Deutsche Bank a commencé lundi à supprimer des postes à travers le monde dans le cadre de sa vaste restructuration annoncée la veille mais l'ampleur de ce plan, qui devrait se traduire par une nouvelle perte annuelle pour la première banque d'Allemagne, inquiète les investisseurs qui ont fait chuter le titre de plus de 5% à la Bourse de Francfort. Le groupe bancaire a annoncé dimanche qu'il allait supprimer 18.000 emplois, renoncer à son activité sur les marchés actions et réduire ses opérations dans la banque d'investissement et sur le marché obligataire. Cette restructuration lui coûtera 7,4 milliards d'euros. Deutsche bank, qui emploie près de 91.500 personnes dans le monde, a immédiatement commencé lundi à licencier des équipes entières en Asie et annoncé le départ de Jason Cox, le patron de sa division marchés actions en Asie-Pacifique. De Sydney à New York en passant par Londres, des employés ont été convoqués par leur direction pour apprendre qu'ils étaient limogés. L'action Deutsche Bank, qui a pris jusqu'à 3,7% en matinée, s'est ensuite retournée à la baisse et a clôturé en repli de 5,39% à 6,788 euros après avoir un temps perdu plus de 7% dans l'après-midi. Le directeur financier, James von Moltke, a déclaré que le groupe avait pour objectif de rentabiliser ses activités voire de réaliser un bénéfice en 2020 mais qu'il y avait "une incertitude importante dans ces prévisions", ce qui a jeté un froid sur les marchés. Deutsche bank avait déjà fait savoir qu'elle prévoyait de subir une perte cette année en raison de son plan de restructuration. Lors d'une présentation de cette réorganisation à des analystes, Christian Sewing, le président du directoire, s'est engagé lundi à investir un "montant substantiel" de sa rémunération fixe en actions Deutsche Bank. Devant la presse, il a déclaré dans les locaux de la banque à Londres, où de nombreuses suppressions de postes sont attendues, qu'il s'agissait de "réinventer" Deutsche Bank, qui, en cas de perte en 2019, aura fini dans le rouge quatre de ses cinq derniers exercices.
"Manœuvre risquée" RBC, JPMorgan et Berenberg estiment que ce plan de restructuration est "plus radical" que les précédents. Ils relèvent que le groupe abandonne ses activités de banque d'investissement pour se concentrer à nouveau sur la clientèle professionnelle tout en conservant une activité dans l'obligataire. L'activité de banque d'investissement génère environ la moitié du chiffre d'affaires de Deutsche Bank mais ses revenus devraient tomber à 12,4 milliards d'euros cette année, selon un consensus d'analystes réalisé avant les annonces de dimanche, soit un recul de plus de 30% depuis 2015 et une quatrième année consécutive de baisse. JPMorgan, neutre sur le titre, relève qu'il reste à voir l'exécution du plan, la croissance des revenus et la motivation des personnels après la restructuration. Pour Berenberg, à "vendre" sur la valeur, cette stratégie comporte un risque d'exécution important et laisse peu de marge de manoeuvre en termes de fonds propres. Le groupe reste exposé à la dégradation du secteur de la banque d'investissement, ajoute-t-il. Citi, à "vendre" sur le titre, estime que l'absence d'augmentation de capital pour financer le plan "pourrait s'avérer optimiste". L'agence de notation Moody's a expliqué qu'elle maintenait sa perspective négative sur Deutsche Bank car le groupe est confronté à "d'importants défis" pour exécuter son plan rapidement. "C'est une manoeuvre risquée mais, si elle réussit, elle aura le potentiel de remettre la banque sur la bonne voie", a commenté une source proche de l'un des 10 plus grands actionnaires de Deutsche Bank. La banque n'a pas détaillé la ventilation géographique des suppressions de postes, dont la plupart sont cependant attendues en Europe et aux Etats-Unis. Une porte-parole n'a pas voulu donner de détails mais a déclaré que la banque serait "aussi réceptive que possible pour mettre en oeuvre ces changements". "Nous créons une banque qui sera plus rentable, amincie, plus innovante et plus résistante", a écrit Christian Sewing dans une lettre adressée dimanche aux personnels du groupe.
Tailler dans le banque d'investissement Deutsche Bank devrait annoncer dans les jours à venir un vaste plan de restructuration, d'un coût de plusieurs milliards d'euros, qui affectera au premier chef les activités de banque d'investissement, ont dit mercredi des sources du dossier. L'un d'entre elles a précisé que cette réorganisation de grande ampleur pourrait coûter jusqu'à cinq milliards d'euros à la première banque allemande, fragilisée depuis la crise financière de 2007-2009. En mai, le président du directoire de Deutsche Bank Christian Sewing a annoncé le principe d'une vaste restructuration, après l'échec des négociations de fusion avec Commerzbank, en promettant aux actionnaires des "réductions drastiques" dans la banque d'investissement. Le plan sera présenté dimanche au conseil de surveillance et prévoit de supprimer entre 15.000 et 20.000 postes, ce qui représente plus d'un cinquième de ses effectifs, avait rapporté Reuters et d'autres médias fin juin. L'essentiel de ces réductions d'effectifs interviendra en dehors de l'Allemagne, a dit une des sources, puisque le plan vise surtout la banque d'investissement, désormais considérée comme le talon d'Achille de Deutsche Bank. Et en s'attaquant à ce segment d'activité, qui représente encore environ la moitié des revenus de la banque, cette dernière accepte enfin qu'elle ne peut plus rivaliser avec les plus grands noms de Wall Street tels que Goldman Sachs et JP Morgan Chase. "Christian Sewing veut vraiment déplacer le curseur", a dit une autre source, ajoutant que l'ampleur du coût de restructuration allait vraisemblablement faire basculer dans le rouge les comptes de l'ensemble de 2019. Cela voudra que Deutsche Bank aura affiché une perte sur quatre des cinq dernières années.
Le titre est tombé à un plus bas record début juin Mais les dirigeants de Deutsche Bank et les investisseurs espèrent que cette restructuration, quel qu'en soit le coût, sera suffisamment radicale pour enfin sortir de l'ornière Deutsche Bank, dont l'action est tombée début juin à un plus bas record de 5,801 euros. Cette dernière a terminé mercredi sur une hausse de 2,67%, à 6,932 euros, ce qui ramène son recul depuis le début de l'année à 0,5% après une chute de 56,1% en 2018 et respectivement +3,2% et -28% pour l'indice regroupant les valeurs bancaires européennes. Un porte-parole de Deutsche n'a pas souhaité faire de commentaire sur le coût attendu de la restructuration. La banque a dit qu'elle prenait des mesures pour accélérer sa transformation afin d'améliorer sa rentabilité durable. "Nous tiendrons au courant toutes les parties prenantes si et quand nécessaire", a déclaré la banque. Parmi d'autres mesures de réorganisation figurent la possibilité de diminuer le nombre de postes du directoire, actuellement de neuf, et la mise sur pied d'une structure de défaisance ("bad bank") pour y transférer des dizaines de milliards d'actifs jugés non-stratégiques. Fondée en 1870, Deutsche Bank est depuis ses débuts une source par défaut de prêts et de conseils pour les entreprises allemandes souhaitant se développer à l'international ou lever des fonds sur les marchés actions et obligataire, un rôle qui a toujours été tacitement favorisé par l'Etat allemand. Faire des coupes drastiques dans la banque d'investissement empêcherait Deutsche Bank de jouer pleinement ce rôle. Cela mettra également à des décennies d'expansion dans ce secteur, qui avait commencé avec le rachat de Morgan Grenfell, à Londres, en 1989 et s'était poursuivi dix ans plus tard avec l'acquisition de Bankers Trust à New York. Selon des analystes financiers, les revenus de la banque d'investissement devraient revenir à 12,4 milliards d'euros cette année, reculant pour la quatrième année de suite et accusant un repli de plus de 30% par rapport au total de 2015.