Le Conseil de sécurité de l'ONU a levé mercredi les sanctions en vigueur contre l'Erythrée depuis 2009, après un accord de paix historique avec l'Ethiopie et un réchauffement de ses relations avec Djibouti qui laissent augurer des changements positifs dans la Corne de l'Afrique. Le Conseil a adopté à l'unanimité cette résolution élaborée par la Grande-Bretagne qui lève l'embargo sur les armes, toutes les interdictions de voyage, les gels d'avoir et les autres sanctions visant l'Erythrée. Asmara a aussitôt salué cette décision, tout comme Addis Abeba. Le chargé d'affaires érythréen à l'ONU, Amanuel Giorgio, s'est réjoui de "la fin d'une période difficile pour l'Erythrée et la région". "Les actions et l'inaction du Conseil ont eu des conséquences nocives pour le peuple d'Erythrée et la Corne de l'Afrique", mais "les Erythréens ne regarderont pas en arrière et ne seront pas rancuniers", a-t-il dit au Conseil de sécurité après l'adoption de la résolution. L'Erythrée "est déterminée à redoubler d'efforts et à travailler étroitement avec ses voisins pour construire une région en paix avec elle-même", a-t-il ajouté. Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a de son côté affirmé dans un communiqué que la levée des sanctions allait "avoir un impact considérable sur l'amélioration de la stabilité de la Corne de l'Afrique" et sur la normalisation des relations. "Les développements en cours (vont avoir) un impact en termes de progrès économiques, de prospérité et de droits de l'homme", a affirmé l'ambassadeur éthiopien à l'ONU Taye Atske Selassie. En Erythrée, le gouvernement est accusé de graves violations des droits humains, ce qui a poussé de très nombreux Erythréens à l'exil. Le pays est depuis 2009 sous le coup de sanctions du Conseil de sécurité pour son soutien présumé aux djihadistes en Somalie, une accusation que le gouvernement érythréen a toujours niée. La résolution reconnaît que les observateurs de l'ONU "n'ont pas trouvé de preuves formelles que l'Erythrée soutienne les shebab" somaliens.
Efforts avec Djibouti Asmara a signé en juillet avec l'Ethiopie un accord de paix qui a mis fin à deux décennies d'hostilités et conduit à un apaisement de ses relations avec Djibouti. La résolution appelle d'ailleurs aussi l'Erythrée et Djibouti à poursuivre les efforts en vue de régler leurs différends. Les relations entre Djibouti et l'Erythrée s'étaient tendues après une incursion en avril 2008 de troupes érythréennes vers Ras Doumeira, un promontoire stratégique surplombant l'entrée de la mer Rouge au nord de Djibouti-ville. Les deux pays s'étaient opposés à deux reprises en 1996 et 1999 pour cette zone. A la demande de Paris, un rapport sera présenté tous les six mois au Conseil de sécurité sur les efforts consentis par l'Erythrée pour se rapprocher de Djibouti, où la France, les Etats-Unis et la Chine disposent de bases militaires. Djibouti demande à l'ONU d'aider à négocier un accord final avec l'Erythrée pour fixer des frontières terrestres et maritimes et résoudre le conflit sur Doumeira, a indiqué l'ambassadeur Mohamed Siad Doualeh devant le Conseil. Le sort de 13 prisonniers djiboutiens détenus en Erythrée doit aussi être rendu public, a-t-il ajouté. Le ministre des Affaires étrangères de l'Erythrée, Osman Mohammed Saleh, avait demandé en septembre, à la tribune de l'Assemblée générale annuelle de l'ONU, la levée de sanctions "injustifiées" qui "ont provoqué des dommages considérables à l'économie du pays et à sa population". Ancienne province de l'Ethiopie, l'Erythrée a déclaré son indépendance en 1993 après avoir chassé les troupes éthiopiennes de son territoire deux ans plus tôt. Les deux pays se sont livré entre 1998 et 2000 une guerre qui a fait quelque 80.000 morts, notamment en raison d'un conflit frontalier. Les relations sont ensuite restées particulièrement tendues, l'Ethiopie refusant de céder un territoire disputé malgré un jugement favorable à l'Erythrée en 2002 d'une commission indépendante internationale soutenue par l'ONU.