sécurité", a-t-elle dit. Par ailleurs, d'autres intervenants ont relevé ce qu'ils ont appelé de "contradictions" des autorités françaises qui, d'un côté, sont engagées dans le développement d'un partenariat stratégique avec l'Algérie et, de l'autre, appellent, dans le conseil publié par le Quai d'Orsay, leurs ressortissants à la "plus grande prudence" de voyager à l'intérieur du pays.