La recherche clinique en matière de lutte contre les cancers ne cesse de livrer ses secrets. Ainsi de nouvelles molécules viennent enrichir l'arsenal thérapeutique. La Conférence européenne du cancer - Européen Consensus Conférence Oncologie (ECCO)-, qui s'est déroulée du 31 octobre au 3 novembre dernier au Palais des congrès à Paris, a été une occasion pour des dizaines de cancérologues du monde entier de débattre de ces nouveaux traitements du cancer. Une rencontre internationale à laquelle ont pris part des journalistes de différents pays, dont le Maroc, la Tunisie et l'Algérie. Outre les aspects purement scientifiques, un chapitre exclusif des spécialistes, le débat engagé avec les journalistes a porté essentiellement sur l'actualité de la recherche clinique en cancérologie, l'accès au traitement et les inégalités d'accès aux soins de qualité. « Cette rencontre nous permettra de faire des échanges entre spécialistes et patients dans l'objectif d'identifier les besoins et clarifier les voies à suivre afin de simplifier le traitement du cancer au quotidien », soulignent les organisateurs. L'objectif des spécialistes en cancérologie, estiment-ils, aujourd'hui, est de traiter le cancer mais aussi d'assurer au patient une bonne qualité de vie. « La priorité du médecin est de savoir si la maladie est stoppée et si le patient est guéri », a souligné le professeur Chris Tvel, cancérologue, lors du symposium organisé par le Laboratoire Roche qui a présenté des études portant sur sept nouveaux médicaments anticancers. De nombreuses études ont montré, selon les intervenants, que ces produits agissent d'une manière extraordinaire sur les différents cancers. Un traitement révolutionnaire C'est la première fois, ont souligné les équipes de recherche et des études, que des résultats ont montré l'efficacité d'un traitement dans plusieurs types de cancers. Il était question de sept molécules dont bevacizumab, « traitement révolutionnaire du cancer », qui a démontré des avancées significatives dans plusieurs types de cancers, notamment le cancer du côlon, du sein et du poumon, suite à de larges études cliniques. « Le bevacizumab est un anticancéreux hors du commun qui agit en privant la tumeur de l'apport du sang (et donc de l'oxygène et des nutriments) qui lui est nécessaire pour croître et disséminer des métastases vers d'autres régions de l'organisme. Le bevacizumab est le seul et le 1er traitement à cibler la vascularisation tumorale et à montrer une efficacité anticancéreuse sans précédent dans plusieurs types de cancer », a-t-on expliqué. Dans le traitement du cancer du sein, selon l'intervenant, une large étude clinique de phase III impliquant près de 800 patientes a montré que ce médicament associé à une chimiothérapie standard (paclitaxel) pour le traitement de 1re intention du cancer du sein métastatique améliore la survie des patientes de 48% et réduit de manière spectaculaire l'échéance de la progression de leur cancer (de 83%). Associé à une une chimiothérapie standard (paclitaxel/carboplatin) pour le traitement de 1re intention du cancer du poumon, il améliore de 30% la survie globale des patients. Le succès de cette étude est une première dans le traitement du cancer du poumon. Un autre produit vient d'être aussi classé comme étant le médicament anticancer le plus efficace de cette décennie. Les spécialistes s'appuient sur les résultats d'études récentes selon lesquels le trastuzumab diminue de moitié le risque de récidive d'une forme très agressive de cancer du sein. Ils le qualifient de médicament « révolutionnaire », « stupéfiant » etc. Les enquêtes qui ont porté sur un total de 6 500 femmes sont parues le 20 octobre dernier dans le New England Journal of Medicine. Le premier essai spectaculaire dit Hera, portant sur 5081 patientes toutes porteuses du gène HER2, a révélé que le risque de récidive était diminué de 46% pour les femmes bénéficiant de ce traitement pendant un an par rapport à celles n'en recevant pas. Le second essai a abouti à des conclusions similaires. « Ces résultats ne représentent pas une simple évolution dans le traitement contre le cancer mais une révolution », écrit dans un éditorial de la revue médicale américaine le docteur Gabriel Hortobagyi, de l'université du Texas et président élu de l'American Society of Clinical Oncology. « Cette molécule montre que le développement des thérapies moléculaires ciblées continue à améliorer le traitement du cancer du sein. » Ce produit ne cible que les cellules cancéreuses malades et est déjà utilisé dans les formes avancées de cancer du sein. Ce médicament n'est toutefois pas indiqué pour tout le monde. « Il n'est efficace que chez 20% de femmes, dont la tumeur produit une quantité trop importante de la protéine HER2. » « La pillule inteligente » L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et l'Institut national du cancer (Inca) viennent de mettre à la disposition des femmes atteintes d'un cancer du sein ce nouveau médicament qui a été utilisé avec des traitements standard, notamment la chirurgie et la chimiothérapie. A noter que l'on estime à un million de nouveaux cas de cancer du sein par an dans le monde . Il est le deuxième cancer le plus répandu après celui du poumon. On estime que 8 à 9% des femmes dans le monde développeront un cancer du sein dans leur vie. L'autre nouveauté est ce médicament qu'on appelle « la pilule intelligente », capecitabine qui, selon les études présentées à l'occasion de ce congrès européen, améliore la survie des patients atteints d'un cancer pancréatique. L'analyse intermédiaire de l'une des plus importantes études de phase III évaluant le traitement de premier choix du cancer pancréatique métastasé montre que le capecitabine, ajouté à une chimiothérapie standard (gemcitabine), améliore considérablement la survie du patient. L'étude a révélé qu'après un an, un patient sur quatre était toujours en vie après ce traitement en plus d'une chimiothérapie standard comparé à un sur cinq pour la seule chimiothérapie standard. « Ces données sont très encourageantes et donnent un nouvel espoir aux patients atteints d'un cancer pancréatique, qui, en général, disposent d'une espérance de vie très courte », a déclaré le professeur John Neoptolemos, chirurgien oncologue, division de chirurgie et d'oncologie au Royal Liverpool University Hospital. « Depuis le lancement de l'étude en mai 2002, je constate que plus de patients survivent après 12 mois et plus suite à un traitement en bithérapie. Je n'ai jamais vu autant de patients parvenir à réaliser cela auparavant », a t-il ajouté. Par ailleurs, il y a un autre médicament qui est le seul inhibiteur EGFR à avoir prouvé qu'il offrait un avantage au niveau de la survie des patients atteints du cancer du poumon. Il pourra traiter des patients atteints d'un cancer pancréatique avancé maintenant qu'il a été homologué par la FDA aux États-Unis. Le cancer pancréatique, une des formes les plus agressives de la maladie, tue plus d'individus pendant la première année que n'importe quel autre cancers. Il est le premier nouveau traitement en une décennie à offrir une amélioration importante de la survie globale (23 %) quand on l'administre en association avec la chimiothérapie. Le traitement des métastases osseuses, un des cancers les plus virulents, a été également au centre des débats. Un nouveau traitement oral a été présenté. Selon Jean Jacques Body, professeur à l'université de Bruxelles en Belgique, ce produit a une efficacité équivalente et une tolérabilité supérieure en comparaison à l'acide zolédronique dans le traitement de la maladie métastatique osseuse. Le traitement du lymphome non hodgkinien qui touche 1,5 million de personnes dans le monde peut désormais aboutir à la guérison, selon les cancérologues. Le médicament a été présenté.