Le P-DG de Renault, arrêté le 19 novembre sur des accusations de malversations financières chez Nissan, voit sa garde à vue à nouveau prolongée, le tribunal de Tokyo en charge de l'affaire ayant accepté la requête du procureur qui estime avoir besoin d'un délai. Ce qui ne signifie aucunement que Carlos Ghosn sera automatiquement libéré le 11 janvier ou le jour suivant. La décision judiciaire de ce jour prolonge ainsi sur l'année prochaine la saga qui passionne le Japon et le monde des affaires depuis que ce titan du monde de l'automobile a été arrêté soudainement à Tokyo. Un tribunal de Tokyo a en effet décidé lundi de prolonger de nouveau de 10 jours, jusqu'au 11 janvier, la garde à vue du P-DG de Renault, Carlos Ghosn, sur des soupçons d'abus de confiance, selon les médias japonais.
Le juge accorde au procureur le délai supplémentaire qu'il réclamait D'après la chaîne de TV NHK, l'agence Jiji et le quotidien Nikkei, le juge a accepté la requête du procureur qui estime avoir besoin de plus de temps pour décider ou non d'inculper M. Ghosn sur ces nouvelles charges. L'ex-président de Nissan est détenu au Japon depuis le 19 novembre et déjà inculpé une première fois pour avoir minoré ses revenus sur 5 ans dans des documents remis aux autorités boursières japonaises.
Après le 11 janvier, une nouvelle garde à vue toujours possible La décision de lundi ne signifie pas que l'ancien patron de Nissan sera automatiquement libéré le 11 janvier ou le jour suivant, le parquet pouvant en théorie relancer une garde à vue sur de nouvelles charges. En outre, parallèlement, M. Ghosn est aussi en détention provisoire suite à la première inculpation, ce qui signifie qu'une libération ne peut avoir lieu qu'après la fin de toute garde à vue et sur acceptation par le tribunal d'une demande de mise en liberté sous caution. Dans le troisième volet en cours de cette affaire, le parquet soupçonne Carlos Ghosn d'avoir "failli à sa fonction de P-DG et d'avoir causé un préjudice à Nissan".
L'ami saoudien et la crise de 2008 Concrètement, le bureau des procureurs lui reproche d'avoir fait couvrir par Nissan "des pertes sur des investissements personnels" au moment de la crise financière d'octobre 2008, ce qu'il nie selon les médias citant ses avocats. La somme incriminée s'élève à 1,85 milliard de yens (14,5 millions d'euros). Pour résoudre ce problème financier, il aurait obtenu qu'un ami d'Arabie saoudite se porte garant et aurait effectué des virements d'un montant équivalent sur le compte de ce dernier depuis un compte d'une filiale de Nissan.
Pourquoi le délai de prescription ne jouera pas en sa faveur Ce type de délit est normalement prescrit au bout de 7 ans, mais la loi permet de suspendre le décompte lors des séjours à l'étranger, nombreux dans le cas de M. Ghosn qui passait seulement un tiers de son temps au Japon. L'Américain Greg Kelly, administrateur de Nissan arrêté le 19 novembre au Japon en même temps que Carlos Ghosn, a en revanche été relâché la semaine passée sous caution, la raison pour laquelle M. Ghosn est désormais encore retenu ne le concernant pas.
L'alliance Renault-Nissan déboussolée Pendant ce temps, l'alliance Renault-Nissan est dans la tourmente. Les constructeurs japonais Nissan et Mitsubishi Motors ont déjà révoqué à l'unanimité M. Ghosn de la présidence de leur conseil d'administration, mais le groupe français Renault l'a maintenu jusqu'à présent à son poste, confiant "à titre provisoire" la direction exécutive à son numéro deux Thierry Bolloré.
Bras droit libéré sous caution L'Américain Greg Kelly, arrêté le 19 novembre au Japon en même temps que Carlos Ghosn, a été relâché mardi dernier sous caution, tandis que l'ex-patron de Nissan reste lui en garde à vue. Le tribunal de Tokyo avait approuvé un peu plus tôt sa remise en liberté en échange du paiement d'une somme de 70 millions de yens (environ 560.000 euros au cours actuel). Il a confirmé l'avoir reçue en espèces. M. Kelly qui, contrairement à M. Ghosn, ne fait pas l'objet d'un troisième mandat d'arrêt, est sorti de prison dans la soirée, après le rejet du recours déposé par le parquet. Il est apparu sur les images de télévision les traits tirés, et s'est aussitôt engouffré dans un taxi, visage fermé, sans s'exprimer. Dans un communiqué cité par l'agence de presse Kyodo, il a réfuté les accusations et dit espérer "un acquittement" lors du procès à venir. "Je veux restaurer ma réputation", a-t-il insisté. Sa libération est assortie de conditions: d'après les médias japonais, il ne sera pas autorisé à quitter le Japon, ni à entrer en contact avec des personnes liées au dossier. Considéré comme le bras droit de Carlos Ghosn chez Nissan, Greg Kelly avait été inculpé le 10 décembre pour avoir, selon les accusations du parquet, aidé le dirigeant à dissimuler une partie de ses revenus aux autorités boursières, environ 5 milliards de yens (38 millions d'euros) sur cinq années, de 2010 à 2015. L'homme, âgé de 62 ans, est aussi soupçonné d'avoir participé à une minoration similaire d'émoluments de M. Ghosn de 2015 à 2018.
"Trahison" Dans une vidéo mise en ligne sur internet ce week-end, la femme de Greg Kelly s'inquiétait d'une "détérioration de sa santé". "Il doit être opéré rapidement pour cause de douleurs cervicales", avait expliqué Dee Kelly. "Je voudrais voir très vite le médecin et suivre un traitement", a souligné M. Kelly, évoquant "des moments difficiles" durant sa détention du fait de sa maladie. Le responsable américain avait été attiré mi-novembre à Tokyo par un employé de Nissan pour y être arrêté, selon la version de son épouse qui a dénoncé "un complot international, une trahison de certains dirigeants de Nissan pour prendre le contrôle" du constructeur japonais. Peu après l'interpellation des deux hommes, le groupe avait démis M. Ghosn de la présidence du conseil d'administration et M. Kelly de ses fonctions de représentation. Le magnat de l'automobile a aussi été révoqué de Mitsubishi Motors. Il demeure en revanche P-DG de l'entreprise française Renault. Si M. Kelly peut être libéré sous caution, ce n'est pas le cas de M. Ghosn qui est toujours en garde à vue. Il est sous le coup d'un nouveau mandat d'arrêt, le troisième, sur des charges supplémentaires concernant cette fois l'abus de confiance, après son inculpation pour dissimulation de revenus sur la période 2010-2015. La justice a décidé dimanche de prolonger sa détention jusqu'au 1er janvier, et le parquet peut encore à cette échéance requérir une extension de 10 jours supplémentaires.
"Laver son honneur" Selon une source proche du dossier, M. Ghosn espérait pourtant être libéré sous caution la semaine dernière et ses avocats préparaient sa sortie, avant que ne tombent les nouvelles charges. Le dirigeant de 64 ans, qui veut "faire entendre sa voix et laver son honneur", a été transféré depuis plusieurs semaines dans une cellule plus spacieuse, bénéficiant de meilleures conditions de détention. Il rencontre régulièrement les différents représentants de l'ambassade de France, du Brésil et du Liban, pays dont il détient la nationalité, mais n'a pu voir sa famille. Au cours des auditions, M. Ghosn aurait reconnu avoir signé des documents mentionnant des paiements qu'il était censé percevoir au moment de quitter Nissan, en tant que consultant, mais il assure, selon une personne au fait des investigations, que ces montants n'étaient pas définitivement établis et n'avaient donc pas à être inclus dans les rapports publics de l'entreprise. Sur l'autre motif d'abus de confiance, il lui est reproché d'avoir "failli à sa fonction de P-DG et d'avoir causé un préjudice à Nissan". Concrètement, le bureau des procureurs l'accuse d'avoir fait couvrir par Nissan "des pertes sur des investissements personnels" au moment de la crise financière d'octobre 2008. La somme incriminée s'élève à 1,85 milliard de yens (14,5 millions d'euros). Pour résoudre ce problème financier, il aurait obtenu qu'un ami saoudien se porte garant et aurait effectué des virements d'un montant équivalent sur le compte de ce dernier depuis un compte d'une filiale de Nissan. De son côté, Carlos Ghosn dément tout lien entre les deux affaires et assure que ce proche a été rétribué pour des services rendus à Nissan.