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Guerre commerciale : La Chine ne dévaluera "jamais" le yuan
Publié dans Le Maghreb le 22 - 09 - 2018

Le Premier ministre chinois Li Keqiang a fustigé mercredi "l'unilatéralisme" menaçant le libre-échange mondial, après une escalade du conflit commercial entre Pékin et Washington, tout en assurant que la Chine ne dévaluerait "jamais" sa monnaie pour maintenir à flot ses exportations.
"Il est essentiel que nous défendions les principes fondamentaux du multilatéralisme et du libre-échange", a martelé M. Li, devant un parterre de dirigeants économiques, ouvrant l'édition chinoise du Forum économique mondiale à Tianjin (est).
Après l'annonce mercredi de nouvelles taxes douanières américaines contre la Chine, le Premier ministre a vigoureusement démenti que Pékin dévaluait délibérément le yuan pour aider ses exportateurs et modérer l'impact des tensions commerciales, comme l'en accuse Donald Trump.
Si le yuan a effectivement décroché face au dollar ces derniers mois, "il n'y a aucune preuve" de manipulation. "La Chine ne s'engagera jamais sur la voie d'une dépréciation du yuan pour stimuler ses exportations, car (ceci) lui apporterait bien plus de maux que de bienfaits", a-t-il souligné.
Un repli persistant pourrait déstabiliser le système financier et précipiter les fuites de capitaux hors du pays, la hantise de Pékin. Le yuan a perdu quelque 8% par rapport au dollar depuis avril, mais les experts y voient avant tout la pression des tensions commerciales et la banque centrale chinoise s'efforce... d'en soutenir le cours.
Les différends commerciaux "doivent être résolus par la négociation" car "l'unilatéralisme" n'offre aucune solution, a également observé Li Keqiang.
L'administration Trump a frappé de tarifs douaniers à 10% quelque 200 milliards de dollars d'importations annuelles de produits chinois, s'ajoutant à 50 milliards de dollars de biens déjà surtaxés.
Le géant asiatique a aussitôt répliqué en ciblant 60 milliards de dollars de biens américains importés en Chine. Il surtaxe désormais 110 milliards de dollars de produits des Etats-Unis.
Ces salves de taxes commerciales interviennent alors que l'économie chinoise reste sous pression, les investissements dans les infrastructures s'essoufflant à des niveaux jamais vus, et le Premier ministre a lui-même reconnu "des difficultés accrues" pour maintenir une croissance stable.
Pour autant, Pékin ne va pas adopter de vastes plans de relance, a-t-il affirmé, suggérant que le pays n'injectera pas, comme lors de la crise financière de 2008, des flots de liquidités dans l'économie pour stimuler l'activité, à l'heure où le géant asiatique ploie déjà sous un endettement colossal dépassant 250% de son PIB.
"Ces 40 dernières années, la Chine a toujours franchi les épreuves (...) Nous allons continuer d'approfondir nos vastes réformes", notamment en ouvrant davantage l'économie, en allégeant le fardeau fiscal, ou en réduisant les droits de douane tous azimuts, a promis Li Keqiang.
Face au protectionnisme de Washington, Pékin s'affiche volontiers en héraut du libre-échange, même si les entreprises occidentales déplorent toujours une longue liste de barrières réglementaires persistantes limitant drastiquement leur accès au marché chinois.
L'ouverture de la Chine "va s'accélérer" et les firmes étrangères "seront traitées équitablement, sans discrimination", a lancé Li Keqiang. Des propos qu'il avait déjà prononcés quasiment mot pour mot à l'édition 2013 du Forum économique mondial en Chine.

Pékin taxe les importations américaines
Pékin a annoncé mardi l'imposition de nouveaux droits de douane punitifs sur des produits américains représentant 60 milliards de dollars d'importations annuelles en Chine, en représailles aux nouveaux tarifs douaniers annoncés par Washington.
A partir de lundi 24 septembre à 12H01 (04H01 GMT), le géant asiatique appliquera des droits de douane de 5% ou 10% sur une liste de quelque 5.200 produits en provenance des Etats-Unis, a précisé le gouvernement, dans un communiqué diffusé par le ministère des Finances.
Cette mesure est destinée à "défendre le libre-échange et le multilatéralisme et à protéger les intérêts et droits légitimes" de la Chine, s'est-il justifié.
L'annonce de Pékin, attendue, répond à la décision du président américain Donald Trump de taxer à partir du 24 septembre, à hauteur de 10%, pour 200 milliards de dollars supplémentaires d'importations chinoises aux Etats-Unis.
Ces droits de douane seront ensuite relevés à 25% au 1er janvier, a prévenu l'hôte de la Maison Blanche, sans écarter l'éventualité de tarifs douaniers ciblant "quelque 267 milliards de dollars d'importations supplémentaires" en cas de représailles chinoises.
Au risque de déclencher un engrenage et d'envenimer le conflit commercial entre les deux puissances: "Si les Etats-Unis s'obstinent à augmenter encore davantage les taux de leurs droits de douane, la Chine répliquera en fonction", a prévenu Pékin mardi dans son communiqué, assurant que ces futures mesures "seront annoncées de façon distincte".
En attendant, le pays pourrait ne pas revenir à la table des négociations destinées à trouver un compromis: cette nouvelle salve américaine "ajoute de l'incertitude" aux pourparlers, a insisté plus tôt mardi Geng Shuang, porte-parole de la diplomatie chinoise.
"De telles discussions doivent se tenir sur la base de l'équité, de l'égalité et de la bonne foi. Or, ce que les Etats-Unis viennent d'annoncer ne témoigne d'aucune sincérité, d'absolument aucune bonne foi", s'est-il indigné, fustigeant des droits de douane "inacceptables" pour Pékin.
Donald Trump exige de Pékin qu'il réduise de 200 milliards de dollars l'abyssal déficit commercial américain, en ouvrant davantage son marché aux produits des Etats-Unis, et déplore notamment des transferts technologiques supposés forcés.
Des droits punitifs adoptés en juillet et août par Washington ciblaient déjà des biens chinois représentant 50 milliards de dollars d'importations annuelles aux Etats-Unis.
Pékin avait alors répliqué "dent pour dent", au dollar prêt, avec ses propres tarifs douaniers sur le même montant de marchandises américaines.
Mais l'ampleur de la nouvelle salve américaine le laisse à court de munitions: la Chine a importé l'an dernier presque quatre fois moins de biens américains (130 milliards de dollars) qu'elle n'en exporte vers les Etats-Unis.

Une occasion d'acheter ailleurs
La Chine n'a pas peur des "mesures extrêmes" prises par les Etats-Unis en ce qui concerne leurs importations de Chine et profitera de l'occasion pour réorganiser ses propres importations et accélérer le développement de produits de haute technologie, a rapporté la presse chinoise mercredi.
Le Quotidien du peuple, organe officiel du Parti communiste au pouvoir, évoque le sujet dans un article en première page de son édition étrangère datée de mercredi.
Un nouvel épisode de la guerre commerciale que se livrent les deux grandes puissances économiques a eu lieu en début de semaine. La Chine a annoncé mardi l'imposition de droits de douane sur 60 milliards de dollars (51 milliards d'euros) d'importations américaines, au lendemain de la décision de Donald Trump de taxer 200 milliards de dollars d'importations chinoises.
"Pour faire face à la guerre commerciale, ce que la Chine devrait vraiment faire, c'est se concentrer et faire bien ses propres affaires", écrit le Quotidien du peuple.
"La Chine ne craint pas que les contre-mesures commerciales américaines renchérissent trop les prix des produits de base, mais elle les utilisera au contraire comme une opportunité pour repositionner ses importations, (...) ou développer une fabrication avancée orientée vers l'exportation".
Le tabloïd Global Times, qui est affilié au Quotidien du peuple, estime pour sa part que la guerre commerciale est une occasion de rechercher une plus grande visibilité internationale de ses marchés financiers. La Chine pourrait ouvrir davantage son marché des actions A aux sociétés occidentales pour qu'elles puissent s'y faire coter.
Un autre journal d'Etat chinois, le China Daily, estime lui aussi la stratégie américaine inefficace.
"La Chine a toujours réussi à trouver les solutions appropriées pour remettre son économie sur les rails", écrit le quotidien en langue anglaise.
"Le conflit commercial ne forcera pas la Chine à succomber à la pression des États-Unis. Au lieu de cela, compte tenu de sa résilience économique, elle affrontera carrément ces difficultés, trouvera les bonnes solutions et en sortira plus forte".

Trump lance une deuxième salve contre Pékin
Donald Trump agitait la menace depuis des semaines. Il a fini par la mettre à exécution: 200 milliards de dollars d'importations chinoises supplémentaires vont être taxés à 10%, la Chine promettant de son côté des "représailles".
"Les tarifs douaniers prendront effet le 24 septembre et s'élèveront à hauteur de 10% jusqu'à la fin de l'année. Le 1er janvier, les taxes douanières seront portées à 25%", a-t-il expliqué dans un communiqué transmis par la Maison Blanche.
Pékin a riposté mardi en annonçant qu'il n'avait d'autre choix que de prendre "des mesures de représailles", selon un communiqué du ministère du Commerce. Pékin avait déjà indiqué envisager de nouveaux droits de douane sur 60 milliards de dollars de biens américains.
Donald Trump a intimé l'ordre aux dirigeants chinois de ne pas réagir. "Si la Chine venait à prendre des mesures de représailles contre nos agriculteurs ou autres industries, nous mettrions en œuvre immédiatement la phase 3, à savoir des tarifs douaniers sur quelque 267 milliards de dollars d'importations supplémentaires", a prévenu le président américain.
Si ce montant de marchandises était à son tour surtaxé, ce serait la totalité des importations chinoises qui seraient frappées de mesures protectionnistes américaines.
L'administration Trump, qui a achevé début septembre les consultations publiques, a décidé d'épargner certains produits de grande consommation des droits de 10% tels que les montres connectées, des produits textiles et agricoles ou encore les chaises hautes et les sièges automobiles pour enfants ainsi que les casques de protection pour les cyclistes, ont expliqué des responsables américains au cours d'une conférence téléphonique.

Négocier de "bonne foi" -
Donald Trump exige de Pékin qu'il réduise de 200 milliards le déficit commercial américain en ouvrant davantage son marché aux produits des Etats-Unis.
Imposer des droits de 10% dans un premier temps -- plutôt que les 25% que Donald Trump avait demandé à son administration d'étudier -- pourrait être perçu comme un geste d'ouverture tout relatif après que le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin a contacté ses homologues chinois pour reprendre les négociations.
Les marchés financiers ont en tout cas plutôt bien réagi à cette nouvelle phase de la guerre entre les deux géants du Pacifique: la Bourse de Shanghai, qui a perdu beaucoup de terrain ces derniers mois, a repris mardi 1,82% en clôture.
Outre les tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium de respectivement 25% et 10% imposés au nom de la protection de la sécurité nationale, Washington a frappé cet été à hauteur de 25% quelque 50 milliards de dollars de produits chinois pour compenser cette fois un "vol" de propriété intellectuelle.
L'administration Trump déplore qu'en contrepartie d'un accès au marché chinois, les entreprises américaines soient contraintes de partager avec des partenaires locaux une partie de leur savoir-faire technologique.
Pour faire changer cette pratique, Donald Trump avait déjà menacé de taxer la totalité des plus de 505 milliards de dollars d'importations chinoises. Sans effet pour le moment sur son partenaire commercial.
"Espérons que cette situation commerciale soit résolue, en dernier ressort par moi-même et par le président Xi (Jinping) pour lequel j'ai un profond respect et affection", a déclaré Donald Trump.
Ce conflit semble pour l'heure avoir peu d'effet sur la première économie mondiale qui tourne à plein régime même si les mesures de rétorsion ciblées des partenaires des Etats-Unis se font sentir dans certaines régions et certains secteurs d'activités.
La banque centrale américaine a, elle, mis en garde à plusieurs reprises qu'une guerre commerciale représentait pour l'heure la plus grande menace pour la croissance américaine.


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