Les grands groupes industriels commencent à ressentir les effets des droits de douane, un paramètre que Wall Street devra prendre en compte dans l'avalanche de résultats de sociétés de la semaine prochaine. Les industriels redoutent les retombées des droits de douane même si la croissance américaine s'est poursuivie à un rythme "modéré à modeste", est-il ainsi écrit dans le Livre beige de la Réserve fédérale publié mercredi dernier. Deutsche Bank estimait en juin qu'une aggravation du contentieux commercial entre les Etats-Unis et la Chine et d'autres grandes puissances commerciales, allant par exemple jusqu'à des droits sur 200 milliards de dollars d'importations, pourrait retrancher 1% à 1,5% à la croissance des bénéfices. "Si le discours politique du moment s'échauffait et se traduisait dans les faits par des politiques protectionnistes, ce serait négatif pour toutes les entreprises aux Etats-Unis et ailleurs", a dit mardi dernier Hamid Moghadam, directeur général de la société de logistique Prologis. Washington avait fait savoir en mars que des droits de douane seraient imposés sur l'acier et l'aluminium importés. Le 1er juillet, les Etats-Unis et la Chine se sont mutuellement infligé des droits de douane sur 34 milliards de dollars d'importations respectives. Donald Trump menace d'appliquer de nouveaux droits, peut-être sur plus de 500 milliards de dollars d'importations de Chine, soit la totalité des importations chinoises des Etats-Unis en 2017. Les valeurs industrielles de l'indice S&P-500 ont perdu près de 3% depuis le 1er mars. L'indice S&P 1500 de l'acier a lui fléchi de 1% depuis cette même date. Bon nombre des quelques 180 sociétés de l'indice S&P-500 qui publieront leurs résultats la semaine prochaine ne sont pas exposées directement à la Chine mais elles n'en ont pas moins des raisons de se faire du souci. "Certaines entreprises ne seront peut-être pas touchées de manière significative par les droits si on prend en compte leurs coûts mais c'est autre chose si on songe à l'incertitude", observe Krut Brunner, gérant de portefeuilles de Swarthmore Group. "Des clients pourraient se retenir de dépenser parce qu'ils ne savent pas ce qui va se passer". Les comptes publiés par Honeywell International, General Electric, Alcoa et Stanley Black & Decker ont montré une hausse des charges en raison des droits de douane déjà mis en place. Corning, Ford Motor, 3M et Boeing, qui a perdu près de 2% depuis le début mars, publieront tous leurs états financiers du deuxième trimestre la semaine prochaine. Harley-Davidson, qui avait dit en juin qu'il délocaliserait une partie de sa production à l'étranger en raison des droits de douane imposés par l'Union européenne en représailles, annoncera ses résultats mardi. Qualcomm, qui publiera le 25 juillet, dépend de la Chine pour les deux tiers de son chiffre d'affaires et il attend désespérément le feu vert de Pékin à son OPA de 44 milliards de dollars sur NXP Semiconductors, une procédure qui traîne en longueur en raison, croit-on généralement, du conflit commercial. Cela étant, une économie dynamique et une forte réduction de l'impôt sur les sociétés (IS) aux Etats-Unis ont permis à l'indice S&P-500 d'enregistrer un gain de 5% depuis le début de l'année, en dépit des bisbilles commerciales. Les analystes pensent donc que les bénéfices des entreprises du S&P-500 auront augmenté de 22% au deuxième trimestre et augmenteront de 23,1% au troisième trimestre, suivant Thomson Reuters I/B/E/S. La prévision pour le troisième trimestre variera sans doute dans la mesure où les entreprises livreront leurs objectifs dans les semaines qui viennent. "Le marché regarde au-delà des négociations commerciales de Trump et de son style de gouvernement en raison de ces points forts. Toutefois, nous sommes plus réservés pour ce qui est de l'inconnue commerciale et nous pensons que le risque lié aux informations, qu'il soit haussier ou baissier, restera élevé", observe Ben Phillips, responsable d'investissements d'EventShare. Les actions dans un climat tendu Les principales Bourses européennes sont dans le rouge lundi en début de séance dans un environnement de marché toujours perturbé par la menace de Donald Trump de taxer pour 500 milliards de dollars d'importations chinoises ainsi que par son mécontentement face à la vigueur du dollar et au resserrement monétaire de la Réserve fédérale. À Paris, l'indice CAC 40 perd 0,48% à 5.372,25 points vers 09h55 GMT. À Francfort, le Dax cède 0,13% et à Londres, le FTSE recule de 0,57%. L'indice EuroStoxx 50 de la zone euro abandonne 0,34%, le FTSEurofirst 300 0,37% et le Stoxx 600 0,33%. Presque tous les indices sectoriels reculent, dont l'automobile, qui perd 0,56%, pénalisée par les frictions commerciales mais aussi par un repli de 2,23% pour Fiat Chrysler après sa décision de remplacer Sergio Marchionne à la tête du groupe pour raisons de santé. La plus forte baisse du Stoxx 600 est pour Ryanair, qui plonge de 5,92% après avoir prévenu que le prix moyen du billet d'avion serait inférieur aux attentes durant l'été. Contre la tendance à Paris, Worldine (+3,91%) prend la tête du SBF 120, ayant fait état lundi d'un résultat net en hausse de 12,6% au premier semestre, confirmé ses objectifs et annoncé un contrat "majeur" de traitement de transactions de paiement avec Commerzbank.
Les tensions inquiètent le G20 Le président américain a en outre accusé vendredi l'Union européenne et la Chine de déprécier délibérément leurs monnaies, faisant craindre à certains une guerre des changes qui viendrait s'ajouter au conflit commercial entre les Etats-Unis et leurs principaux partenaires. "Si, du côté de la politique commerciale, il y a des raisons de considérer que le pire n'est pas certain, alors un simple souci de cohérence doit faire conclure qu'il n'y a pas (au moins pour le moment) de guerre des changes en perspective", estime Hervé Goulletquer (LBPAM), qui juge "mesurée" la réaction des marchés aux dernières déclarations en date de Donald Trump. Les ministres des Finances et les banquiers centraux des grandes puissances économiques réunis ce week-end à Buenos Aires n'en estiment pas moins que l'aggravation des tensions géopolitiques et commerciales représente un risque grandissant pour la croissance mondiale et ils en appellent à plus de dialogue, selon le communiqué du Groupe des Vingt (G20). Sur le front du commerce, les marchés attendent l'entretien de mercredi à Washington entre Donald Trump et le président de la Commission européenne. Jean-Claude Juncker devrait notamment tenter de persuader le président américain de renoncer à sa menace de taxer les importations de voitures européennes, une tâche qui s'annonce ardue.
Le yen touche un pic de deux semaines L'indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a perdu 1,33%, plombé par la vigueur du yen qui a touché un pic de deux semaines face au dollar, stimulé par des informations suggérant un possible ajustement par la Banque du Japon de son programme d'assouplissement monétaire. L'indice composite de la Bourse de Shanghai a gagné en revanche 1,1%, porté par les valeurs financières et industrielles après la publication d'un projet bien accueilli d'encadrement de la gestion d'actifs par les institutions financières. L'indice MSCI regroupant les valeurs d'Asie et du Pacifique (hors Japon) cède 0,1%. Wall Street a terminé vendredi sur de très faibles écarts, tiraillée entre quelques bons résultats de sociétés et les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine. Sur le marché des changes, le dollar perd encore un peu de terrain face à un panier de devises de référence, conséquence logique des remarques du président américain. Les rendements obligataires varient peu, autour de 0,39% pour le Bund allemand à 10 ans et de 2,89% pour les Treasuries de même échéance. Les cours du pétrole se stabilisent mais les craintes entourant la surabondance de l'offre n'ont pas disparu.
La Chine dément manipuler sa monnaie La Chine a réfuté lundi les accusations de Donald Trump selon lesquelles Pékin manipulerait sa monnaie et dit ne pas craindre la menace de droits de douane prohibitifs sur l'ensemble de ses exportations vers les Etats-Unis. "La Chine n'a aucune envie de soutenir ses exportations via des dévaluations compétitives", a déclaré devant la presse le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang. "Le taux de change est fixé par l'offre et la demande sur le marché. Parfois il baisse et parfois il monte, cela fluctue dans les deux sens", a-t-il ajouté. La banque centrale de Chine fixe chaque jour le taux pivot du yuan face au dollar, qui peut évoluer de plus ou moins 2% de part et d'autre de ce taux pivot. La monnaie chinoise a perdu 8% de sa valeur face au billet vert depuis avril. Le président américain Donald Trump a accusé vendredi la Chine, mais aussi l'Union européenne, de dévaluer artificiellement leur monnaie afin d'avantager leurs exportateurs. "La Chine, l'Union européenne et les autres manipulent leur monnaie en baissant leurs taux d'intérêt alors que les Etats-Unis augmentent leurs taux avec un dollar devenant de plus en plus fort, jour après jour, ce qui dégrade notre compétitivité", a dénoncé le président américain dans un tweet. M. Trump a par ailleurs menacé la Chine d'imposer des droits de douane punitifs sur 500 milliards de dollars d'importations de ce pays, soit leur quasi-totalité (505,5 milliards en 2017). "Les menaces et l'intimidation de marcheront jamais avec le peuple chinois", a assuré M. Geng, accusant Washington de "chercher par tous les moyens à provoquer une guerre commerciale".