Le taux de refus de visas pour la France en 2018 était très élevé dans les consulats situés en Afrique, indique une enquête de Mediapart, précisant à titre d'exemples qu'il était de 36,3% à Dakar, de 30,5% à Abidjan et de 29,8% à N'Djamena. Jugeant les refus injustifiés, des Africains ont sollicité le tribunal administratif de Nantes. Le nombre de demandes de visas déposées par des citoyens africains pour la France et refusées a fortement augmenté ces dernières années, révèle une enquête publiée par le site d'information français Mediapart. Les motifs de refus avancés par les consulats français étant jugés "sans logique", certains demandeurs n'ont pas hésité à saisir le tribunal administratif de Nantes, où ils ont réussi à obtenir gain de cause. C'est le cas de Moni A Zock, une citoyenne camerounaise qui a rencontré Mediapart à Yaoundé. Elle a finalement obtenu son visa pour la France suite à une plainte déposée au tribunal administratif de Nantes, qui avait ordonné aux autorités consulaires françaises du Cameroun de lui délivrer un visa en urgence. "Si j'avais été américaine ou chinoise, les choses se seraient-elles passées de cette manière ?", s'est-elle interrogée, selon le média. Pour son avocate, Me Nadège Louafi Ryndina, cette affaire "s'inscrit parfaitement dans la tendance actuelle de la politique des visas: on est confronté à des décisions de plus en plus arbitraires, non basées sur des critères objectifs, surtout dans les consulats en Afrique". Par ailleurs, l'avocate a livré certains détails du dossier de sa cliente, affirmant que "ce dossier est très parlant: on refuse le visa à la dame, mais pas au monsieur [le mari, ndlr], alors qu'ils ont produit les mêmes justificatifs et alors que c'est elle qui apporte l'argent dans la famille, le monsieur étant à la retraite". "Cela montre l'absurdité de l'approche des consulats", a-t-elle poursuivi. De son côté, Samir Abi, responsable de l'Observatoire des migrations ouest-africaines, réseau composé d'organisations de la société civile basé au Togo, partage cette analyse. Selon lui, les motifs de refus concernant l'insuffisance de ressources financières ou de preuves attestant que la personne reviendra au Togo, sont rarement objectifs. "Des hommes ou femmes d'affaires ayant des comptes bien fournis et des sociétés bien établies se voient refuser le visa", a-t-il confié à Mediapart. Et d'ajouter qu'une partie des Togolais préfère aller au Bénin ou au Ghana voisins pour déposer une demande de visa dans le consulat d'autres pays européens non représentés chez eux et connus pour rendre des décisions moins arbitraires.
Les statistiques D'après Mediapart, La France est de loin le pays européen le plus sollicité en termes de demandes de visas. En effet, 3,3 millions de visas ont été accordés en 2018 par les consulats français, contre 2,4 millions en 2013. Dans le même temps, le taux de refus était de 15,7% en 2018, contre 9,7% en 2013, et il était souvent plus élevé dans les consulats situés en Afrique. Il était par exemple de 36,3% à Dakar, 30,5% à Abidjan, 29,8% à N'Djamena, a-t-il précisé.
L'explication officielle En 2015, en réponse à la crise migratoire qui a touché l'Europe, en général, et l'espace Schengen, en particulier, la France a durci ses conditions d'octroi de visas, sans pour autant viser un pays en particulier, a déclaré le 19 novembre 2018 Marc Sédille, consul général de France en Algérie, dans un entretien accordé au site d'information Tout Sur l'Algérie (TSA). Tout en soulignant que les nouvelles dispositions avaient été prises conjointement avec tous les pays de l'espace Schengen dans le but de renforcer le contrôle aux frontières et ce en imposant une liste commune de justificatifs pour la demande de visa, le consul général de France à Alger a déclaré que "tout ce qui a pu être mis en place précédemment, tous les dispositifs qui prévoyaient des assouplissements ont été balayés par ce renforcement du contrôle aux frontières extérieures, par ce renforcement du contrôle sur la délivrance des visas et par cette harmonisation de la politique des pays Schengen". "C'est une mesure globale déployée partout", a-t-il conclu.