Si le volume total du crédit a gonflé en Chine en décembre, les nouveaux prêts accordés par les banques ont au contraire reculé, les établissements faisant preuve de réticence en dépit des encouragements des autorités, selon des chiffres officiels publiés. Les établissements bancaires ont ainsi accordé 697,3 milliards de yuans (96,6 milliards d'euros) de nouveaux prêts le mois dernier, bien moins que les 852,7 milliards de yuans de novembre, a annoncé la banque centrale chinoise (PBOC). Ce niveau se situe par ailleurs très en deçà de la prévision médiane des économistes interrogés par l'agence Bloomberg (880 milliards de yuans). En revanche, l'agrégat appelé "social financing" --une mesure large du crédit incluant aussi les financements disponibles en-dehors des banques et via divers mécanismes financiers (les entreprises se prêtant entre elles par exemple)-- s'est établi en décembre à 1 690 milliards de yuans (234,2 milliards d'euros). Soit très au-dessus des 1 150 milliards de yuans de novembre, et surpassant de loin la prévision médiane des économistes (1 200 milliards). Espérant stimuler l'activité, alors que la croissance de la deuxième économie mondiale marque le pas, la banque centrale avait décidé courant novembre une baisse surprise de ses taux d'intérêts --pour la première fois en deux ans-- et procédé à des injections massives de liquidités. Selon plusieurs médias, la PBOC avait aussi vigoureusement encouragé les établissements bancaires à doper leurs prêts aux entreprises pour la fin de l'année. Visiblement sans grand succès. Pour Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics, le recul des prêts bancaires "reflète des tendances saisonnières, puisque la demande est traditionnellement plus faible vers la fin de l'année". Ce ralentissement suggère surtout "que les banques commerciales sont toujours inquiètes des risques qui plombent les secteurs d'activité traditionnels", sur fond de violent ralentissement de l'industrie manufacturière et du marché immobilier, relevaient les analystes de la banque ANZ. Comme nombre de gouvernements locaux, sous la pression de Pékin, réduisent progressivement, voire retirent, leurs garanties aux groupes publics et aux administrations, "les banques deviennent bien plus prudentes", soulignait ANZ. De fait, des cas inédits de défauts de paiements ont avivé depuis un an les craintes de créances douteuses et de défaillances d'entreprises en cascade.
Nouveaux assouplissements ? Sur l'ensemble de 2014 toutefois, les efforts de Pékin pour assouplir les conditions du crédit afin de contrer le ralentissement économique ont porté leurs fruits: le volume net des nouveaux prêts bancaires sur l'année a atteint 9780 milliards de yuans, en hausse de 10% par rapport à 2013. Dans le même temps, l'agrégat "social financing" pour 2014 s'est établi à 16 460 milliards de yuans, soit 860 milliards de moins qu'en 2013. Ce qui traduit, selon les analystes, le reflux de la "finance de l'ombre", ces sociétés de crédit non régulées prospérant hors du système bancaire et Pékin s'emploie à les endiguer. Mais la portion de la "finance de l'ombre" dans l'agrégat général du crédit ("social financing") s'est significativement accrue en décembre, en dépit de restrictions durcies. Ce qui illustre le dilemme de la PBOC elle-même, désireuse d'offrir des coups de pouce à l'économie en assouplissant sa politique monétaire et en accroissant la liquidité disponible... mais tout en évitant de donner de l'air à la "finance de l'ombre". Alors que la croissance économique continue de ralentir --elle pourrait s'établir pour 2014 au plus bas depuis près d'un quart de siècle-- et que les tensions déflationnistes s'intensifient, nombre d'experts tablent sur de nouvelles mesures d'assouplissement de la banque centrale au premier semestre 2015. La banque Nomura mise notamment sur des abaissements des taux de réserves obligatoires imposés aux banques et sur une nouvelle baisse des taux d'intérêt d'ici juin. Mais toute expansion du crédit devrait rester encadrée, d'autant que les autorités veulent également contenir l'endettement des gouvernements locaux, a averti M. Evans-Pritchard.