Les ministres français et italien de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire et Giovanni Tria, ont affiché vendredi leur entente, tournant la page des accrochages des dernières semaines entre Paris et Rome et assurant de leur volonté commune de faire évoluer l'Europe face à la concurrence chinoise et américaine. "Les intérêts économiques et financiers franco-italiens sont tellement importants que nous estimons qu'il faut savoir dépasser les querelles que nous avons pu connaître au cours des derniers semaines pour avancer", a dit Bruno Le Maire à la presse en marge d'un forum franco-italien organisé à Versailles par le Medef et son équivalent italien, la Confindustria. Les deux ministres ont notamment souligné leurs convergences sur de nombreux sujets et fait part de leur volonté d'avancer, qu'il s'agisse de projets industriels comme la fusion STX-Fincantieri, et le rapprochement Fincantieri-Naval Group, ou de sujets politiques comme le budget commun de la zone euro, la fiscalité internationale et la taxation des géants du numérique, par exemple. "Vous voyez que contrairement à ce que disent certains il y a une amitié, une coopération franco-italienne, et nous y sommes très attachés, il faut la renforcer aujourd'hui", a observé Bruno Le Maire.
"Mensonges" A trois mois des élections européennes, les deux hommes ont également appelé à donner une impulsion au projet européen, seul moyen à leurs yeux de garantir l'avenir économique du continent. "Le ralentissement économique à l'oeuvre non seulement en Italie mais dans toute l'Europe a mis en relief la nécessité de relancer un projet européen qui réponde aux défis de la mondialisation", a déclaré Giovanni Tria lors d'une allocution devant un auditoire d'entrepreneurs français et italiens. "Pour réussir, il faut une Europe forte, une Europe qui ait de l'autorité et surtout une Europe solidaire", a-t-il ajouté. Un message également martelé par Bruno Le Maire. "Il faut moins de compétition entre les Etats européens et plus de coopération: c'est la seule voie qui nous permettra de réussir face à la Chine et aux Etats-Unis et de rester au XXIe siècle un grand continent économique, prospère et solide", a-t-il estimé. Pour le ministre français, qui s'exprimait aux côtés de son homologue italien sans affiliation politique mais membre d'un gouvernement de coalition entre la Ligue (extrême droite) et le Mouvement 5 Etoiles (M5S, anti-système), a assorti cette déclaration d'une ferme mise en garde contre la montée des nationalismes à travers l'Europe. "Le nationalisme économique (...) c'est la crise économique assurée, c'est l'appauvrissement de nos nations et c'est la relégation garantie de l'Europe sur la scène internationale", a lancé Bruno Le Maire. "Aucune nation européenne aujourd'hui n'a plus les moyens financiers, technologiques, de recherche pour réussir seule", a-t-il insisté, en dénonçant "les mensonges" des nationalistes "promettant des lendemains qui chantent à des populations qu'ils appauvrissent avec des politiques économiques qui ne mènent nulle part", a-t-il poursuivi.
Tensions internes en Italie Allié de longue date de la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen, Matteo Salvini, chef de file de la Ligue et vice-président du Conseil italien, aspire à fédérer les populistes au Parlement européen lors des élections du 26 mai dans un combat contre les "progressistes" qu'Emmanuel Macron compte rassembler pour combattre le nationalisme. Depuis l'arrivée au pouvoir de la coalition unissant la Ligue et le M5S en Italie en juin dernier, les relations entre Paris et Rome se sont crispées, notamment autour des questions migratoires. Les tensions se sont exacerbées le mois dernier autour de la crise des "Gilets jaunes", culminant avec le rappel par Paris de l'ambassadeur français en Italie le 7 février pour des consultations, dans le sillage d'une rencontre en France entre Luigi Di Maio, vice-président du Conseil italien et chef politique du M5S, et des représentants des "Gilets jaunes". L'ambassadeur de France en Italie est retourné à Rome le 15 février sans que la mésentente entre Paris et Rome ne soit totalement dissipée. L'affrontement interne entre les deux vice-présidents du Conseil italien - Luigi Di Maio et Matteo Salvini, chef de file de la Ligue - a également des répercussions sur la relation Paris-Rome. La réalisation du tunnel ferroviaire Lyon-Turin fait l'objet d'un désaccord entre Luigi Di Maio, partisan de son abandon, et Matteo Salvini, qui y est favorable, comme la France. Mais Giovanni Tria a précisé vendredi qu'il entrevoyait une issue positive dans ce dossier.