L'édition 2010 du congrès de la Société américaine d'oncologie a été marquée par deux études qui pourraient changer la prise en charge du cancer du sein. Le curage ganglionnaire à l'origine des problèmes de "gros bras" pourrait être limité et l'étude des métastases permettrait d'adapter le traitement face à une tumeur changeante. L'édition 2010 du congrès de la Société américaine d'oncologie a été marquée par deux études qui pourraient changer la prise en charge du cancer du sein. Le curage ganglionnaire à l'origine des problèmes de "gros bras" pourrait être limité et l'étude des métastases permettrait d'adapter le traitement face à une tumeur changeante. Alors que depuis plusieurs années, la lutte contre le cancer du sein se caractérisait par l'apparition de thérapies ciblées, cette année est marquée par des évolutions de prises en charge moins spectaculaires mais bénéfiques pour les patientes. Les tumeurs peuvent changer avec le temps, le traitement doit suivre… Voilà une petite étude qui ne paie pas de mine mais qui pourrait bien changer la prise en charge des cancers du sein (et potentiellement des autres cancers). Aujourd'hui, la prise en charge débute par une analyse de la tumeur (le plus souvent au cours de la chirurgie), qui va rechercher la présence de certains récepteurs à la surface des cellules cancéreuses. Les résultats vont directement influer sur le traitement. Si des récepteurs hormonaux aux estrogènes ou à la progestérone sont identifiés, une hormonothérapie (tamoxifène ou inhibiteur de l'aromatase) est associée à la chimiothérapie. Si la tumeur présente des récepteurs HER2, l'utilisation du trastuzumab (Herceptin®) - une thérapie ciblée - va être privilégiée. Malgré ces progrès thérapeutiques, le cancer peut parfois se propager à d'autres organes : les os, le poumon, le foie… Ces métastases sont constituées des cellules cancéreuses de la tumeur d'origine (en l'occurrence, des cellules de cancer du sein). Aujourd'hui, ces métastases ne sont pas analysées en routine. Une équipe italienne a effectué des biopsies du foie de ces tumeurs secondaires chez 255 patientes, en moyenne 3,4 ans après le diagnostic initial. Leurs analyses ont mis à jour des différences non négligeables par rapport aux tumeurs initiales. Le statut hormonal des récepteurs à estrogènes a ainsi changé dans 14,5% des tumeurs (disparition ou apparition de récepteurs hormonaux entre les deux analyses), celui des récepteurs à progestérone dans 48,6% des cas et celui du statut HER2 dans 13,9% des cas. A la lumière de ces prélèvements, le traitement a été modifié dans 12% des cas (31 patientes). Co-auteur de l'étude, le Pr. Giuseppe Curigliano de l'Institut européen d'oncologie de Milan plaide pour des biopsies en routine quelques années après le diagnostic initial : "Ré-analyser les tumeurs secondaires nous aidera à nous assurer que les patients reçoivent le traitement le plus efficace possible, ce qui peut avoir des conséquences énormes sur le résultat de la prise en charge". Cette modification de la biologie de la tumeur au cours du temps est une notion que les cancérologues vont devoir intégrer à leur pratique. Vers une chirurgie moins agressive pour les cancers localisés Lorsque le chirurgien enlève la tumeur, il peut également enlever les chaînes de ganglions lymphatiques empruntés par les cellules cancéreuses pour se propager à d'autres organes. Ce curage axillaire peut entraîner des douleurs et dans 5% des cas, un problème de "gros bras" ou lymphoedème du bras. Ce gonflement de la main et du bras très douloureux empoisonne la vie des patientes atteintes, sans qu'on dispose d'un traitement réellement efficace. Pour éviter ce problème, les chirurgiens ont aujourd'hui recours à la technique du ganglion sentinelle. Il s'agit de repérer les premiers ganglions de la chaîne axillaire, ceux qui seront les premiers à être envahis par les cellules malignes et de les enlever pour les examiner. Un véritable curage ne sera effectué que s'ils sont atteints. En pratique, une substance légèrement radioactive et un colorant sont injectés autour de la tumeur, peu avant son ablation. Ces substances cheminent dans le système lymphatique et se concentrent dans les premiers ganglions qui drainent la tumeur, les ganglions sentinelles. Ce "marquage" permet au chirurgien de les repérer et de les enlever à travers une toute petite incision. En moyenne, deux ganglions sont prélevés et examinés aussitôt au laboratoire, au cours même de l'intervention. S'ils sont cancéreux, toute la chaîne ganglionnaire est enlevée. Dans le cas contraire, l'opération s'arrête là. Mais lorsque la tumeur est de toute petite taille, qu'il n'y a pas de signe d'extension de la maladie en dehors du sein, le curage axillaire est-il malgré tout nécessaire lorsque le ganglion sentinelle est positif ? Non selon des chercheurs californiens qui ont suivi 891 femmes : 445 après un curage axillaire complet (au moins 10 ganglions retirés) et 446 après une dissection de ganglion sentinelle (deux ganglions enlevés). Après un suivi moyen de 6 ans, les scientifiques n'ont pas identifié de différence entre les deux groupes : 92,5 % des patientes sans curage étaient toujours en vie, contre 91,9% de celles ayant subi un curage, soit aucune différence statistique significative (aucune différence non plus pour la survie sans progression et les taux de récurrence). Contrairement à ce qui prévaut aujourd'hui, le curage axillaire ne devrai, donc, pas être systématique lorsque les tumeurs sont de petites tailles et bien localisées. Sera-t-il possible de faire passer le message auprès des chirurgiens ? On peut l'espérer pour que les séquelles chirurgicales des "gros bras" si handicapantes soient moins fréquentes. Nouvelle molécule venue du fond des mers L'autre nouveauté de ce congrès 2010 de l'Asco vient du fond des mers. Issue d'une éponge marine, une nouvelle chimiothérapie, l'éribuline, se révèle efficace face aux cancers du sein métastatiques dont la progression n'est plus enrayée par les traitements de référence. Une équipe anglaise a suivi 762 patientes atteintes de cancers du sein métastatique ayant déjà reçu des traitements multiples. Comparée aux chimiothérapies de référence, cette molécule a permis d'augmenter l'espérance de vie de ces femmes de 23% (13,1 mois contre 10,7 mois) au prix d'effets secondaires modérés. Ce bénéfice important pour les malades et leurs proches devrait déboucher sur une prochaine autorisation de mise sur le marché. Source : A phase III study (EMBRACE) Alors que depuis plusieurs années, la lutte contre le cancer du sein se caractérisait par l'apparition de thérapies ciblées, cette année est marquée par des évolutions de prises en charge moins spectaculaires mais bénéfiques pour les patientes. Les tumeurs peuvent changer avec le temps, le traitement doit suivre… Voilà une petite étude qui ne paie pas de mine mais qui pourrait bien changer la prise en charge des cancers du sein (et potentiellement des autres cancers). Aujourd'hui, la prise en charge débute par une analyse de la tumeur (le plus souvent au cours de la chirurgie), qui va rechercher la présence de certains récepteurs à la surface des cellules cancéreuses. Les résultats vont directement influer sur le traitement. Si des récepteurs hormonaux aux estrogènes ou à la progestérone sont identifiés, une hormonothérapie (tamoxifène ou inhibiteur de l'aromatase) est associée à la chimiothérapie. Si la tumeur présente des récepteurs HER2, l'utilisation du trastuzumab (Herceptin®) - une thérapie ciblée - va être privilégiée. Malgré ces progrès thérapeutiques, le cancer peut parfois se propager à d'autres organes : les os, le poumon, le foie… Ces métastases sont constituées des cellules cancéreuses de la tumeur d'origine (en l'occurrence, des cellules de cancer du sein). Aujourd'hui, ces métastases ne sont pas analysées en routine. Une équipe italienne a effectué des biopsies du foie de ces tumeurs secondaires chez 255 patientes, en moyenne 3,4 ans après le diagnostic initial. Leurs analyses ont mis à jour des différences non négligeables par rapport aux tumeurs initiales. Le statut hormonal des récepteurs à estrogènes a ainsi changé dans 14,5% des tumeurs (disparition ou apparition de récepteurs hormonaux entre les deux analyses), celui des récepteurs à progestérone dans 48,6% des cas et celui du statut HER2 dans 13,9% des cas. A la lumière de ces prélèvements, le traitement a été modifié dans 12% des cas (31 patientes). Co-auteur de l'étude, le Pr. Giuseppe Curigliano de l'Institut européen d'oncologie de Milan plaide pour des biopsies en routine quelques années après le diagnostic initial : "Ré-analyser les tumeurs secondaires nous aidera à nous assurer que les patients reçoivent le traitement le plus efficace possible, ce qui peut avoir des conséquences énormes sur le résultat de la prise en charge". Cette modification de la biologie de la tumeur au cours du temps est une notion que les cancérologues vont devoir intégrer à leur pratique. Vers une chirurgie moins agressive pour les cancers localisés Lorsque le chirurgien enlève la tumeur, il peut également enlever les chaînes de ganglions lymphatiques empruntés par les cellules cancéreuses pour se propager à d'autres organes. Ce curage axillaire peut entraîner des douleurs et dans 5% des cas, un problème de "gros bras" ou lymphoedème du bras. Ce gonflement de la main et du bras très douloureux empoisonne la vie des patientes atteintes, sans qu'on dispose d'un traitement réellement efficace. Pour éviter ce problème, les chirurgiens ont aujourd'hui recours à la technique du ganglion sentinelle. Il s'agit de repérer les premiers ganglions de la chaîne axillaire, ceux qui seront les premiers à être envahis par les cellules malignes et de les enlever pour les examiner. Un véritable curage ne sera effectué que s'ils sont atteints. En pratique, une substance légèrement radioactive et un colorant sont injectés autour de la tumeur, peu avant son ablation. Ces substances cheminent dans le système lymphatique et se concentrent dans les premiers ganglions qui drainent la tumeur, les ganglions sentinelles. Ce "marquage" permet au chirurgien de les repérer et de les enlever à travers une toute petite incision. En moyenne, deux ganglions sont prélevés et examinés aussitôt au laboratoire, au cours même de l'intervention. S'ils sont cancéreux, toute la chaîne ganglionnaire est enlevée. Dans le cas contraire, l'opération s'arrête là. Mais lorsque la tumeur est de toute petite taille, qu'il n'y a pas de signe d'extension de la maladie en dehors du sein, le curage axillaire est-il malgré tout nécessaire lorsque le ganglion sentinelle est positif ? Non selon des chercheurs californiens qui ont suivi 891 femmes : 445 après un curage axillaire complet (au moins 10 ganglions retirés) et 446 après une dissection de ganglion sentinelle (deux ganglions enlevés). Après un suivi moyen de 6 ans, les scientifiques n'ont pas identifié de différence entre les deux groupes : 92,5 % des patientes sans curage étaient toujours en vie, contre 91,9% de celles ayant subi un curage, soit aucune différence statistique significative (aucune différence non plus pour la survie sans progression et les taux de récurrence). Contrairement à ce qui prévaut aujourd'hui, le curage axillaire ne devrai, donc, pas être systématique lorsque les tumeurs sont de petites tailles et bien localisées. Sera-t-il possible de faire passer le message auprès des chirurgiens ? On peut l'espérer pour que les séquelles chirurgicales des "gros bras" si handicapantes soient moins fréquentes. Nouvelle molécule venue du fond des mers L'autre nouveauté de ce congrès 2010 de l'Asco vient du fond des mers. Issue d'une éponge marine, une nouvelle chimiothérapie, l'éribuline, se révèle efficace face aux cancers du sein métastatiques dont la progression n'est plus enrayée par les traitements de référence. Une équipe anglaise a suivi 762 patientes atteintes de cancers du sein métastatique ayant déjà reçu des traitements multiples. Comparée aux chimiothérapies de référence, cette molécule a permis d'augmenter l'espérance de vie de ces femmes de 23% (13,1 mois contre 10,7 mois) au prix d'effets secondaires modérés. Ce bénéfice important pour les malades et leurs proches devrait déboucher sur une prochaine autorisation de mise sur le marché. Source : A phase III study (EMBRACE)