Le gouvernement et les rebelles du Soudan du Sud ont signé mercredi à Khartoum un accord "préliminaire" sur le partage du pouvoir qui, selon le ministre soudanais des Affaires étrangères, permettra le retour du dirigeant rebelle Riek Machar au poste de premier vice-président. Le Soudan du Sud s'est enfoncé dans une guerre civile fin 2013 quand Salva Kiir a accusé son vice-président Riek Machar de fomenter un coup d'Etat. Le conflit dans ce pays, indépendant du Soudan depuis 2011, a fait des dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés. MM. Kiir et Machar sont déjà convenus d'instaurer un cessez-le-feu permanent et de retirer leurs troupes des zones urbaines. Ils avaient également convenu le 7 juillet d'un partage du pouvoir mais la signature avait été reportée en raison de divergences. "Le document sur le partage du pouvoir a été signé et porte sur toutes les questions relatives à la période de transition", a indiqué le chef de la diplomatie soudanaise Al-Dirdiry Ahmed, en annonçant cet accord. "Salva Kiir restera le président du Soudan du Sud et Riek Machar sera le premier vice-président", a-t-il déclaré lors de la cérémonie de signature dans la capitale du Soudan, où se déroule depuis juin une nouvelle série de pourparlers de paix. "Il y aura quatre autres vice-présidents répartis parmi les autres groupes politiques", a-t-il ajouté. Une question encore à régler est le partage du pouvoir au niveau des régions et des départements. "Les négociations sur cette question vont se poursuivre jusqu'à la conclusion d'un accord", a assuré le chef de la diplomatie soudanaise. "Nous avons apporté la paix au peuple du Soudan du Sud", a déclaré à la presse le ministre sud-soudanais de l'Information, Michael Makuei, après la signature de l'accord. "Nous allons continuer à travailler dur pour assurer la mise en œuvre à la lettre de l'accord", a-t-il dit. Le groupe de Salva Kiir a salué l'accord préliminaire, le qualifiant de "grand accomplissement". Cependant, le ministre soudanais des Affaires étrangères a indiqué que certains, au sein de l'opposition sud-soudanaise, avaient refusé de signer le document mercredi, tout en faisant état de discussions avec ces groupes. "Il y a de l'incohérence quant à la formulation du partage des responsabilités, ce qui est discutable et ne peut pas être pris en considération", ont indiqué ces groupes dans un communiqué conjoint. Selon le document signé mercredi, le gouvernement de transition sera composé de 35 ministres --20 du groupe de Salva Kiir et neuf de celui de Riek Machar, le reste représentant les autres groupes. Le Parlement comptera 550 députés, dont 332 du groupe de Salva Kiir et 128 de celui de Riek Machar. Le ministre soudanais des Affaires étrangères a également annoncé qu'une commission indépendante se chargerait de décider du nombre de provinces du Soudan du Sud. Après ce document préliminaire, l'accord définitif doit être signé le 5 août, a-t-il affirmé. Un accord similaire avait été signé en 2015 mais avait été violé après une bataille meurtrière à l'issue de laquelle Riek Machar était parti en exil. L'ONU a imposé le 13 juillet un embargo sur les armes au Soudan du Sud, alors que les tractations diplomatiques n'avaient pas, en près de cinq ans de conflit, réussi à mettre un terme à la guerre civile.
Un pays ravagé par la guerre civile Le Soudan du Sud, théâtre depuis près de cinq ans d'une guerre civile dévastatrice dont les protagonistes ont signé mercredi un accord "préliminaire" de partage du pouvoir, est le plus jeune Etat du monde, à l'économie ruinée par le conflit. Indépendant depuis 2011, le pays a plongé fin 2013 dans un conflit provoqué par la rivalité entre le président Salva Kiir et Riek Machar. La guerre civile a fait des dizaines de milliers de morts, près de quatre millions de déplacés (sur une population de 12 millions d'habitants) et provoqué une grave crise humanitaire.
Economie en ruine L'économie a pâti de la baisse des cours du pétrole et de l'impact de la guerre sur sa production pétrolière, de nombreuses infrastructures ayant été endommagées. Juba, qui a hérité à son indépendance des trois quarts des réserves pétrolières du Soudan, reste aussi tributaire des infrastructures du Nord (raffineries et oléoducs) pour l'exportation. La production de pétrole représentait 98% des revenus du pays à son indépendance. Elle a chuté à environ 120.000 barils par jour contre 350.000 avant le conflit, selon la Banque mondiale. L'inflation a atteint environ 500% en 2016, avant de décélérer à 155% en 2017. En 2017, une partie du pays a connu quatre mois de famine, qui a affecté environ 100.000 personnes. Selon l'ONU, 7 millions de Sud-Soudanais, soit plus de la moitié de la population, vont avoir besoin d'une aide humanitaire en 2018. Guerre contre le Nord musulman Avant l'indépendance du Soudan du Sud, deux conflits ont opposé les forces du Nord arabo-musulman (actuel Soudan) aux rebelles du Sud à majorité chrétienne et animiste (actuel Soudan du Sud) et ont fait des millions de morts. Le processus d'indépendance du Soudan en 1956 provoque une première guerre dans le Sud contre la domination du Nord. Des accords en 1972 mettent fin au conflit, octroyant au Sud un statut d'autonomie. Mais en 1983, Khartoum révoque ces accords, déclenchant une nouvelle guerre Nord-Sud. John Garang, de l'ethnie Dinka, fonde l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA). En janvier 2005, le pouvoir soudanais et la rébellion sudiste signent un accord de paix.
Plus jeune Etat du monde Le 9 juillet 2011, le Soudan du Sud proclame son indépendance, six mois après avoir voté la sécession avec le Nord à près de 99%. Salva Kiir prête serment comme premier président. La communauté internationale, Etats-Unis, Chine, Russie et Union européenne en tête, ainsi que le Soudan, reconnaissent rapidement ce nouveau pays africain. Guerre fratricide Liés par un combat commun au sein de la rébellion contre Khartoum avant l'indépendance, Salva Kiir et Riek Machar sont issus des deux principaux groupes ethniques du pays, les Dinka pour M. Kiir, les Nuer pour M. Machar. En décembre 2013, le pays bascule dans la guerre civile lorsque Salva Kiir accuse son rival d'avoir fomenté un coup d'Etat, ce que Riek Machar nie. Des combats éclatent au sein de l'armée nationale, minée par des dissensions. Les combats, émaillés de massacres entre Dinka et Nuer, s'étendent à plusieurs Etats.
Tractations pour le pouvoir En 2015, un accord de paix permet à M. Machar d'être réinstallé au poste de vice-président et de revenir à Juba. Mais après des combats dans la capitale en juillet 2016, il fuit le pays. Le 20 juin 2018, Salva Kiir et Riek Machar se rencontrent à Addis Abeba, pour la première fois en deux ans. Le 27 juin, MM. Kiir et Machar se mettent d'accord à Khartoum sur un cessez-le-feu. Le 6 juillet, ils conviennent de retirer leurs forces des "zones urbaines", dans le cadre d'un accord portant sur la sécurité signé à Khartoum. Et le lendemain, à Kampala, ils acceptent un accord de partage du pouvoir qui doit voir Riek Machar retrouver la vice-présidence.
"Crimes de guerre" Le 10 juillet, le Haut-commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU a dénoncé de "graves violations des droits de l'Homme (...) pouvant s'apparenter à des crimes de guerre", mettant principalement en cause les forces gouvernementales. Le Conseil de sécurité de l'ONU a imposé trois jours plus tard un embargo sur les armes et des sanctions contre deux responsables militaires, accusés de bloquer un règlement pacifique du conflit.