Pour célébrer la journée internationale de la femme, Amine Zaoui, directeur général de la Bibliothèque nationale a fait du “deux en un” : il a rouvert l'espace Frantz- Fanon par une expo du peintre Mohamed Khada (1930-1991) et a invité quelques femmes du monde artistique et révolutionnaire à parler de leurs expériences. Après une fermeture de plusieurs années, cet espace- Frantz-Fanon, qui dépend de la Bibliothèque nationale, a rouvert ses portes sous un aspect plus accueillant, plus moderne et plus ensoleillé. Le directeur de la Bibliothèque nationale, qui a promis de faire de ce lieu « un deuxième pôle de l'activité culturelle », soutiendra d'avance que la capitale « a tant besoin de multiplier ses espaces culturels». Nous lui dirons que pas seulement la capitale puisque la culture et sa démocratisation doit concerner tous les Algériens. D'un côté, il y avait les peintures ainsi que les aquarelles du plasticien Mohamed Khadda et d'un autre, quatre femmes dont la veuve Khada Nadjet qui ont longuement parlé de leur parcours ainsi que leur engagement dans la Révolution algérienne. Universitaire à la fac de Bouzaréah et à l'université de Paris, Nadjet Khadda, qui maîtrise bien entendu l'œuvre de son défunt mari, a centré son débat plastique sur la présence de la femme dans le travail de Khada. Selon elle, la femme n'est pas immédiatement perceptible dans l'oeuvre puisque « extrêmement pudique et discrète », souligne-t-elle. Mohamed Khada, qui ne fait pas dans le figuratif, est dominé de bout en bout par l'image de la mère et de « la maternité», ce qui est perceptible dans ses premiers travaux amorcés dans un style figuratif. A côté de Nadjet Khada, il y avait la moudjahida Mamia Chentouf et la sociologue Claudine Chaulet, la cinéaste Baya El Hachemi, qui ont toute connu la période de la lutte révolutionnaire dans laquelle elles se sont engagées aux côtés de leur parents et frères. Militante nationaliste participant à la création des premières cellules féminines du PPA-MTLD et première sage-femme algérienne qui a ouvert son cabinet en 1947, à la Casbah d'Alger, Mamia Chentouf, a montré, à travers l'exemple de son parcours, comment une fille, née dans les années vingt du XXe siècle, dans un milieu de paysans aisés mais traditionalistes, a pu échapper aux carcans des traditions. «Je le dois à deux hommes : à mon père et à mon mari», dit-elle. Les deux étaient convaincus de la nécessité de donner leurs chances aux femmes en les autorisant à fréquenter les bancs de l'école et à participer à la vie active. Au Parti du peuple algérien (PPA) puis au Croissant-Rouge algérien (CRA), «les hommes et les femmes n'avaient qu'un seul but : l'indépendance», dit-elle, ajoutant que «la lutte des femmes à laquelle il faudra joindre les hommes de bonne volonté doit se poursuivre». Claudine Chaulet et Baya El Hachemi ont surtout évoqué le rôle central de la guerre de Libération nationale dans le processus de l'émancipation de la femme algérienne. Pour la première, «l'idée que la femme puisse être présente et avoir un rôle à elle est très importante». C'est même la singularité de l'Algérie et de sa Révolution par rapport aux autres pays arabes. La cinéaste, qui est issu d'une famille qui a beuacoup fait pour la libération du pays, souligne que tout ce qui « nous intéressait, c'était l'indépendance du pays. C'est la Révolution qui nous a formées et nos parents nous ont fait confiance». Comme quoi le seul salut pour une vraie émancipation de la femme doit avant tout être permis par un homme, surtout dans les circonstances extrêmes.