Le 18e acte de la mobilisation des "gilets jaunes" en France, qui boucle son quatrième mois de contestation, a été émaillé samedi de violences dès la matinée contrairement aux mobilisations précédentes où les heurts se déclaraient généralement en début de soirée. Des manifestants, qui ont investi très tôt la place Etoile-Charles de Gaulle près de l'arc de Triomphe, se sont attaqués à la police avec des jets de pierres, jetant du mobilier urbain, incendiant des édifices publics et saccageant le fameux restaurant le Fouquet's des Champs-Elysées. Plusieurs véhicules de police ont été pris pour cibles par des casseurs qui les ont forcés de se replier, offrant parfois des scènes d'insurrection en pleine capitale qui a vu se déferler des manifestants d'autres villes françaises. Selon le premier décompte du ministère de l'Intérieur à 14h00, environ sept mille manifestants ont investi les rues de la capitale où des casseurs s'en sont violemment pris à des voitures banalisées de la police, avec des coups de pieds et lançant en leur direction des panneaux de circulation. Des barricades ont été érigées par les manifestants et les forces de sécurité ont fait usage de gaz lacrymogènes et de canon à eau, auxquels les manifestants ont riposté en lançant des pavés arrachés de la chaussée. Au niveau des Champs-Elysées, plusieurs boutiques ont été pillées comme celles d'Hugo Boss, Lacoste et Nespresso. Le restaurant le Fouquet's, inscrit à l'inventaire des monuments historiques, a été vandalisé et saccagé. Un immeuble, à proximité d'un établissement banquier, a pris feu et on déplore jusqu'à présent 11 blessés légers. La préfecture de Paris a annoncé en début d'après-midi l'interpellation de 94 personnes depuis le début de la journée, indiquant que parmi les manifestants il y plus de 1.500 ultra-violents qui sont venus pour casser. Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a dénoncé l'action de "professionnels de la casse et du désordre" et demandé au préfet de police d'y répondre "avec la plus grande fermeté". "Aucun doute permis : ils appellent à la violence et sont là pour semer le chaos à Paris. Des professionnels de la casse et du désordre équipés et masqués ont infiltré les cortèges", a écrit le ministre sur son compte Twitter. Ce regain de violence intervient au lendemain de la fin du "grand débat national" engagé par le président Emmanuel Macron, une journée que les "gilets jaunes" ont voulu lui faire un "ultimatum". Chez les manifestants, le sentiment de colère est toujours vivace et on n'hésite pas de qualifier le "grand débat national", de "mascarade". Un débat, lancé le 15 janvier dernier, qui a pris fin vendredi, à travers des réunions - Emmanuel Macron a participé à onze rencontres -, des cahiers de doléances et une plateforme en ligne. Certains médias l'ont même qualifié de "psychanalyse collective vouée à l'échec", expliquant que les fractures de la société française sont "trop profondes". Par ailleurs, le mouvement des "gilets jaunes" a organisé, comme chaque samedi, plusieurs manifestations dans plusieurs villes de France, à Besançon, Lille, Rouen, Bordeaux, Lyon, Marseille, Toulouse, Montpellier, au moment où le soutien des Français s'érode. Alors que les Français qui soutenaient le mouvement étaient majoritaires, ils sont actuellement 49 % selon un dernier sondage. Par ailleurs, même si le nombre des manifestants est en baisse, la mobilisation reste vive et les "gilets jaunes" ne se désarment pas.
Regain de violences Les incidents les plus impressionnants se sont concentrés dans la capitale, point de rendez-vous stratégique de la plupart des manifestants, et non dans les grandes villes de province comme c'était parfois le cas ces dernières semaines. En début d'après-midi, le ministère de l'Intérieur a recensé 14.500 participants, soit deux fois plus que le 9 mars à la même heure, dont 10.000 à Paris. Parmi ces manifestants, figuraient "quelques milliers de casseurs (qui) sont venus à Paris pour en découdre avec les forces de l'ordre, avec les symboles de l'Etat, avec la propriété privée, avec la démocratie", a déclaré le Premier ministre, Edouard Philippe, qui s'est rendu auprès des forces de l'ordre, non loin des lieux de heurts. "C'est inacceptable", a-t-il dit. "Tous ceux qui excusent ou qui encouragent" les violences "s'en rendent complices", a encore déclaré le chef du gouvernement, sans dire à qui s'adressait cette remarque.
À Paris, 151 personnes interpellées Les forces de l'ordre ont fait usage, par endroit, de gaz lacrymogène et de canons à eau pour maintenir les manifestants à distance. A Paris, 151 personnes été interpellées, selon un décompte donné à 17h40 (16h40 GMT) par la préfecture de police. De nombreux "Gilets jaunes" se sont joints aux quelques dizaines de milliers de manifestants de la "Marche du siècle" en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique, qui s'est déroulée parallèlement dans une atmosphère bon enfant. Les chefs de file de facto de la contestation, qui entre dans son cinquième mois, avaient appelé ces derniers jours à "une mobilisation monstre" à Paris. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, Eric Drouet, figure de la frange la plus radicale, a exhorté les "Gilets jaunes" à mener à l'avenir des actions d'un nouveau genre, sans dire exactement sous quelle forme, les manifestations traditionnelles ayant selon lui fait la preuve de leur échec. Ces dernières semaines, la tendance était à la décrue. Le 9 mars, 28.600 personnes sont descendues dans la rue dans toute la France dont 3.000 à Paris, selon les autorités, soit le total le plus faible depuis le 17 novembre. Ce 18e samedi consécutif de mobilisation coïncide avec la fin des deux mois de "grand débat national", un exercice inédit imaginé par l'exécutif comme une réponse au malaise exprimé lors de cette crise.