Le conseil des gouverneurs de la BCE se réunit demain, auréolé des premiers succès du programme de rachats massifs de dette lancé début mars, dont le président de l'institution Mario Draghi devrait réaffirmer le cap. Le "QE" --quantitative easing--, acronyme utilisé pour désigner ces achats de grande ampleur de dette essentiellement publique, est parti sur les chapeaux de roue, alimentant déjà les spéculations sur un possible arrêt avant terme. Mais M. Draghi devrait y couper court. "La détermination (de la BCE) à finir ce qu'elle a commencé devrait être un aspect central dans la stratégie de communication" de l'institution, prédit Richard Barwell, économiste de RBS. Depuis le 9 mars la BCE achète massivement des obligations émises par les pays de la zone euro. Objectif de ce "QE", pratiqué déjà par la Fed américaine, faire baisser les taux d'emprunt, sur les marchés obligataires puis par ricochet sur le crédit en général, relancer l'économie et les prix. La BCE veut débourser 60 milliards d'euros par mois au moins d'ici septembre 2016 en obligations souveraines et autres produits de dette, soit a minima 1.140 milliards. En mars elle a mis 61 milliards d'euros sur la table, dont plus de 47 milliards pour des dettes d'Etat. "Un succès" pour Christian Schulz, économiste de Berenberg, qui salue "une exécution sans problème" --déjouant les inquiétudes sur une possible pénurie de titres à acheter-- et une efficacité au-delà des espérances.
Taux en baisse Une mesure de cette efficacité est le repli des taux auxquels les gouvernements empruntent. La baisse est la plus prononcée pour la France et l'Allemagne, qui s'endettaient déjà à coût dérisoire; Belgique, Portugal, Irlande ont nettement profité aussi. Un autre effet secondaire du "QE" a joué pleinement, le recul de l'euro par rapport au dollar. Les placements en zone euro sont devenus moins attractifs pour les investisseurs du reste du monde, l'argent sort du bloc monétaire et la monnaie unique se déprécie: elle a perdu 11% depuis le début de l'année. Ce n'est pas un objectif avoué de politique monétaire, mais arrange bien les affaires de la BCE: l'euro faible favorise les exportations, ce qui profite aux entreprises, et renchérit le coût des achats à l'étranger, ce qui importe de l'inflation. C'est la menace de déflation, baisse des prix généralisée allant de pair avec marasme économique, qui a conduit la BCE à opter en janvier pour le "QE", après des mois d'hésitation et au mépris des réticences surtout allemandes. Mais la faiblesse de l'euro pourrait propulser l'inflation au-dessus de 2%, commencent à craindre certains. L'objectif de la BCE est une hausse des prix légèrement inférieure à ce seuil.
Plus ou moins du QE ? "A quand l'amorce de la sortie" du QE ?, s'interrogeait jeudi le quotidien économique allemand Handelsblatt. "Si nous voyons qu'il y a surchauffe, il serait bien sûr opportun de se demander s'il faut ajuster notre programme", a reconnu mercredi Yves Mersch, membre du directoire de la BCE. On n'en est pas là. Les prix ont baissé de 0,1% en mars en zone euro, moins qu'en janvier et février mais encore loin du niveau souhaité. Et si, selon M. Mersch, le crédit montre des signes encourageants, l'économie tourne encore à petite vitesse. Pour Jonathan Loynes, de Capital Economics, la zone euro a même sans doute "besoin de plus, pas de moins" de QE si la BCE veut vraiment faire repartir la machine économique. C'est aussi maintenant aux gouvernements de fortifier la reprise embryonnaire au moyen de réformes structurelles, rappelle M. Schulz de Berenberg, un message que M. Draghi devrait faire passer à nouveau mercredi. Le conseil des gouverneurs se réunit à Francfort mercredi, et non jeudi comme d'habitude, pour permettre aux banquiers centraux de partir à Washington assister à la réunion de printemps du Fonds monétaire international (17 au 19 avril).