La crise économique déclenchée par la propagation du virus aux Etats-Unis et en Europe réveille le traumatisme de la grande dépression des années 30. Si les réponses à la crise sont plus rapides et plus adaptées, le prolongement du confinement dans l'ensemble des pays développés pourrait faire encore flamber les inscriptions au chômage dans les mois à venir. La propagation du coronavirus commence à faire des ravages sur le marché du travail. Selon de récents chiffres communiqués par l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE), le taux de chômage commence à flamber dans un bon nombre de pays développés. Aux Etats-Unis et en Europe, les inscriptions au chômage se multiplient de jour en jour et pourraient encore s'accélérer dans les semaines à venir. La mise à l'arrêt d'un grand nombre de secteurs économiques pour préserver la santé des populations et des salariés a obligé un très grand nombre d'entreprises a baissé le rideau pendant plusieurs semaines. Pour les Etats, cette explosion des inscriptions augure une période complexe à gérer pour éviter une casse sociale trop violente. La récession qui frappe déjà beaucoup d'économies réveille le cauchemar des files d'attente suite à la grande dépression de 1929. A l'époque les Etats-Unis avaient enregistré une hausse massive du chômage. La production industrielle avait baissé de moitié de 1929 à 1932 et le taux de chômage avait bondi de 3,1% à 24%. En mars 1933, la moitié de la population active du pays est sans-emploi, soit quinze millions de personnes. Même si les réponses à la crise actuelle sont souvent jugées plus adaptées que par le passé, l'effondrement de l'activité et les dégâts colossaux sur le marché du travail pourraient largement plomber les capacités de reprise des pays. En Floride, les Américains attendent dans leurs véhicules pour récupérer leur formulaire et s'inscrire au chômage.
Explosion du chômage aux Etats-Unis et en Europe Les dernières statistiques outre-Atlantique montrent une hausse exponentielle du nombre de demandeurs d'emploi. Selon les données de l'OCDE, le taux de chômage pour la semaine s'achevant au 14 mars avait augmenté de 0,9 point de pourcentage pour s'établir à 4,4%. Les plus jeunes (16-24 ans) ont été en première ligne durant cette première période avec un taux passant de 7,7% à 10,3%. Durant la seconde moitié du mois de mars, la situation s'est encore dégradée avec plus de 6,6 millions de personnes inscrites à la fin du mois. Surtout, quelques économistes rappellent régulièrement que les chiffres du chômage aux Etats-Unis ne reflètent pas la réalité du phénomène. Lors d'un point presse jeudi après-midi, l'économiste et président du conseil d'analyse économique (CAE) Philippe Martin a rappelé que "l'un des points faibles de l'économie américaine sont les inégalités entre Etats pour répondre à la crise sanitaire et la détérioration du marché du travail. Il n'y a pas de chômage partiel comme en Europe. C'est une hausse sans précédent du chômage". L'augmentation brutale et soudaine du nombre de chômeurs pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la situation financière des ménages américains. En effet, si l'administration américaine a renforcé les filets de sécurité ces dernières semaines en proposant une allocation forfaitaire de 600 dollars par semaine, beaucoup de travailleurs indépendants se retrouvant sans activité risquent de rester à l'écart de tous ces dispositifs éligibles à certains types de profils. Outre la perte de revenus, les jeunes frappés de plein fouet par la crise pourraient se retrouver rapidement isolés et avec des difficultés pour retrouver un emploi au moment de la reprise. En Europe, même si peu de statistiques ont encore été rendues publiques pour le mois de mars, les premiers chiffres publiés illustrent également un accroissement des inscriptions. "En Autriche, le nombre de personnes inscrites auprès du service public de l'emploi a augmenté de plus des deux tiers en mars. Tandis qu'en Norvège, le nombre de chômeurs inscrits dans les bureaux d'emploi a été multiplié par cinq" précise le communiqué de l'OCDE. En France, les derniers chiffres du ministère du Travail signalent une forte hausse des inscriptions au chômage partiel. Ainsi, plus de 6,9 millions de salariés seraient dans cette situation, un nouveau record, sur près de 20 millions de salariés du privés. Au total, 628.000 entreprises ont eu recours à ce dispositif qui permet au salarié d'être indemnisé à hauteur de 70% du salaire brut et 84% du salaire net.
Un dispositif élargi à l'Europe Après des semaines de divisions et de batailles, les ministres des finances de l'Eurogroupe ont enfin trouvé un accord jeudi soir pour un plan de sauvetage évalué à 500 milliards d'euros. Dans la panoplie des mesures présentées, figure un dispositif appelé Sure ( pour Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency) qui vise à élargir le chômage partiel à l'ensemble des pays de l'Union européenne. Présenté le 2 avril dernier par la Commission européenne, ce mécanisme prévoit une enveloppe de 100 milliards d'euros "sous forme de prêts aux pays qui en ont besoin afin que les travailleurs perçoivent un revenu et que les entreprises ne licencient pas. Cet instrument permettra aux citoyens de continuer à payer leur loyer, leurs factures et leurs achats alimentaires et il contribuera à apporter une stabilité indispensable à l'économie". Le dispositif du chômage partiel est globalement soutenu par les économistes interrogés ces dernières semaines. Il reste que là encore, de nombreux travailleurs pourraient rester exclus du dispositif comme les travailleurs indépendants, les professions libérales ou les chômeurs démissionnaires. Sur ce dernier point, le ministère du Travail français a indiqué qu'il allait assouplir les règles pour faciliter l'inscription et les demandes d'allocation pour ces profils atypiques. "C'était un trou dans la raquette qui nous a été remonté du terrain. Ceux qui avaient démissionné peu de temps avant le confinement, avant le 17 mars, et qui avaient une promesse d'embauche, en CDI, en CDD, se retrouvaient souvent entre deux chaises et franchement pénalisés", a dit le ministre sur RMC et BFMTV. Les demandeurs d'emploi non indemnisés devraient être également fortement pénalisés par cette récession qui touche l'ensemble des secteurs économiques français. Enfin, les personnes qui sont comptabilisées dans le halo du chômage pourraient se retrouver dans des situations encore plus périlleuses si le rebond économique tarde à venir. En France, 1,6 million de personnes sont comptabilisées dans le halo du chômage.