L'ancien président de la Banque centrale européenne, désormais libre de tout mandat, arrive en tête des derniers sondages de popularité en Italie alors que le pays traverse une des pires crises sanitaire et économique de son histoire. La politique aime les héros. Mario Draghi sera-t-il le sauveur de l'Italie? L'ancien patron de la Banque centrale européenne (BCE), qui a laissé sa place à Christine Lagarde en novembre dernier, fait désormais partie des hommes providentiels alors que la troisième économie de l'Union européenne se dirige vers une récession historique. Déjà très affaiblie par son immense dette, la péninsule pourrait voir son PIB reculer de 6% en 2020. "Malheureusement, les estimations sont réalistes" a ainsi déclaré le ministre de l'Economie Roberto Gualtieri. Si l'actuel gouvernement, concentré sur la situation sanitaire du pays, garde encore le soutien de sa population, l'après-crise pourrait déstabiliser la fragile coalition mise en place, il y a sept mois, entre le Mouvement 5 étoiles et le Parti démocrate.
Figure d'unité Confier les rênes du pays après la crise à Mario Draghi est une solution que la presse italienne relaie allègrement. Selon un sondage réalisé par l'institut SWG pour le média LA7, réalisé en début de semaine, 44% des Italiens souhaitent un gouvernement d'union nationale post-crise dirigé par l'ancien banquier, contre 31% qui s'y opposent (ont une partie plus par soutien à l'actuel président du Conseil Giuseppe Conte que par rejet de Mario Draghi). Cette étude fait suite à un autre sondage, réalisé une semaine auparavant, moins flatteur: seuls 22% des sondés étaient alors favorables au gouvernement d'union nationale présidée par Draghi. Faut-il y voir une évolution ou une simple disparité de résultats entre deux instituts? L'enquête réalisée par IXE pour la Rai 3 et publié jeudi dernier semble confirmer l'idée Draghi: 46% des personnes interrogées plaident pour cette option contre 29% qui y sont défavorables.
Un parcours pas si blanc Si Mario Draghi restera comme le président charismatique de la BCE, qui a su prendre les devants lors de la crise financière, l'ancien professeur d'université a aussi ses détracteurs. Patron du Trésor public, de 1991 à 2001, il est chargé des privatisations et d'une politique d'austérité qui lui vaut encore des critiques acerbes de la gauche. Surtout, son passage chez Goldman Sachs (2002-2005) reste polémique: il est accusé d'avoir aidé la Grèce à maquiller ses comptes pour permettre son entrée dans l'Union européenne, entraînant la crise de la zone euro en 2010. Expérience, réputation internationale et en phase avec les idées en vogue à la BCE et à la Commission européenne… L'ex-banquier coche néanmoins toutes les cases politiques. Il s'est même fendu d'un plaidoyer offensif dans le Financial Times, plaidant pour une augmentation massive de la dette pour éviter la catastrophe annoncée. L'idée a de quoi crisper l'Allemagne ou les Pays-Bas mais pourrait bien devenir la norme en Europe dans les années à venir. Cette tribune vaut-elle acte de candidature? Comme tout "sauveur" qui se respecte, le principal intéressé se garde bien de s'épancher sur le sujet. Et de s'épancher tout court ! D'autres le font à sa place, la sénatrice Virginia Tiraboschi du parti conservateur, propose de lui confier les pouvoirs à l'automne après la fin de l'épidémie. Même les anciens ennemis Silvio Berlusconi et Romano Prodi plaident en sa faveur. A 72 ans, Mario Draghi n'en pas peut-être pas tout à fait fini avec l'Europe.