Fiat Chrysler Automobiles (FCA) a annoncé mercredi soir contre toute attente le retrait immédiat de son offre de fusion à 30 milliards d'euros avec Renault, accusant les conditions politiques en France d'avoir compromis un projet qui aurait donné naissance au troisième constructeur automobile mondial. FCA a pris cette décision après que l'Etat français a demandé que le conseil d'administration de Renault, réuni mardi trois heures durant, puis mercredi pendant six heures, dispose d'un délai additionnel de cinq jours pour se prononcer afin d'obtenir le soutien explicite de son partenaire japonais Nissan. L'Etat français, principal actionnaire de Renault avec 15% du capital, a cherché également à obtenir des garanties sur l'emploi en France et le versement de dividendes aux actionnaires du groupe français, ont déclaré des sources informées des discussions. Dans un communiqué diffusé jeudi matin, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a pris acte de cette décision de FCA, affirmant que l'Etat s'était montré dès le départ ouvert à cette offre, même s'il avait fixé ses conditions. Gérard Darmanin, le ministre de l'Action et des Comptes publics, a pour sa part estimé que les discussions pourraient reprendre à l'avenir avec FCA, si les conditions étaient réunies. Après avoir appris que le conseil de Renault n'avait pas encore tranché, celui de Fiat Chrysler, réuni sous la présidence de John Elkann, a décidé de retirer dans la nuit, avec effet immédiat, l'offre qu'il avait déposée neuf jours plus tôt. "Il est devenu clair que les conditions politiques en France ne sont actuellement pas réunies pour qu'une telle combinaison voie le jour avec succès", a déclaré Fiat Chrysler dans un communiqué. "La raison pour laquelle ce deal ne s'est pas fait est liée a la préservation de l'alliance entre Renault et Nissan. Donc ça n'a rien a voir avec la participation de l'Etat français, ça n'a rien a voir avec des interventions politiques", a répondu jeudi une source de Bercy. L'échec de ce projet pèse sur le titre Renault, qui, à 14h10, perd 6,6% à Paris, accusant la deuxième plus forte baisse de l'indice Stoxx 600. En revanche, après avoir perdu jusqu'à près de 4% en début de séance à Milan, l'action FCA reprend 0,72%. Entre l'annonce officielle par FCA de son projet fusion, le 27 mai avant l'ouverture de la Bourse, et le cours de clôture de mercredi, les deux valeur ont gagné respectivement 12% et 2%. Le titre PSA, qui avait pâti de ces annonces, reprend en revanche des couleurs (+1,9903%).
FCA dit vouloir poursuivre sa stratégie Dans un communiqué, Renault exprime sa déception de ne pouvoir approfondir la proposition de FCA et remercie le groupe américano-italien de ses efforts, ainsi que les membres du conseil d'administration pour leur confiance. Le groupe au losange se dit également "reconnaissant de l'approche constructive adoptée par Nissan", ajoutant que cette offre souligne l'attractivité de Renault et de l'Alliance avec le groupe japonais. Cet échec dans les discussions laisse toutefois Renault et Fiat Chrysler face au désarroi des investisseurs et à de nombreuses questions, notamment sur les moyens de supporter les importants investissements nécessaires pour répondre aux ruptures technologiques de l'électrification et de la voiture autonome. Fiat Chrysler, qui a aussi eu récemment des discussions avec PSA, lesquelles n'ont pas abouti non plus, a ajouté qu'il poursuivrait son chemin en appliquant sa stratégie indépendante actuelle. "FCA reste fermement convaincu de la logique évidente et transformante d'une proposition qui a été largement saluée depuis qu'elle a été soumise", a dit le constructeur italo-américain dans un communiqué. La relation particulière entre Renault et Nissan apparaissait, dès le début des discussions, comme un possible obstacle à la fusion entre FCA et le constructeur français. Selon des sources proches du dossier, les dirigeants de Nissan se sentaient laissés à l'écart du projet. Le directeur général de la firme japonaise, Hiroto Saikawa, n'avait pas fait d'objection à une fusion Renault-FCA mais avait prévenu que celle-ci "modifierait de manière significative la structure" du partenariat avec Renault et "nécessiterait une revue fondamentale des liens actuels" entre les deux alliés. Nissan a refusé de faire un commentaire.
Abstention de Nissan Il s'agit d'un nouveau coup rude pour Renault, après l'affaire Carlos Ghosn, et d'un revers pour son successeur à la présidence du constructeur français, Jean-Dominique Senard, qui s'est grandement investi dans le projet avec Fiat Chrysler et s'était rendu la semaine dernière au Japon afin d'en plaider les bénéfices auprès des dirigeants de Nissan et de son autre partenaire japonais, Mitsubishi. Avant la réunion du conseil d'administration de Renault mercredi soir à Paris, il semblait pourtant que Jean-Dominique Senard, John Elkann et les représentants de l'Etat français avaient résolu leurs principaux points de désaccord. Selon une source proche de Renault, la majorité des administrateurs étaient favorables au projet avec Fiat, à l'exception du représentant de la CGT qui s'est prononcé contre et des deux administrateurs représentant Nissan qui ont décidé de s'abstenir. Martin Vial, administrateur de Renault, a déclaré que Bruno Le Maire avait prévu de rencontrer des responsables japonais en fin de semaine en marge du G20 au Japon et qu'un vote aurait pu ensuite avoir lieu mardi. FCA a été vu par les représentants français comme trop pressé de sceller un accord, alors que ceux-ci ont suggéré qu'il n'y avait aucune raison de brusquer les choses. Bruno Le Maire avait fixé comme conditions au rapprochement, que la France obtienne des garanties sur l'emploi, le maintien d'un siège opérationnel en France et la gouvernance, qu'il s'inscrive dans le cadre de l'alliance avec Nissan et que la future entité soutienne le projet européen de batteries.
Paris refuse toute précipitation dans la discussion Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a mis en garde mercredi contre toute précipitation dans les discussions sur le projet de fusion de 30 milliards d'euros entre Fiat Chrysler Automobiles (FCA) et Renault, qui doivent se poursuivre dans la soirée. Après trois heures de réunion, le conseil d'administration du constructeur automobile français avait ajourné la veille ses travaux, qui reprendront en fin d'après-midi. "Le conseil d'administration a décidé de continuer d'étudier avec intérêt l'opportunité d'un tel rapprochement et de prolonger les échanges sur ce sujet", a-t-il déclaré dans un communiqué. Parmi les sujets sur lesquels l'Etat français, principal actionnaire de Renault avec 15% du capital, estime ne pas avoir eu des garanties suffisantes, figure le maintien des sites industriels en France. "Nous sommes en train de (...) construire (ces garanties), mais ça prend du temps, prenons le temps nécessaire", a déclaré le ministre de l'Economie sur BFM TV. "C'est une opération de grande ampleur, qui vise à créer un champion mondial de l'automobile, pas de précipitation !" Bruno Le Maire a estimé que l'Etat n'avait pas encore assez de garanties sur la présence à Paris d'un siège opérationnel régional pour le futur ensemble, précisant que les discussions continuaient sur ce sujet, tout comme sur celui de la gouvernance du nouveau groupe. A 11h22, le titre Renault progressait en Bourse de 0,16% à 56,66 euros tandis que celui de FCA reculait de 0,41% à 11,76 euros.
Plusieurs compromis Trois sources avaient indiqué mardi à Reuters que FCA et l'Etat français avaient résolu plusieurs points de désaccord en amont du conseil d'administration de Renault. Le compromis trouvé sur l'influence de Paris sur le futur FCA-Renault pourrait ouvrir la voie à l'approbation par le conseil du constructeur au losange d'un accord-cadre, point de départ du long processus qui doit conduire à la fusion entre les deux groupes, sans doute pas avant 2020. FCA a présenté il y a neuf jours à Renault un projet de fusion à 50-50 qui donnerait naissance à un nouveau géant du secteur mieux armé face aux défis technologiques auxquels l'industrie automobile est aujourd'hui confrontée. Le mariage passerait par le rachat des deux constructeurs par une société holding basée à Amsterdam (Pays-Bas), après le versement d'un dividende exceptionnel de 2,5 milliards d'euros aux actionnaires de FCA. Mais face aux critiques d'analystes financiers et de dirigeants français d'entreprises, qui déploraient que l'accord initial sous-évalue Renault et sa participation de 43,4% dans Nissan, la France a bataillé pour en améliorer les termes. Le projet d'accord inclut désormais un dividende exceptionnel de l'ordre de 250 à 500 millions d'euros pour les actionnaires de Renault, ont dit deux sources à Reuters. Selon les "principes généraux d'organisation" vus par Reuters, le bureau du directeur général du nouveau groupe, et le siège de lé région Europe, Moyen-Orient et Afrique, seraient bien situés à Paris.
L'ombre de GE Belfort Le gouvernement français tire ainsi les leçons de l'affaire General Electric, qui projette de supprimer un millier de postes à Belfort alors qu'il s'était engagé à préserver l'emploi lors du rachat de la division énergie d'Alstom en 2015. L'Etat a également milité pour avoir son propre siège au conseil d'administration et un droit de veto sur la nomination des futurs directeurs généraux afin de veiller au respect des engagements. "Après le désordre sur GE, le gouvernement était déterminé à obtenir des accords contraignants sur l'emploi", a indiqué une source proche de Renault. "Et ils vont les avoir, l'Etat s'est bien fait entendre." Ses représentants ont accepté mardi un compromis selon lequel il occuperait un des quatre sièges alloués à Renault, FCA en disposant pour sa part de quatre, ont dit trois sources. Selon elles, Renault cédera également à l'Etat un des deux sièges dont il disposera au sein d'un comité de nominations composé de quatre membres, pour peser sur le choix des futurs directeurs généraux. En revanche, FCA refuse la règle du vote à l'unanimité réclamé par Paris. Jean-Dominique Senard, président de Renault, est pressenti pour devenir le premier patron opérationnel du nouvel ensemble, tandis que John Elkann, président de FCA, serait le président du nouveau groupe. Avec cette répartition des sièges, l'Etat français aurait son mot à dire sur le choix du successeur de Jean-Dominique Senard, aujourd'hui âgé de 66 ans. Bruno Le Maire a insisté à nouveau mercredi pour que le rapprochement entre FCA et Renault préserve l'alliance entre le groupe français et le japonais Nissan, ébranlée par la disgrâce de son homme fort Carlos Ghosn. Le conseil d'administration de Renault a préconisé mercredi des actions en justice conjointes avec Nissan aux Pays-Bas, siège de l'entité RNBV, un audit ayant épinglé 11 millions d'euros de dépenses suspectes. Le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa, a prévenu cette semaine qu'une fusion FCA-Renault - sur laquelle les deux représentants de Nissan au conseil d'administration du groupe français pourraient s'abstenir - entraînerait un "réexamen fondamental" des relations entre Renault et Nissan. Autre casse-tête en perspective, la capacité de générer réellement les cinq milliards d'euros de synergies promises entre FCA et Renault dépendra en grande partie de l'accès à des technologies détenues conjointement par Renault et son allié japonais. Selon une source proche des discussions, FCA et Renault comptent soumettre leur projet de mariage à leurs actionnaires respectifs au premier trimestre 2020.
Le Maire refuse toute précipitation Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a mis en garde mercredi contre toute précipitation sur le projet de fusion entre Fiat Chrysler et Renault et souligné que l'Etat français n'avait pas encore obtenu toutes les garanties demandées sur les sites industriels, la présence d'un siège opérationnel en France et l'équilibre de la gouvernance. "Nous sommes en train de les construire, mais ça prend du temps, prenons le temps nécessaire", a-t-il déclaré sur BFM TV en réponse à une question sur les engagements sur l'emploi. "Prenons le temps pour faire les choses bien, c'est une opération de grande ampleur, qui vise à créer un champion mondial de l'automobile, pas de précipitation." Le conseil d'administration de Renault n'a pas terminé mardi soir l'examen du projet présenté par FCA et a ajourné à mercredi sa réunion. Bruno Le Maire a indiqué que l'Etat, qui détient 15% de Renault, n'avait pas encore de garantie sur la présence à Paris d'un siège opérationnel régional pour le futur ensemble et que les discussions continuaient sur ce sujet, tout comme sur celui de la gouvernance future du nouveau groupe.