L'écrivain Tahar Ouettar est décédé jeudi à Alger à l'âge de 74 ans. L'écrivain était souffrant et venait il y a à peine quelques mois d'être admis à l'hôpital Saint-Antoine à Paris. Tahar Ouettar est né en 1936 au village de Sedrata, près de M'daourouch entre Annaba et Tebessa. Il a grandi dans un milieu rural au sein des Haratkas, une tribu d'origine amazighe qui occupe les piémonts de l'Aurès. Tahar est le quatrième enfant d'une fratrie qui ne lui a pas survécu, les trois aînés étant morts avant sa naissance. Enfant gâté, il a été élevé par un grand-père marié à quatre femmes dont les foyers respectifs comprenaient des chefs de famille et des enfants. La figure de l'aïeul protecteur à souhait, justicier à ses heures, opposant aux représentants de l'autorité coloniale, bienfaiteur, ayant ouvert une école pour l'enseignement du Coran gratuitement ; a dû marquer d'une manière indélébile le jeune Ouettar. L'écrivain connu pour sa production littéraire prolifique était aussi président de l'association culturelle, "Al Djahizia". Cet auteur qui se plait à se présenter comme quelqu'un qui a des « pensées à la fois, de Pablo Neruda et Al Mutanabi ou Al Chanfara » a écrit plusieurs romans en arabe qui ont été traduits du reste en plusieurs langues. Un talent littéraire Admiré pour son talent littéraire, mais honni pour sa verve polémiste qui s'est inscrite contre la littérature francophone et notamment contre Tahar Djaout dont il considéra la disparition comme une « non perte », l'auteur d'Ez zilzel (le séisme) a pourtant eu un itinéraire qui l'a conduit sur la voie qu'ont empruntée la plupart des militants de gauche en adhérant à l'idéologie socialiste dont son œuvre du reste s'en ressentira. Il est l'un des rares intellectuels, pour ne pas dire le seul, qui ait critiqué le coup d'Etat du 19 juin 1965. Son nom a figuré aussi parmi ceux qui ont rejeté l'arrêt des élections de 1992. « J'ai vécu dans la pureté, de l'existence, nourri du spectacle des collines sur lesquelles tombait le crépuscule, jouant de la flûte derrière les brebis et les oies. J'ai été témoin de l'herbisme. Ma mère accouchant toute seule, ma mère encore montant la garde la nuit sur le toit. J'ai saisi le sérieux de la nature et des hommes qui m'entouraient. Dans le Coran que j'apprenais par cœur, j'ai reconnu l'éloquence et la beauté. Ceci se passait avant la Révolution ; depuis d'autres facteurs sont venus enrichir ma personnalité » déclarait Tahar Ouettar à Marcel Bois. Tôt Tahar enseigne le Saint Coran à M'daourouch avant de rejoindre l'association des Oulémas juste à ses débuts en 1950. A vrai dire rien ne prédestinait cet homme de Lettres à faire sien le socialisme lui dont le parcours est jalonné par des études successives à l'Institut Ben Badis de Constantine (1952) où il étudie la jurisprudence, puis à la Zitouna de Tunis (début 1954). C'est pour autant pendant ces années-là qu'il découvre la littérature profane, se rendant compte qu'au-delà de la jurisprudence et de la loi islamique (la Charia), il existe tout un champ littéraire à déchiffrer. C'est ainsi qu'il se met à la lecture en moins d'une année de tout ce qui lui tombe sous la main : romans, pièces de théâtre arabes et traduites. Il lit Les Mille et une nuit, Kalila et Dimna, Mikhail Nouaïma, Iliya Abou Madhi, Jibran Khalil Jibran, Taha Hussein, Zaki Moubarak, Al Rafi'i, etc. Se mettant à l'écriture, il devient journaliste en Tunisie où il publie des nouvelles dans les quotidiens Al Nida, Al Sabah et Al Aamal et dans les hebdomadaires L'Etendard du Parlement tunisien, et également dans la revue Al fikr, etc. Une de ses nouvelles qui témoigne de son adhésion à l'idéologie socialiste -Noua - tirée de Dukhan fi Qalbi (fumée dans mon cœur) a inspiré le film d'Abdelaziz Tolbi (1979), lequel a reçu plusieurs prix. Un militant du FLN Tahar Ouettar rejoint le FLN en 1956 jusqu'en 1984. Séduit par le marxisme, il serait devenu son adepte sans que la direction politique du Front de Libération Nationale ne soit au courant alors qu'il aurait été tenu de s'exprimer dans les limites du parti. Tahar Ouettar faisait partie, entre 1963 et 1984, de la commission nationale d'information du parti du Front de Libération. Il devient inspecteur national de ce parti avant qu'il en soit remercié à l'âge de 47 ans. Il a exercé aussi en tant que journaliste, bien avant d'occuper, entre 1990 et 1991, les fonctions de directeur général de l'Entreprise Nationale de Radio Diffusion Sonore (ENRS). Auparavant il avait fondé deux publications, Al-Jamahir et Al Ahrarqui vont paraître à partir de 1962 et 1963. La première publication, un hebdomadaire fondé à Constantine, est le premier du genre dans l'Algérie indépendante, le second, fondé à Alger sera suspendu par les autorités. Entre 1972-1974, il créée le supplément culturel l'hebdomadaire du quotidien Al-Chaâb dont il devient l'animateur. Utilisé comme une tribune pour les intellectuels de gauche, le supplément est suspendu par les autorités en 1974. Il a également fondé en 1990 les revues Al Qasida et Al-Tabyiin qui continuent encore de paraître de nos jours. Le monde francophone découvre Tahar Ouettar surtout grâce à la traduction de Marcel Bois, qui traduit notamment Ez zilzel, Noces de mulet et le recueil de nouvelles : Les Martyrs reviennent cette semaine. Les universités à travers le monde continuent d'accorder un grand intérêt pour les œuvres de Tahar Ouettar qui font l'objet régulièrement de thèses et de sujet de recherche. De son œuvre Noces de mulet édité à Beyrouth en 1980, Marcel Bois dira qu'elle est une « allégorie » qui lui « paraît irréfutable » car selon lui elle « renvoie à une situation très nettement antérieure à 1975 ». Et d'ajouter « Aussi, serait-il tentant de voir dans l'unité de lieu du récit, l'Algérie convoitée par plusieurs leaders politiques aux idéaux diablement divergents. Et de fait, l'histoire du FLN, de ses origines à l'exercice du pouvoir, n'est pas un long fleuve tranquille ». L'écrivain pour rappel a reçu en septembre 2005 le Prix Sharjah pour la culture arabe 2005 qui lui a été remis à Paris au siège de l'Unesco. L'écrivain Tahar Ouettar est décédé jeudi à Alger à l'âge de 74 ans. L'écrivain était souffrant et venait il y a à peine quelques mois d'être admis à l'hôpital Saint-Antoine à Paris. Tahar Ouettar est né en 1936 au village de Sedrata, près de M'daourouch entre Annaba et Tebessa. Il a grandi dans un milieu rural au sein des Haratkas, une tribu d'origine amazighe qui occupe les piémonts de l'Aurès. Tahar est le quatrième enfant d'une fratrie qui ne lui a pas survécu, les trois aînés étant morts avant sa naissance. Enfant gâté, il a été élevé par un grand-père marié à quatre femmes dont les foyers respectifs comprenaient des chefs de famille et des enfants. La figure de l'aïeul protecteur à souhait, justicier à ses heures, opposant aux représentants de l'autorité coloniale, bienfaiteur, ayant ouvert une école pour l'enseignement du Coran gratuitement ; a dû marquer d'une manière indélébile le jeune Ouettar. L'écrivain connu pour sa production littéraire prolifique était aussi président de l'association culturelle, "Al Djahizia". Cet auteur qui se plait à se présenter comme quelqu'un qui a des « pensées à la fois, de Pablo Neruda et Al Mutanabi ou Al Chanfara » a écrit plusieurs romans en arabe qui ont été traduits du reste en plusieurs langues. Un talent littéraire Admiré pour son talent littéraire, mais honni pour sa verve polémiste qui s'est inscrite contre la littérature francophone et notamment contre Tahar Djaout dont il considéra la disparition comme une « non perte », l'auteur d'Ez zilzel (le séisme) a pourtant eu un itinéraire qui l'a conduit sur la voie qu'ont empruntée la plupart des militants de gauche en adhérant à l'idéologie socialiste dont son œuvre du reste s'en ressentira. Il est l'un des rares intellectuels, pour ne pas dire le seul, qui ait critiqué le coup d'Etat du 19 juin 1965. Son nom a figuré aussi parmi ceux qui ont rejeté l'arrêt des élections de 1992. « J'ai vécu dans la pureté, de l'existence, nourri du spectacle des collines sur lesquelles tombait le crépuscule, jouant de la flûte derrière les brebis et les oies. J'ai été témoin de l'herbisme. Ma mère accouchant toute seule, ma mère encore montant la garde la nuit sur le toit. J'ai saisi le sérieux de la nature et des hommes qui m'entouraient. Dans le Coran que j'apprenais par cœur, j'ai reconnu l'éloquence et la beauté. Ceci se passait avant la Révolution ; depuis d'autres facteurs sont venus enrichir ma personnalité » déclarait Tahar Ouettar à Marcel Bois. Tôt Tahar enseigne le Saint Coran à M'daourouch avant de rejoindre l'association des Oulémas juste à ses débuts en 1950. A vrai dire rien ne prédestinait cet homme de Lettres à faire sien le socialisme lui dont le parcours est jalonné par des études successives à l'Institut Ben Badis de Constantine (1952) où il étudie la jurisprudence, puis à la Zitouna de Tunis (début 1954). C'est pour autant pendant ces années-là qu'il découvre la littérature profane, se rendant compte qu'au-delà de la jurisprudence et de la loi islamique (la Charia), il existe tout un champ littéraire à déchiffrer. C'est ainsi qu'il se met à la lecture en moins d'une année de tout ce qui lui tombe sous la main : romans, pièces de théâtre arabes et traduites. Il lit Les Mille et une nuit, Kalila et Dimna, Mikhail Nouaïma, Iliya Abou Madhi, Jibran Khalil Jibran, Taha Hussein, Zaki Moubarak, Al Rafi'i, etc. Se mettant à l'écriture, il devient journaliste en Tunisie où il publie des nouvelles dans les quotidiens Al Nida, Al Sabah et Al Aamal et dans les hebdomadaires L'Etendard du Parlement tunisien, et également dans la revue Al fikr, etc. Une de ses nouvelles qui témoigne de son adhésion à l'idéologie socialiste -Noua - tirée de Dukhan fi Qalbi (fumée dans mon cœur) a inspiré le film d'Abdelaziz Tolbi (1979), lequel a reçu plusieurs prix. Un militant du FLN Tahar Ouettar rejoint le FLN en 1956 jusqu'en 1984. Séduit par le marxisme, il serait devenu son adepte sans que la direction politique du Front de Libération Nationale ne soit au courant alors qu'il aurait été tenu de s'exprimer dans les limites du parti. Tahar Ouettar faisait partie, entre 1963 et 1984, de la commission nationale d'information du parti du Front de Libération. Il devient inspecteur national de ce parti avant qu'il en soit remercié à l'âge de 47 ans. Il a exercé aussi en tant que journaliste, bien avant d'occuper, entre 1990 et 1991, les fonctions de directeur général de l'Entreprise Nationale de Radio Diffusion Sonore (ENRS). Auparavant il avait fondé deux publications, Al-Jamahir et Al Ahrarqui vont paraître à partir de 1962 et 1963. La première publication, un hebdomadaire fondé à Constantine, est le premier du genre dans l'Algérie indépendante, le second, fondé à Alger sera suspendu par les autorités. Entre 1972-1974, il créée le supplément culturel l'hebdomadaire du quotidien Al-Chaâb dont il devient l'animateur. Utilisé comme une tribune pour les intellectuels de gauche, le supplément est suspendu par les autorités en 1974. Il a également fondé en 1990 les revues Al Qasida et Al-Tabyiin qui continuent encore de paraître de nos jours. Le monde francophone découvre Tahar Ouettar surtout grâce à la traduction de Marcel Bois, qui traduit notamment Ez zilzel, Noces de mulet et le recueil de nouvelles : Les Martyrs reviennent cette semaine. Les universités à travers le monde continuent d'accorder un grand intérêt pour les œuvres de Tahar Ouettar qui font l'objet régulièrement de thèses et de sujet de recherche. De son œuvre Noces de mulet édité à Beyrouth en 1980, Marcel Bois dira qu'elle est une « allégorie » qui lui « paraît irréfutable » car selon lui elle « renvoie à une situation très nettement antérieure à 1975 ». Et d'ajouter « Aussi, serait-il tentant de voir dans l'unité de lieu du récit, l'Algérie convoitée par plusieurs leaders politiques aux idéaux diablement divergents. Et de fait, l'histoire du FLN, de ses origines à l'exercice du pouvoir, n'est pas un long fleuve tranquille ». L'écrivain pour rappel a reçu en septembre 2005 le Prix Sharjah pour la culture arabe 2005 qui lui a été remis à Paris au siège de l'Unesco.