En plus de l'effet de la spéculation, le marché des matériaux de construction a connu de nombreuses perturbations ces derniers temps. Des facteurs qui ont poussé les prix à la hausse. Celle-ci a d'ailleurs touché pratiquement tous les matériaux de construction, du rond à béton jusqu'au ciment. Pour le cas du ciment, cette pénurie reste inexplicable. Pourtant, l'Algérie dispose de plus de 30 cimenteries sur tout le territoire national, autrement dit, la production nationale est suffisante et bien placée pour couvrir les besoins exprimés par la demande locale. Chose qui ne semble pas se refléter sur les marchés. Cette question a suscité l'inquiétude notamment de ceux qui travaillent dans le milieu de la commercialisation du produit. Dans ce contexte, et afin d'éclaircir quelques points, M. Messaoud Bounabi, commerçant dans la filière des matériaux de construction, et membre chargé de l'administration et le financement des propriétaires des dépôts de vente de matériaux de construction auprès de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), nous explique dans cet entretien que la pénurie du ciment est due aux arrêts successifs de certaines cimenteries. Le Maghreb : Le wali d'Alger a émis tout récemment un arrêté interdisant l'ouverture de dépôts de vente de matériaux de construction jouxtant les autoroutes, les routes nationales et les voies urbaines, ainsi que les zones agricoles. Quel est votre commentaire concernant cette décision ? M. Messaoud Bounabi : Personnellement, je pense que cette décision entre dans le cadre des prérogatives du wali en tant que premier responsable de la wilaya, afin d'organiser l'activité commerciale d'une manière générale au niveau d'Alger ainsi que la protection et la préservation de l'environnement, la santé et le bien-être des citoyens évidemment. Mais, par contre, d'autant plus que la mise en application de cet arrêté a créé, dans un premier temps, un problème pour les commerçants sachant que le nombre de commerçants activant dans cette filière est actuellement de 6700 au niveau d'Alger. Or, cette décision a été prise sans consulter les concernés. Cependant, un accord avait été trouvé pour la création de deux commissions mixtes comportant les représentants de l'UGCAA et les services de la wilaya. La première chargée du recensement des commerçants concernés et qui sont au nombre de 1200 commerçants, et dont l'opération est à 70% d'avancement. Pour la seconde celle-ci est chargée de l'indemnisation et de l'aménagement de nouveaux espaces afin de transférer ces commerces. En effet, après cinq réunions, il a été décidé de transférer les commerçants dans des zones industrielles qui seront un pôle pour la vente des matériaux de construction, et le dossier sera définitivement clos avant le 15 du mois en cours. Est-ce qu'il y a déjà une assiette foncière qui peut regrouper tout ce nombre de commerçants ? Il y a eu des négociations à ce propos, et des accords au niveau des deux parties, au cours desquels, il a été décidé de transférer ces commerçants dans différentes zones industrielles et pas une seule. D'autre part, le marché a vu ces derniers mois une flambée vertigineuse des prix de matériaux de construction, en particulier le ciment qui a atteint les 1000 de DA le quintal, soit une augmentation qui dépasse les 100%. Comment expliquez-vous cette augmentation incroyable des prix sachant bien que l'Algérie est actuellement un chantier et la pénurie de ce produit provoque une inquiétude pouvant causer le retard dans la réalisation des projets lancés, bien que là production locale peut couvrir les besoins au niveau de tout le territoire. Comment expliquez-vous ainsi cette contradiction ? C'est vrai qu'il y a une augmentation des prix, notamment du ciment. La raison de cette flambée est, en premier lieu, la spéculation, ainsi que l'arrêt de plusieurs cimenteries à travers le territoire national, ce qui a réduit la production et a donc provoqué la pénurie du produit, vu que la demande est sans cesse croissante. Nous nous interrogeons sur la raison de l'arrêt des cimenteries à chaque fois. Que voulez-vous dire et vous faites allusion à quoi exactement ? Le marché du ciment souffre actuellement d'une véritable anarchie, notamment dans l'approvisionnement de ce produit, puisque le coût du ciment au niveau de l'usine varie entre 520 et 600 DA. Cependant, le prix du produit quand il arrive au consommateur est plus cher (1000 DA le quintal). En effet, le problème qui se pose pour les commerçants, quand ils déposent leur dossier auprès de l'usine pour l'achat du ciment, ils leurs disent qu'on ne vend qu'aux entreprises consommatrices et aux entrepreneurs, et nous en tant que commerçants nous qui avons des dépôts de vente de matériaux de construction, on n'a pas le droit d'acheter directement de l'usine. Une fois l'entrepreneur ou bien le revendeur obtient les bons (arrivant de 7000 à 10.000 dinars le bon), ils les vendent deux fois plus cher. Le commerçant achète auprès du revendeur et automatiquement, le ciment est à un prix cher au consommateur final. J'insiste sur les intermédiaires qui détiennent le monopole du marché et absorbent toutes les quantités mises sur le marché afin d'augmenter les prix à leur guise une fois l'offre déséquilibrée. D'autant plus que les cinq cimenteries à savoir celles de Chlef, Sour El Ghozlane, Meftah, et d'autres sont à l'arrêt actuellement, alors que la cimenterie d'ACC de M'sila est la seule qui produit actuellement. En tant que commerçant et membre de l'UGCAA, quelles sont les mesures qu'il faut prendre pour baisser les prix des matériaux de construction, et du ciment en particulier ? Il faut qu'il y ait d'abord une organisation, voire mettre de l'ordre au niveau de la distribution et l'approvisionnement du ciment à travers le territoire national. Autrement dit, ces gens qui vendent le produit de l'usine, qu'ils s'adressent en premier lieu aux commerçants propriétaires de dépôt de vente de matériaux de construction. Cela dit, la solution est de mettre fin une fois pour toutes au phénomène de l'intermédiation dans la vente du ciment. Si cela arrive, le prix du ciment baissera à quel taux ? Le prix du ciment coûtera à peu près 600 dinars le quintal, soit une baisse de plus de 40%. Il y a aussi l'autre phénomène, celui de la vente du sable de mer. Comment voyez-vous ce genre de commerce illégal qui a pris de l'ampleur ces derniers temps ? Il est clair que ces gens mettent la vie des citoyens en danger, ainsi que les consommateurs d'une manière générale, vu leur travail illégal. Cependant la Gendarmerie nationale fait son travail, et nous, en tant que commerçants, on ne s'approvisionnent pas chez ce genre de personnes, puisqu'on travaille d'une manière légale, et on déplore bien ces actes et cette activité. Le prix du rond à béton est lui aussi appelé à augmenter dans les prochains mois. Comment l'expliquez-vous ? Cela est lié à la flambée des prix au niveau du marché mondial. Un dernier mot ? J'insiste sur la nécessité de mettre de l'ordre et de réorganiser l'activité commerciale qui connaît une grande anarchie, et que ce problème soit définitivement réglé, notamment en ce qui concerne le marché du ciment. Par ailleurs, on espère que le wali tiendra ses promesses pour ce qui est de réinstaller les commerçants dans des zones industrielles où ils peuvent exercer tranquillement leurs activités. Il faut aussi relancer l'importation pour pouvoir rééquilibrer le marché et les prix bien évidemment. Entretien réalisé