Dans un quartier populeux au nom révélateur de "Chomara", évoluent des femmes qui ont fait du produit artisanal leur source de vie. Sous les tentes délavées de leurs parents nomades, elles ont appris, au milieu du désert, l'art de manier tout ce que la nature leur offre. Elles sont sédentaires depuis peu et, dans leur chaumière de fortune, elles ont converti leurs parties en ateliers de fabrication de produits artisanaux.Il y a à peine une année, ces femmes se sont regroupées dans une association baptisée, Tasaktout Mouha, ce qui signifie littéralement "mémoires des touaregs". Leur baptême de feu public, elles l'ont fait le 13 mars dernier à l'occasion de la tenue de la quatrième édition du Festival international de Tinhinan. Au centre du Musée de Tamanrasset, elles ont dressé leur tente, posé leurs ustensiles, attendant les visiteurs autour d'un thé bouillonnant. Certains des produits qu'elles proposent sont purement décoratifs, d'autres utilitaires, et parfois l'un et l'autre. "Nous façonnons ces éléments exactement comme le faisaient nos aïeux, les nomades. Ce métier, nous l'avons appris sous les khaïmas du désert entre les mères, tantes et grands-mères", explique Fatma, membre de l'association Tasaktout Mouha. Fatma est une ancienne nomade qui s'est sédentarisé dans le quartier "Choumara de Tam". Elle vit avec d'autres voisines avec lesquelles elle partage le logis et le métier qui leur rapporte pas grand chose, mais demandant du temps, beaucoup de temps, une finesse et de la matière première. Quelques-uns de leurs produits sont purement décoratifs, d'autres sont essentiellement utilitaires. C'est ainsi que le saousou, le couvercle, peut aussi bien couvrir une marmite que servir à donner du punch à la tente. Le Abalbout, un sac où l'on fourre sucre et thé chez soi ou dans les bagages du nomade, est surtout un objet utilitaire, décoré avec une ocre qui rappelle les nuances du désert. Faites la différence entre le Abalbout, une espèce de sucrière mobile et le Takabout, la sucrière fixée. Comme tous les ustensiles sont façonnés dans l'esprit des femmes nomades passant leur temps à confectionner la khaïma et tout ce qui va avec, alors ces nomades qui se fixent quelque part à Tam reconstituent leur décor originel entre les murs. Les Targuis ont un rapport curieux avec les odeurs et les esprits. Dans leur khaïma l'on trouve la Tadara, une espèce de bocal en plastique, habillé et coloré avec de la peau et des couleurs redondantes comme le rouge, et le jaune. C'est là qu'elles mettent leur b'khour, qui donne des odeurs et chasse les mauvais esprits. La Tadara, peut également servir de décor à la khaïma confectionnée et montée des mains de femmes nomades. Tous ces objets sont travaillés avec de la pure laine ou alors avec de la peau de chameau ou de chèvre. Lors des rendez-vous officiels, l'on retrouve dans les khaïmas plein de tissus importés du Niger ou du Mali, les pays voisins. Là aussi ces femmes proposent une extraordinaire variété de chèches aux noms romanesques comme Chams El Ouroud, Hawza, Tari, qui viennent aussi de la Mauritanie, un autre pays voisin donc les ressortissants sont des sans-papiers à Tam et vivent essentiellement de la contrebande. Dans leurs tentes on retrouve aussi des porte-clés, Assaru - une idée sédentaire - et des écrins qui servent à contenir des verres à thé. A regarder de près, ces objets sont aussi utilitaires que décoratifs. Loin des regards, loin du temps, ces femmes racontent entre deux signes, deux symboles, quelques couleurs et beaucoup de fantaisie, le récit d'une sobriété qui se meut dans le monde moderne en source de vie De notre envoyé spécial à Tamanrasset, Rebouh H