La croissance de l'économie chinoise devrait être tombée au quatrième trimestre 2018 à son plus bas niveau depuis la crise financière mondiale en raison du ralentissement du commerce mondial et de la demande intérieure, montre jeudi une enquête de Reuters. Les économistes et analystes interrogés prévoient en moyenne une croissance de 6,4% en rythme annuel pour octobre-décembre après celle de 6,5% enregistrée sur le trimestre précédent. Un tel chiffre serait le plus faible depuis le début 2009. D'un trimestre sur l'autre, le produit intérieur brut (PIB) chinois est attendu en hausse de 1,5% après 1,6% sur juillet-septembre. Le ralentissement pourrait se poursuivre sur le trimestre en cours avec la baisse des exportations et en attendant que les mesures de soutien à l'activité mises en œuvre ces derniers mois par Pékin portent leurs fruits, estime Tao Wang, économiste d'UBS, dans une note. "Lorsque les effets de l'assouplissement de la politique deviendront plus sensibles et que les investissements dans les infrastructures remonteront pendant la saison des constructions au printemps, nous nous attendons à un rebond notable de la dynamique de croissance au deuxième trimestre." Pékin doit publier lundi à 02h00 GMT les statistiques du produit intérieur brut (PIB) pour le quatrième trimestre et l'ensemble de l'année 2018, ainsi que les chiffres de la production industrielle, des ventes au détail et des investissements en actifs fixes pour le mois de décembre. La croissance sur l'ensemble de l'année écoulée devrait être revenue à 6,6%, ce qui marquerait son rythme le plus faible en 28 ans, après 6,9% en 2017. Les estimations des 53 économistes et analystes s'échelonnent de 6,1% à 6,7%. Si les chiffres trimestriels publiés par Pékin sont généralement assez stables, les investisseurs pourraient attacher davantage d'importance aux statistiques mensuelles, sans doute plus représentatives de l'évolution à court terme.
Une relance massive dont les effets prendront du temps L'annonce depuis le début du mois d'une contraction de l'activité dans le secteur industriel et de la plus forte baisse des exportations depuis deux ans a ravivé les craintes d'un atterrissage économique brutal de l'économie chinoise, la deuxième du monde. Les investisseurs suivent donc avec d'autant plus d'attention l'évolution des négociations commerciales en cours entre la Chine et les Etats-Unis, dans l'espoir qu'un compromis permette de lever certains des freins aux exportations et à la croissance chinoises. Mais même si Pékin et Washington parviennent à s'entendre, le soulagement pour la Chine ne sera que limité, estiment certains analystes en soulignant la nécessité de relancer l'investissement intérieur et la demande privée. C'est justement pour tenter de stimuler le crédit que la Banque populaire de Chine (BPC) a abaissé le 4 janvier le taux de réserves obligatoires des banques, la cinquième mesure de ce type en un an. Les autorités monétaires ont aussi multiplié les injections de liquidités dans le système financier. Mais certains banquiers notent que les entreprises en quête de crédit se font rares à cause des incertitudes sur leurs perspectives d'activité. Parallèlement à l'assouplissement monétaire, Pékin a annoncé l'augmentation des dépenses publiques d'investissement dans les infrastructures cette année et des allègements d'impôts et de taxes pour les entreprises. Certains observateurs estiment que ces allègements pourraient représenter un total de 2.000 milliards de yuans (259 milliards d'euros) sur l'ensemble de cette année, et que les provinces pourraient émettre pour 2.000 milliards de yuans d'obligations destinées à financer de grands projets. L'impact de ces mesures sur le PIB pourrait toutefois ne se faire sentir que tardivement: les économistes interrogés par Reuters prévoient pour 2019 un nouveau ralentissement de la croissance à 6,3%. La semaine dernière, plusieurs sources ont rapporté que les autorités chinoises envisageaient un objectif de croissance pour cette année entre 6% et 6,5%, plus prudent que celui d'environ 6,5% fixé il y a un an pour 2018.
83 milliards de dollars injectées dans le système financier La banque centrale chinoise a injecté un montant record de 560 milliards de yuans (83 milliards de dollars ou 73 milliards d'euros) dans le système financier mercredi, cherchant ainsi à prévenir une pénurie de liquidités susceptible d'accroître encore les maux de la deuxième économie mondiale. Alors que la croissance de 2018 a probablement été la plus faible depuis 1990, les dirigeants chinois promettent d'accroître leur politique de soutien cette année et de défendre l'emploi. Mais les nombreuses mesures annoncées l'an dernier, des baisses d'impôts aux projets géants d'infrastructures ferroviaires, tardent à porter leurs fruits et les derniers indicateurs économiques pointent vers un ralentissement plus fort qu'attendu de l'activité. L'annonce coup sur coup d'une contraction de l'activité du secteur manufacturier en décembre et d'une chute des exportations a choqué les observateurs. L'opération de mercredi de la Banque populaire de Chine (BPC) sur le marché monétaire intervient au lendemain de la promesse de nouvelles mesures de soutien par la banque centrale mais aussi par la Commission nationale de développement de réforme (CNDR) et par le ministère des Finances. "Le message est clair - l'économie a besoin d'aide", résume Trinh Nguyen, économiste qui suit les pays émergents d'Asie pour Natixis à Hong Kong. "Les autorités s'accordent désormais sur la nécessité d'un soutien plus décisif et l'importante injection de capitaux d'aujourd'hui reflète cela". La BPC a indiqué que l'opération visait à assurer d'amples liquidités dans le système financier qui est mis sous tension par le pic des paiements d'impôts à la mi-janvier et par la hausse de la demande de cash à l'approche des vacances du Nouvel An lunaire qui commencent début février. "Les liquidités totales du système bancaire baissent rapidement", a-t-elle expliqué dans un communiqué. Si les injections de liquidités d'un montant élevé sont courantes à cette période de l'année, le total inédit de mercredi s'ajoute à la forte baisse du niveau des réserves obligatoires des banques annoncée début janvier qui leur permettra d'allouer l'équivalent de 116 milliards de dollars à des nouveaux crédits. La première étape, une baisse de 50 points de base du coefficient des réserves obligatoires, a pris effet mardi et une diminution de même ampleur est prévue pour le 25 janvier. L'opération de la BPC intervient aussi au lendemain de la publication de données montrant que la croissance de la masse monétaire reste faible et que l'octroi de prêts ne repart pas en dépit des efforts des autorités pour faciliter l'accès des entreprises au crédit. Selon Nomura, les nouveaux crédits de moyen et long termes aux entreprises ont représenté le mois dernier moins de la moitié de leur niveau moyen pour un mois de décembre. Les banques, encore échaudées par la campagne passée des autorités contre les crédits risqués, hésitent encore à prêter tandis que les entreprises sont réticentes à investir face au ralentissement de leurs carnets de commandes. Tout en promettant de nouvelles mesures, les autorités écartent pour l'heure un plan de relance massif qui aurait pour effet d'alourdir la dette. Prié de dire si la BPC devait réduire ses taux directeurs, un responsable de la banque centrale a répondu mardi que les mesures existantes devaient être améliorées. Les marchés semblent le croire puisque les taux du marché monétaire n'ont que peu évolué mercredi. Le taux repo à sept jours, une mesure de la liquidité suivie de près, s'établissait à 2,6142% dans l'après-midi, sans grand changement par rapport à la veille. "L'injection nette de ce jour est importante mais c'est peu à côté de ce qu'une baisse de taux libérerait, et c'est cela qu'on regarde sur le marché", dit Ken Cheung, stratège changes chez Mizuho à Hong Kong. Pékin publiera lundi les chiffres du produit intérieur brut de 2018 qui devraient faire ressortir une croissance de 6,6% selon les économistes, au plus bas depuis 28 ans, contre 6,9% en 2017. Ce rythme pourrait encore ralentir à 6,2% cette année, voire plus bas si la tendance des derniers indicateurs se prolonge, sur fond d'impasse persistante dans les négociations commerciales avec les Etats-Unis.