La persistance de tensions commerciales a cassé l'élan de la croissance économique mondiale qui devrait rester médiocre cette année, souligne l'OCDE en appelant les gouvernements à mettre en œuvre d'urgence des politiques plus coopératives. Dans ses perspectives économiques mondiales de printemps publiées mardi, l'Organisation de coopération et développement économiques n'anticipe plus que 3,2% de croissance dans le monde cette année, soit le rythme le plus faible depuis la période fin 2015-début 2016 et 0,1 point de moins que dans ses précédentes prévisions, début mars. Le rebond anticipé pour 2020, confirmé à +3,4%, serait d'ampleur limitée. L'OCDE table dans le même temps sur une croissance des échanges commerciaux qui tomberait à 2,1% cette année, son plus faible niveau depuis la crise et près de moitié moins qu'en 2018 (+3,9%), avant une remontée à +3,1% en 2020. Le scénario privilégié par les économistes de l'organisation est plus sombre que celui du FMI, qui table sur 3,3% de croissance en 2019 puis 3,6% en 2020, sur la base d'un commerce mondial en valeur qui progresserait de 3,4% cette année puis de 3,9% l'an prochain. Les Etats-Unis viennent tout juste de relever les droits de douane sur 200 milliards de dollars de produits chinois, amenant Pékin à riposter avec une hausse des taxes visant 60 milliards de produits américains importés programmée pour le 1er juin. L'OCDE estime que la guerre commerciale entamée l'an passé entre les deux pays leur coûtera déjà 0,2 à 0,3 point de croissance chacun en moyenne d'ici 2021-2022, un impact qui pourrait doubler - et qui n'est pas pris en compte dans les dernières prévisions - s'ils ne reviennent pas sur les nouvelles mesures récemment annoncées.
Allemagne et Italie pénalisées Dans l'immédiat, l'économie américaine tire son épingle du jeu avec une croissance qui atteindrait encore 2,8% cette année, soit à peine moins qu'en 2018 (2,9%) et 0,2 point de plus que l'organisation ne l'escomptait en mars, à la faveur d'un début 2019 plus robuste que prévu. Pour 2020, année où l'effet des baisses d'impôt massives de l'administration Trump s'atténuera, la révision est de +0,1 point, à 2,3%. L'OCDE est un peu moins pessimiste pour la zone euro, dont elle relève de 0,2 point les perspectives de croissance à 1,2% cette année puis 1,4% l'an prochain, malgré les difficultés de l'Allemagne. Elle n'attend toujours que 0,7% de croissance en 2019 pour la première économie de la zone, touchée de plein fouet par le ralentissement des échanges. Autre pays très exposé au commerce extérieur, l'Italie échapperait de justesse à une récession, avec une croissance nulle, alors que les prévisions pour la France sont confirmées à 1,3% pour 2019 comme pour 2020. Les anticipations pour le Royaume-Uni sont rehaussées de 0,4 point pour 2019 et 0,1 point pour 2020, à respectivement 1,2% et 1,0%, sous réserve cependant d'un "Brexit" sans accroc qui s'accompagnerait d'une période de transition allant jusque fin 2020. Dans le cas contraire, "les perspectives seraient significativement plus faibles", avertit l'OCDE. S'agissant de la Chine, elle ne change rien à ses prévisions de ralentissement de la croissance pour 2019 (+6,2%) comme 2020 (+6,0%) mais celles-ci reposent sur l'hypothèse que le plan de relance actuellement mis en œuvre par Pékin permettra de contrebalancer les effets des tensions commerciales avec Washington et de la faiblesse de la demande intérieure.
Le risque chinois persiste L'organisation constate l'émergence de certains signes montrant que le rythme de la croissance chinoise est en voie de stabilisation mais juge aussi que le risque que les mesures de soutien adoptées soient insuffisantes ou moins efficaces qu'attendu est toujours là. L'ensemble de ces incertitudes pèsent sur la confiance des acteurs économiques et, partant, sur l'investissement, ce qui aura des conséquences sur la croissance future, redoute l'OCDE. Elle s'inquiète aussi du fait que, si la bonne santé du secteur des services permet d'assurer aujourd'hui l'essentiel de la croissance, il est "peu probable" que son découplage vis-à-vis du secteur manufacturier mal en point "dure longtemps". La hausse rapide de l'endettement du secteur privé dans les grandes économies est un autre sujet de préoccupation pour l'OCDE, qui presse les gouvernements d'utiliser tous les outils à leur disposition, y compris l'arme budgétaire pour ceux qui peuvent se le permettre, pour favoriser la croissance. Et surtout, Laurence Boone, sa cheffe économiste, estime qu'il est "impératif de relancer des négociations commerciales multilatérales" sur la base d'un diagnostic commun des enjeux qui prenne en compte l'interdépendance des économies avec des chaînes de production qui dépassent les frontières.