Alger: installation du wali délégué de la circonscription administrative de Bab El Oued    Arkab reçoit l'ambassadeur du Sultanat d'Oman et un représentant du groupe Suhail Bahwan Holding    Ghaza: le bilan s'élève à 47.283 martyrs et 111.472 blessés    Lancement prochain de la 1ère coupe d'Algérie inter-lycées, CEM et primaires    Natation: début des épreuves du championnat national hivernal des benjamins à Oran    Reddition de deux terroristes et arrestation de 15 éléments de soutien aux groupes terroristes    En qualité d'envoyé spécial du président de la République, Saihi reçu à Moroni par le Président de l'Union des Comores    Energie: la 12e édition des JST de Sonatrach en juin à Oran    CNDH : l'Algérie a placé le secteur de l'éducation en tête de ses priorités    France : le parquet de Paris recadre le ministre de l'Intérieur    Ballalou: renforcer davantage la coopération culturelle entre l'Algérie et l'Italie    Le nouvel appareil de jardinage d'intérieur de LG dévoile un désigne raffiné    Le rôle du Président Tebboune salué    S'agit-il d'un véritable cessez-le-feu ou d'une escroquerie ?    Les premières décisions du Président Donald Trump tombent    Lancement d'un concours pour le recrutement de 476 employés    Mise en service d'un tronçon de 14 km de la pénétrante autoroutière Djen Djen-El Eulma    JSK : L'Allemand Josef Zinnbauer, nouvel entraîneur    La JSK sauve sa place de leader face au CRB    Le tirage au sort le 27 janvier    Le président de la République reçoit le Commandant d'Africom    «Les masques sont tombés ! »    Deux personnes échappent de justesse à la mort    Le wali gèle les activités de l'APC de Béni-Dergoune    Le Président Tebboune salue l'opération de libération du ressortissant espagnol    Une délégation parlementaire inspecte des sites à Timimoun    Plus de 25 heures de témoignages vivants collectées à Tlemcen    ''Le Pays de Peter Pan'' de J.M. Barrie et ''La Terre du Milieu'' de J.R.R. Tolkien    Production pharmaceutique : signature d'un contrat entre "Enad-Shymeca" et une start-up spécialisée dans l'intelligence artificielle    La Télévision algérienne dévoile sa grille de programmes pour le mois de Ramadhan 2025    Conférence historique sur le rôle de la Fédération du FLN durant la Révolution de libération nationale    Education : le gouvernement examine les mesures proposées pour la révision des programmes scolaires    Le président Tebboune salue l'opération de libération du ressortissant espagnol    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha reçoit le Commandant d'AFRICOM    Skikda: 162 millions de dinars pour la réhabilitation des infrastructures devant accueillir une partie des Jeux scolaires africains    CNFE: plus de 6500 stagiaires formés en 2024        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Jean Amrouche nous apprend beaucoup sur le colonialisme»
Entretien avec TASSADIT YACINE, ANTHROPOLOGUE
Publié dans Le Midi Libre le 09 - 01 - 2010

Rencontrée au théâtre régional de Béjaïa où elle était l'invitée des organisateurs du Café littéraire de Béjaïa, Tassadit Yacine, anthropologue spécialiste du monde berbère, a bien voulu nous accorder cette interview.
Rencontrée au théâtre régional de Béjaïa où elle était l'invitée des organisateurs du Café littéraire de Béjaïa, Tassadit Yacine, anthropologue spécialiste du monde berbère, a bien voulu nous accorder cette interview.
Midi Libre : En tant que chercheuse dans le domaine berbère, pensez-vous que la culture amazighe est sur la bonne voie ?
Tassadit Yacine : Je pense qu'elle est sur une excellente voie, surtout si l'on tient compte de son passé... Il y a seulement une vingtaine d'années on ne pouvait guère se réclamer de ce domaine de recherche sans conséquences. Les chercheurs se comptaient sur les doigts d'une seule main. De ce point de vue, on peut en effet considérer qu'il y a des efforts évidents qui ont été faits. Mais est-ce à dire que c'est suffisant ? Est-ce à dire qu'il y a des recherches de qualité pouvant rivaliser avec ce qui se fait dans les autres cultures ? Je ne le pense pas du tout... Le chantier est ouvert, mais il faut des ouvriers qualifiés et les outils nécessaires à son exploitation. On est encore loin d'avoir atteint cet objectif.
Vous venez de présenter l'ouvrage inédit de feu Jean Mouhoub Amrouche. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
Ce journal est un document historique de très grande importance. A travers la vie de cet intellectuel hors du commun - eu égard à ses conditions sociales et culturelles - le lecteur apprend beaucoup sur le colonialisme en Algérie et en Tunisie, sur la vie littéraire, sur sa formation politique, sur sa propre subjectivité... A travers Amrouche c'est un peu comprendre le sentiment que pouvaient ressentir nos parents (ceux de cette génération) à cette même période. Ce qui est marquant et attachant, c'est sa sincérité devant les faits, les situations. Tout en étant francophone et chrétien, il s'est toujours senti Algérien et appartenant à la civilisation musulmane. C'est attendrissant de voir à quel point il avait une capacité extraordinaire de transcender les choses et de les dépasser.
Certains observateurs ont critiqué votre approche littéraire, vous reprochant d'avoir présenté Jean Amrouche comme quelqu'un qui se cherchait durant la période coloniale. Pouvez-vous nous expliquer cette approche ?
Je pense que c'était un peu de la provocation chez certains. Ce serait malhonnête de ma part de présenter ce journal comme celui du seul militant, car cela ne correspond nullement à la réalité. Jusqu'en 1945 (il suffit de lire Le Journal pour s'en rendre compte) Amrouche était comme la majorité des Nord-Africains, c'est-à-dire mis devant le fait accompli colonial. Il retirera sa confiance à la France à partir de 1945. Ce sont ces mêmes événements qui constitueront un tournant dans sa vie et dans sa prise de conscience politique. Je pense que ce serait absolument faux de considérer Amrouche comme un militant dès son jeune âge. L'intérêt pour le lecteur est de suivre son évolution et les circonstances qui ont fait de lui un «militant radical» au point de se faire éjecter de son poste à la radio. Le journal contrairement à Un Algérien s'adresse aux Français, - livre que j'ai édité, sur lequel figurent tous ses articles politiques - présente un intellectuel en formation. Le précédent ouvrage est essentiellement politique et il n'y a pas l'ombre d'un état d'âme s'agissant du colonialisme. Les deux publications sont importantes : elles s'informent l'une l'autre mais sont différentes l'une de l'autre. Je regrette d'ailleurs d'avoir publié Un Algérien s'adresse aux Français avant Le journal.
Selon vous, pourquoi l'Etat algérien continue-t-il d'occulter l'histoire de la famille Amrouche (Taos Amrouche et sa mère, Jean Mouhoub Amrouche); pourtant ils n'ont jamais renoncé à leurs algérianité et berbérité ?
Je pense que l'Etat algérien a été piégé dès 1962 en acceptant d'intégrer un monde arabe pris dans une idéologie monolithique où seuls l'arabe et l'islam ont droit de cité. L'Algérie en niant l'histoire millénaire plurielle de son pays s'est en quelque sorte amputée d'une partie d'elle-même. La famille en est représentative. De ce fait, elle ne pouvait (comme beaucoup d'autres Algériens d'ailleurs dont ils sont représentatifs : la différence c'est que les Amrouche ont multiplié les handicaps) pas avoir sa place. C'était une politique fondée sur une logique d'exclusion où les minorités (quelles qu'elles soient) étaient stigmatisées. Comment imaginer qu'une cantatrice de renom international ne puisse pas chanter au Panaf de 1969 ? Cela a pourtant été le cas de Taos et cela n'a soulevé aucune indignation.
Que pensez-vous de la production littéraire (roman et théâtre) en tamazight ?
Cela dépend laquelle. Je trouve extraordinaire le théâtre de Mohia. Voilà encore un génie qui a disparu sans reconnaissance. Le roman, cela commence à venir... Il faut l'encourager même si les Berbères n'ont pas encore l'habitude de lire dans leur langue.
D'aucuns estiment que la langue amazighe a connu une avancée historique depuis sa constitutionnalisation en 2002. Qu'en pensez-vous ?
C'est bien vrai... Je pense y avoir répondu lors de la première question. La reconnaissance c'est bien, mais il faut maintenant des outils pour travailler, pour valoriser cette langue et cette culture. Il faut parvenir ici (en Algérie) et ailleurs à en faire une véritable langue de création, de pensée...
Avez-vous des projets d'écriture pour l'avenir ?
Je travaille à une anthologie de poésies emblématiques orales (et écrites), à la publication de travaux sur les modes de transmission de la culture dans les sociétés berbères.
G. A.
Midi Libre : En tant que chercheuse dans le domaine berbère, pensez-vous que la culture amazighe est sur la bonne voie ?
Tassadit Yacine : Je pense qu'elle est sur une excellente voie, surtout si l'on tient compte de son passé... Il y a seulement une vingtaine d'années on ne pouvait guère se réclamer de ce domaine de recherche sans conséquences. Les chercheurs se comptaient sur les doigts d'une seule main. De ce point de vue, on peut en effet considérer qu'il y a des efforts évidents qui ont été faits. Mais est-ce à dire que c'est suffisant ? Est-ce à dire qu'il y a des recherches de qualité pouvant rivaliser avec ce qui se fait dans les autres cultures ? Je ne le pense pas du tout... Le chantier est ouvert, mais il faut des ouvriers qualifiés et les outils nécessaires à son exploitation. On est encore loin d'avoir atteint cet objectif.
Vous venez de présenter l'ouvrage inédit de feu Jean Mouhoub Amrouche. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
Ce journal est un document historique de très grande importance. A travers la vie de cet intellectuel hors du commun - eu égard à ses conditions sociales et culturelles - le lecteur apprend beaucoup sur le colonialisme en Algérie et en Tunisie, sur la vie littéraire, sur sa formation politique, sur sa propre subjectivité... A travers Amrouche c'est un peu comprendre le sentiment que pouvaient ressentir nos parents (ceux de cette génération) à cette même période. Ce qui est marquant et attachant, c'est sa sincérité devant les faits, les situations. Tout en étant francophone et chrétien, il s'est toujours senti Algérien et appartenant à la civilisation musulmane. C'est attendrissant de voir à quel point il avait une capacité extraordinaire de transcender les choses et de les dépasser.
Certains observateurs ont critiqué votre approche littéraire, vous reprochant d'avoir présenté Jean Amrouche comme quelqu'un qui se cherchait durant la période coloniale. Pouvez-vous nous expliquer cette approche ?
Je pense que c'était un peu de la provocation chez certains. Ce serait malhonnête de ma part de présenter ce journal comme celui du seul militant, car cela ne correspond nullement à la réalité. Jusqu'en 1945 (il suffit de lire Le Journal pour s'en rendre compte) Amrouche était comme la majorité des Nord-Africains, c'est-à-dire mis devant le fait accompli colonial. Il retirera sa confiance à la France à partir de 1945. Ce sont ces mêmes événements qui constitueront un tournant dans sa vie et dans sa prise de conscience politique. Je pense que ce serait absolument faux de considérer Amrouche comme un militant dès son jeune âge. L'intérêt pour le lecteur est de suivre son évolution et les circonstances qui ont fait de lui un «militant radical» au point de se faire éjecter de son poste à la radio. Le journal contrairement à Un Algérien s'adresse aux Français, - livre que j'ai édité, sur lequel figurent tous ses articles politiques - présente un intellectuel en formation. Le précédent ouvrage est essentiellement politique et il n'y a pas l'ombre d'un état d'âme s'agissant du colonialisme. Les deux publications sont importantes : elles s'informent l'une l'autre mais sont différentes l'une de l'autre. Je regrette d'ailleurs d'avoir publié Un Algérien s'adresse aux Français avant Le journal.
Selon vous, pourquoi l'Etat algérien continue-t-il d'occulter l'histoire de la famille Amrouche (Taos Amrouche et sa mère, Jean Mouhoub Amrouche); pourtant ils n'ont jamais renoncé à leurs algérianité et berbérité ?
Je pense que l'Etat algérien a été piégé dès 1962 en acceptant d'intégrer un monde arabe pris dans une idéologie monolithique où seuls l'arabe et l'islam ont droit de cité. L'Algérie en niant l'histoire millénaire plurielle de son pays s'est en quelque sorte amputée d'une partie d'elle-même. La famille en est représentative. De ce fait, elle ne pouvait (comme beaucoup d'autres Algériens d'ailleurs dont ils sont représentatifs : la différence c'est que les Amrouche ont multiplié les handicaps) pas avoir sa place. C'était une politique fondée sur une logique d'exclusion où les minorités (quelles qu'elles soient) étaient stigmatisées. Comment imaginer qu'une cantatrice de renom international ne puisse pas chanter au Panaf de 1969 ? Cela a pourtant été le cas de Taos et cela n'a soulevé aucune indignation.
Que pensez-vous de la production littéraire (roman et théâtre) en tamazight ?
Cela dépend laquelle. Je trouve extraordinaire le théâtre de Mohia. Voilà encore un génie qui a disparu sans reconnaissance. Le roman, cela commence à venir... Il faut l'encourager même si les Berbères n'ont pas encore l'habitude de lire dans leur langue.
D'aucuns estiment que la langue amazighe a connu une avancée historique depuis sa constitutionnalisation en 2002. Qu'en pensez-vous ?
C'est bien vrai... Je pense y avoir répondu lors de la première question. La reconnaissance c'est bien, mais il faut maintenant des outils pour travailler, pour valoriser cette langue et cette culture. Il faut parvenir ici (en Algérie) et ailleurs à en faire une véritable langue de création, de pensée...
Avez-vous des projets d'écriture pour l'avenir ?
Je travaille à une anthologie de poésies emblématiques orales (et écrites), à la publication de travaux sur les modes de transmission de la culture dans les sociétés berbères.
G. A.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.