Les autorités marocaines se servent d'une loi visant à prévenir l'usurpation de fonction pour attaquer pénalement ceux qui tentent de dénoncer des violations des droits humains, a dénoncé jeudi Human Rights Watch (HRW). Dans la dernière affaire en date, Nezha Khalidi, affiliée au groupe d'activistes Equipe Media à Laayoune au Sahara occidental, sera jugée le 20 mai, après avoir été accusée de ne pas remplir les conditions requises pour affirmer être journaliste. La police l'a arrêtée le 4 décembre 2018, alors qu'elle diffusait, en direct sur Facebook, une scène de rue au Sahara occidental occupé tout en dénonçant la "répression marocaine". Elle risque deux ans de prison, selon l'ONG américaine. Nezha Khalidi a été libérée après quatre heures de détention, mais la police lui a confisqué le smartphone sur lequel elle avait filmé et enregistré une scène de rue, qui s'est terminée par un policier la pourchassant. Khalidi avait également été arrêtée en 2016, alors qu'elle couvrait une manifestation de femmes à Laayoune, dans les territoires occupés, pour le compte d'Equipe Media, un collectif de militants qui adhèrent ouvertement à la cause de l'autodétermination du Sahara occidental. "Rabat considère le territoire comme 'marocain' et refuse tout référendum d'autodétermination qui offrirait l'indépendance pour option. La communauté internationale ne reconnaît pas l'annexion de facto du Sahara occidental par le Maroc", rappelle à ce titre l'ONG. Eric Goldstein, Directeur adjoint Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch soutient que " ceux qui s'expriment pacifiquement ne devraient jamais craindre la prison pour avoir (prétendu) être des journalistes". L'article 381 du code pénal marocain interdit à quiconque, sans remplir les conditions exigées pour le porter, de faire usage ou de se réclamer "d'un titre attaché à une profession légalement réglementée (...) ou d'une qualité dont les conditions d'attribution sont fixées par l'autorité publique" et punit les contrevenants d'une peine d'emprisonnement de trois mois à deux ans. "Cet article quand il est invoqué pour restreindre le journalisme, est incompatible avec l'obligation du Maroc de respecter le droit garanti par le droit international relatif aux droits humains de rechercher, recevoir et communiquer informations et idées", affirme HRW. L'ONG appelle le parlement marocain à amender cet article pour exclure le journalisme de son champ d'application et garantir le droit de communiquer librement. Dans une autre affaire, en avril 2019, la Cour d'appel de Casablanca a confirmé la condamnation d'au moins deux journalistes pour usurpation du titre de journaliste (entre autres chefs d'accusation). La condamnation est intervenue après qu'ils aient diffusé des vidéos de manifestations dans la région du Rif, dans le nord du Maroc, a déclaré leur avocate Bouchra Rouissi à l'ONG américaine. Le tribunal a condamné Mohamed El Asrihi, le directeur du site web d'informations Rif 24, et Fouad Essaidi, l'administrateur de la page Facebook Awar TV, respectivement à cinq ans et trois ans de prison. El Asrihi et Essaidi n'avaient pas d'accréditations officielles en tant que journalistes ou une carte de presse et leurs plateformes n'étaient pas officiellement enregistrées. Selon un document judiciaire consulté par HRW, El Asrihi était en train de demander une carte de presse et d'enregistrer son site Web lorsqu'il a été arrêté. Rouissi a déclaré que son arrestation était intervenue peu après avoir filmé une tentative d'arrestation de Nasser Zefzafi, leader du mouvement protestataire, en mai 2017.