Dédié à Ali Zaâmoum, le film, nous dit-on, est un clin d'oeil à la vie de Matoub Lounès. «Je voudrais profiter de cette occasion pour vous faire remarquer une heureuse coïncidence. Un film ce soir va naître sur les écrans en même temps qu'on annonce la naissance du Cnca. Espérons donc que le cinéma algérien va renaître de ses cendres. Je crois que le cinéma algérien a vécu ces dernières années le sort de Si Mohand U M'hand, les cinéastes ne sachant plus à quel saint se vouer. Si certains ont continué malgré tout à croire en leurs rêves, d'autres laminés par l'absence de structure à même de faire évaluer le secteur, ont perdu espoir... J'espère que le film sera à la hauteur du personnage». C'est par ces mots circonstanciels que le réalisateur Rachid Benallal a marqué l'entame de l'avant-première du film qui a fait tant couler d'encre, Si Mohand U M'hand. Une cérémonie qui a drainé une foule de personnalités du monde cinématographique et qui s'est déroulée en présence d'une vingtaine de personnes sur les planches de la salle Ibn Zeydoun entre l'équipe technique et artistique. Retraçant la vie et l'oeuvre de ce poète «insoumis», il nous est révélé à l'écran la légende populaire selon laquelle Si Mohand U M'hand est né d'un pacte avec un ange. «Parle et je ferai les vers, on fait les vers et je parlerai». «Je parlerai», répondit le poète. Inspiré du livre de Younès Adli, Si Mohand U M'hand, errance et révolte, le film est aussi l'oeuvre du coréalisateur et concepteur du scénario et dialogue, Liazid Khodja qui affirme en avoir fait «une version partielle et subjective car l'envergure de Si Mohand U M'hand nécessiterait plusieurs films...». Evoquant le portrait de Si Mohand U M'hand, le poète kabyle de la fin du siècle dernier qui aura connu un destin tragique, marqué du sceau de l'errance et de la révolte, Liazid Khodja le qualifiera d'«observateur aigu de ses citoyens. Il a dénoncé toutes les tares des autres». Et d'ajouter: «C'était un insoumis car il refusait de se soumettre aux nouvelles règles de la colonisation. Le texte m'a beaucoup plu car il me permet aujourd'hui d'embrayer, en faisant un clin d'oeil à Matoub». Une coproduction algéro-franco-marocaine, ce film qui a bénéficié entre autres de l'aide financière de la FAF de l'ordre de sept millions de dinars - soutien controversé - est également dédié à Da Ali Zaâmoum. Incarné d'abord par le jeune Fodhil Hamla, ensuite par Dahmane Aïdrons, le barde de la culture kabyle apparaît à l'écran comme un poète écorché, éprouvé par le temps ne cessant d'errer dans son Algérie en clamant «je suis étranger dans ma terre!». Il exprimait ainsi le drame d'un pays profondément mis à mal par la conquête coloniale. Bercé par la musique de Mohamed Guechoud, le film privilégie les décors naturels en pleine montagne à Tizi Ouzou ou au bord de la mer, à l'image d'Azzeffoun. Les décors étant signés Mustapha Flici, l'espace est rehaussé par la lumière d'un Allel Yahiaoui. Né en 1850 dans la Kabylie, à Tawrit-Timimoun, Si Mohand U M'hand mourut en 1906 alors que la colonisation triomphante s'étendait à tout le pays. Errant d'une région à une autre, notamment à Annaba ou partant en Tunisie revoir sa famille, «l'indiscipliné» trouvera son exil dans la boisson, l'amour et le kif. Mais par-dessus tout, sa vie fut jalonnée de poésies, traduisant ce qu'il y avait au plus profond de son coeur, des coeurs des autres...Le film sera projeté aujourd'hui à 15 heures dans les salles de cinéma, à Béjaïa et Tizi Ouzou. En présence des comédiens et du staff technique, Rachid Benallal expliquera hier lors d'un point de presse le choix des poèmes par la contrainte horaire. «Nous avons tenté de montrer une facette de ce personnage. Notre appréhension était de comment parler de poésie à travers le cinéma. Notre but était de faire rayonner sa poésie et la rehausser au titre de poète universel comme Verlaine». Ayant connu des déboires, ce film qui date de 1994 a connu maintes «turbulences» liées notamment au refus du commissariat de l'Année de l'Algérie en France de soutenir ce film. A propos du différend qui a opposé le producteur Liazid Khodja à Younès Adli, Khodja dira qu'il regrette qu'Adli ait jugé ou a cru devoir étaler leur problème sur la place publique. «La vision que j'ai donnée de Si Mhand U Mhand est la mienne, je tenais à la faire prévaloir. C'est ma lecture et ma responsabilité». Ce film, nous indique-t-on, a eu comme référence, principalement le premier recueil de poèmes de Boulifa et le travail de Mammeri. Le devenir commercial du film prendra acte, nous apprend-on, après le mois de Ramadan et notamment dans les différentes villes du pays. Et Liazid Khodja de conclure: «Ce qui m'intéressait c'est la fluidité du récit partant d'une contribution à la langue et d'un combat pour l'amazighité.»