Le président congolais Joseph Kabila s'est engagé à nouveau jeudi à respecter la Constitution de la République démocratique du Congo, sans dire un mot sur son avenir politique, à cinq mois d'une présidentielle censée élire son successeur à la tête du pays qu'il dirige depuis 17 ans. La date des élections fixée au 23 décembre 2018 "reste maintenue" et "notre engagement à respecter la Constitution demeure lui aussi non équivoque", a déclaré M. Kabila dans une allocution au Parlement. L'organisation des élections en RDC est "une affaire de souveraineté" et par conséquent financée par l'Etat congolais, a-t-il réaffirmé, en vantant son bilan à la tête du pays. Le discours de Kabila était très attendu par la classe politique congolaise et les partenaires de la RDC qui espéraient que le chef de l'Etat dirait un mot sur son avenir politique. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, avait indiqué que Kabila allait annoncer une série de "décisions importantes". "Ce ne sont ni les accusations gratuites et infondées, ni les pressions et menaces inconsidérées, des sanctions arbitraires et injustes qui nous détourneront de la voie que nous nous sommes tracées nous-mêmes, volontairement et librement", a dit M. Kabila. "Aujourd'hui, notre modèle démocratique a fait ses preuves et ceux qui tentaient de s'improviser en donneurs de leçon l'ont bien compris: la République démocratique du Congo, n'ayant jamais donné de leçon à personne, n'est pas disposée d'en recevoir dans ce domaine. Et surtout pas de la part de ceux qui ont assassiné la démocratie dans ce pays et ailleurs". "N'en déplaise à ceux qui ne voient que ce qui reste à faire et non ce qui a été fait", a-t-il lancé sous les acclamations de ses partisans.
"Nous sommes déçus" Dans un communiqué publié à New York à l'issue de deux jours d'une réunion annuelle, les Conseils de sécurité de l'ONU et de paix et sécurité de l'Union africaine ont souligné attendre "un transfert démocratique du pouvoir" en RDCongo. "Les élections doivent mener à un transfert pacifique et démocratique du pouvoir en accord avec la Constitution", insiste leur communiqué conjoint qui dénie implicitement à Joseph Kabila la possibilité de se représenter. Dans le pays, le parti historique de l'opposition (Union pour la démocratie et le progrès social) a promis "une réaction musclée demain (vendredi)" contre M. Kabila, a indiqué son porte-parole, Augustin Kabuya. "Le peuple congolais n'a plus rien à attendre d'une personne qui se croit monarque éternel", a réagi le député d'opposition Claudel André Lubaya. "Nous sommes déçus par ce discours du président Kabila qui a encore raté l'occasion de se prononcer sur son avenir politique", a déclaré un autre élu d'opposition. "Kabila n'a rien dit sur son avenir politique. Toujours pas de signe clair qu'il prévoit de quitter le pouvoir conformément à la Constitution (et) permettre un scrutin crédible. Il faut d'urgence une pression accrue pour le convaincre de changer de cap", a estimé Ida Sawyer, directrice Afrique de Human Right Watch et persona non grata en RDC pour ses prises de position antérieures. Quelques heures avant le discours, le mouvement citoyen congolais Lutte pour le changement (Lucha) a écrit sur Twitter : "Candidat? Levons-nous tous aussitôt pour le démettre comme on aurait dû le faire depuis longtemps. Pas candidat? continuons à exiger des vraies élections, impossibles avec lui et sa Céni (commission électorale) aux commandes". Ce mouvement né à Goma (est) est à la pointe de la contestation contre le maintien au pouvoir de M. Kabila dont le mandat s'est achevé le 20 décembre. La Constitution lui interdit de se représenter. Le dépôt des candidatures doit s'ouvrir le 24 juillet et se terminer le 8 août. "Le suspens continue encore pour quelques temps jusqu'au 8 août", a dit le député de la majorité Patrick Muyaya. Un scrutin est ouvert "à tous ceux qui en réunissent les conditions légales d'éligibilité", a précisé M. Kabila. Parmi les candidats déclarés à la présidentielle figure l'opposant en exil, Moïse Katumbi. Ancien allié du président, M. Katumbi a été condamné à trois ans de prison en 2016 dans une affaire immobilière et est menacé d'arrestation dès son retour en RDC.