Pour satisfaire son électorat et lutter contre l'épidémie, le budget prévoit des dépenses et des investissements à tout-va, loin de la rigueur traditionnelle prônée par le camp conservateur. " Ne le répétez pas trop fort, mais s'agit-il d'un gouvernement socialiste ? ", s'interrogeait ironiquement jeudi Matthew Lynn, un éditorialiste du Telegraph, quotidien proche de Boris Johnson. " Les Conservateurs, le vrai parti des travailleurs ! ", a osé mercredi le jeune ministre des Finances, Rishi Sunak, 39 ans, résumant devant le Parlement la nouvelle optique budgétaire du gouvernement. Son budget, qu'il présentait un mois après sa prise de fonction, prévoit en effet 30 milliards de livres (près de 34 millions d'euros) pour soutenir l'économie. Il promet aussi d'investir des centaines de milliards de livres dans les infrastructures au cours des prochaines années. Le très conservateur tabloïd Daily Mail s'est enthousiasmé, estimant que Rishi Sunak est " venu à la rescousse " du pays et le " vaccine contre le coronavirus ". Malgré les craintes de dérapage des finances publiques, le ministre des Finances, qui a défendu jeudi matin son budget sur les télévisions et radios, a fait valoir sur la BBC que le pays pouvait s'endetter à bas coût compte tenu de la faiblesse des taux d'intérêt. " Je ne vais pas m'excuser pour cette réponse d'ampleur face aux défis immédiats du coronavirus ", a-t-il martelé.
Soutenir une économie chancelante Cette crise sanitaire a contraint le gouvernement à débloquer davantage de milliards de livres pour donner une bouffée d'air frais à une économie déjà chancelante en raison des incertitudes liées au Brexit. Mercredi, le gouverneur de la Banque d'Angleterre avait, lui, décidé d'une baisse surprise du taux directeur britannique face à ce qu'il a qualifié de choc économique. Même avant l'apparition du coronavirus, le Premier ministre avait fait de la hausse des dépenses publiques, avec la mise en œuvre du Brexit, son principal argument de campagne pour les élections de décembre dernier. Cette stratégie a été payante puisque les conservateurs ont remporté le scrutin haut la main après avoir réalisé des percées dans les bastions travaillistes du centre et du nord de l'Angleterre. L'éditorialiste du Telegraph estime ainsi que le budget " a mis fin à 10 ans de contraintes et a engagé des dépenses telles qu'elles peuvent faire rougir Gordon Brown ", faisant référence à l'ancien ministre des Finances et Premier ministre travailliste.
Investir dans les services publics et les régions oubliées On est loin de la rigueur budgétaire et du libéralisme effréné incarné par Margaret Thatcher dans les années 1980. Boris Johnson investit des milliards dans les services publics et les régions longtemps oubliées au profit de Londres. Il veut par exemple moderniser les liaisons ferroviaires du nord de l'Angleterre et a donné son feu vert à la ligne de train à grande vitesse HS2 malgré son coût exorbitant. Le Premier ministre a surtout pour objectif de tourner le dos à la décennie qui a suivi la crise financière et de faire oublier la politique d'austérité menée alors par les précédents gouvernements conservateurs, que n'ont eu de cesse de fustiger les travaillistes de Jeremy Corbyn.