La BCE a opéré jeudi un tournant majeur en entérinant l'abandon fin décembre de son vaste programme de soutien à l'économie en zone euro, malgré les nuages qui s'accumulent sur la croissance. Concrètement, l'institut monétaire de Francfort va cesser d'acheter de nouveaux titres de dette privée et publique, abandonnant cette arme adoptée en 2015 pour soutenir l'activité et donc les prix. Inédite en vingt ans d'existence de la BCE, cette potion anti-crise a sans doute évité une déflation à la zone euro et une crise économique d'ampleur historique, à un moment où elle commençait à peine à se remettre de la crise de la dette. En ayant connu un pic de 80 milliards d'euros par mois jusqu'en avril 2017, ces rachats ont ensuite progressivement ralenti et ne représentent plus que 15 milliards d'euros par mois depuis octobre. Au final, la Banque centrale européenne aura injecté à fin décembre la somme faramineuse de 2.600 milliards d'euros sur le marché dans le cadre de cette opération. Si audacieux soit-il, ce programme continue à susciter la controverse car il est perçu par ses détracteurs, en Allemagne et dans d'autres pays du nord de l'Europe très rigoristes sur le plan monétaire, comme une manière pour la BCE d'aider indirectement les gouvernements.
'Mauvais timing' ? Aujourd'hui, la fin de ce programme appelé QE ("Quantitative easing") se justifie "car il n'y a plus de risque sérieux de déflation", estime Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo BHF. Mais pour Friedrich Heinemann, de l'institut allemand ZEW, la fin des rachats nets de dette "intervient dans un mauvais timing", au moment même "où les perspectives conjoncturelles s'assombrissent en zone euro". Soucieuse de maintenir des conditions de financement favorables, la BCE a donc réitéré son engagement de réinvestir ses stocks de dette arrivant à échéance, pour une "période prolongée" après le premier tour de vis monétaire. Par ailleurs, le conseil des gouverneurs a maintenu comme prévu les taux directeurs à leur plus bas niveau historique, et ce "au moins" jusqu'à l'été 2019. Certains sur le marché spéculent désormais sur une première hausse n'intervenant qu'en 2020, soit au-delà du mandat du président de la BCE, Mario Draghi, qui prendra fin en octobre 2019. Le banquier central commentera les décisions du jour devant la presse à partir de 13H30 GMT et sera questionné sur les options quant à la trajectoire future de sa politique. Car le début de ce resserrement monétaire survient au moment où les risques pesant sur la croissance en zone euro se précisent. Et font craindre du coup que cela ne contribue encore plus au ralentissement conjoncturel qui se dessine.
Risque américain Si M. Draghi a balayé vers la mi-novembre le risque de récession en zone euro, il ne devrait pas manquer d'être interrogé sur la montée des tensions politiques et sociales: entre les "gilets jaunes" en France et la coalition "populiste" en Italie qui mène un bras de fer avec l'UE sur son budget. Sans parler du contexte européen général de crise avec l'impasse autour des conditions du Brexit ou des inquiétudes internationales liées au climat de guerre commerciale. L'ancien vice-président de la BCE, Vitor Constancio, s'est lui inquiété d'un "sérieux ralentissement" des Etats-Unis qui ferait tache d'huile dans "de nombreuses parties du monde", a-t-il dit mercredi au Handelsblatt. La BCE est attendue dans ce contexte pour réviser jeudi à la baisse ses prévisions macro-économiques pour 2018 et 2019. Les économistes scruteront aussi ses premières estimations pour 2021. Alors que la BCE voudrait que l'inflation en zone euro converge durablement vers son objectif, le taux a décéléré en novembre à 2% sur un an, après 2,2% en octobre. Surtout, en éliminant les prix volatils du pétrole et des denrées alimentaires, l'évolution des prix reste scotchée à près d'1%.
Déflation écartée Aujourd'hui, la fin de ce programme appelé QE ("Quantitative easing") se justifie "car il n'y a plus de risque sérieux de déflation", estime Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo BHF. En même temps l'institution va réaffirmer qu'elle entend conserver le cap expansif de sa politique "pour ne pas mettre en danger la reprise, condition nécessaire au retour de l'inflation vers sa cible" proche de 2%, ajoute-t-il. Pour le reste, le conseil des gouverneurs de la BCE maintiendra selon toute attente les taux directeurs à leur plus bas niveau et il donnera des précisions sur le réinvestissement intégral des actifs ramassés dans le cadre du QE. Malgré tout, la BCE "va laisser ses options ouvertes quant à la trajectoire future de sa politique", pronostique Capital Economics. Car le début de ce resserrement monétaire survient au moment où les risques sur la croissance en zone euro se précisent. Et font craindre du coup que cela ne contribue encore plus au ralentissement conjoncturel qui se dessine. Si le patron de la BCE Mario Draghi a balayé vers la mi-novembre le risque de récession en zone euro, il s'inquiète notamment de la montée des tensions politiques et sociales: entre les "gilets jaunes" en France et la coalition "populiste" en Italie qui mène un bras de fer avec l'UE sur son budget. Sans parler du contexte européen général de crise avec l'impasse autour des conditions du Brexit ou des inquiétudes internationales liées au climat de guerre commerciale. Le vice-président de la BCE Vítor Constancio s'est particulièrement inquiété des risques pour la zone euro en provenance des Etats-Unis, dans une interview mercredi au Handelsblatt. "Comme beaucoup d'autres, je m'attends en 2020 à ce que les Etats-Unis connaissent un sérieux ralentissement et exportent une récession dans de nombreuses parties du monde", a-t-il dit. La BCE pourrait dans ce contexte réviser jeudi à la baisse ses prévisions macro-économiques pour 2018 et 2019. Les économistes scruteront aussi ses premières estimations pour 2021. Alors que la BCE voudrait que l'inflation en zone euro converge durablement vers son objectif, le taux a décéléré en novembre à 2% sur un an, après 2,2% en octobre. Surtout, en éliminant les prix volatils du pétrole et des denrées alimentaires, l'évolution des prix reste scotchée à près d'1%. Pour ce qui est des taux d'intérêt directeurs, l'institution de Francfort doit confirmer son intention de les maintenir au plus bas "au moins" jusqu'à l'été 2019. "Au train où vont les choses", il est tout à fait possible que M. Draghi, dont le mandat se termine fin octobre 2019, "ne soit plus président de la BCE au moment de la première hausse de taux", note M. Cavalier.