Le deuxième Forum d'Alger, organisé par le cabinet Emergy en partenariat avec le quotidien Liberté et auquel Midi Libre était présent, a été tenu le 28 mai dernier à Alger sous le thème : "L'eau, l'agriculture, l'homme. La question de l'autosuffisance alimentaire dans un monde en changement. La terre nourrira-t-elle ses enfants demain ? L'Algérie nourrira-t-elle ses enfants demain ?". Les conclusions de ce forum viennent d'être publiés par les initiateurs de cette rencontre. Ce document, dont nous détenons une copie, a été adressé au gouvernement ainsi qu'à l'ensemble des institutions, personnalités et experts concernés. De ce document, il ressort que la grande problématique de l'Algérie aujourd'hui est la gestion des ressources hydriques ce qui rend l'accès à cette denrée très difficile dans certaines régions du pays. A cela vient s'ajouter la vétusté du réseau de distribution qui contribue à la perte de la moitié de cette ressource. Les experts tirent la sonnette d'alarme mais restent optimistes à condition de prendre en compte certains paramètres. Le deuxième Forum d'Alger, organisé par le cabinet Emergy en partenariat avec le quotidien Liberté et auquel Midi Libre était présent, a été tenu le 28 mai dernier à Alger sous le thème : "L'eau, l'agriculture, l'homme. La question de l'autosuffisance alimentaire dans un monde en changement. La terre nourrira-t-elle ses enfants demain ? L'Algérie nourrira-t-elle ses enfants demain ?". Les conclusions de ce forum viennent d'être publiés par les initiateurs de cette rencontre. Ce document, dont nous détenons une copie, a été adressé au gouvernement ainsi qu'à l'ensemble des institutions, personnalités et experts concernés. De ce document, il ressort que la grande problématique de l'Algérie aujourd'hui est la gestion des ressources hydriques ce qui rend l'accès à cette denrée très difficile dans certaines régions du pays. A cela vient s'ajouter la vétusté du réseau de distribution qui contribue à la perte de la moitié de cette ressource. Les experts tirent la sonnette d'alarme mais restent optimistes à condition de prendre en compte certains paramètres. Abordant la question relative aux challenges de l‘Algérie, ses forces et faiblesses, les rédacteurs du document touchent du doigt la problématique de la gestion de l‘eau. Il est connu aujourd‘hui que toute l‘Algérie vit en zone de stress hydrique (600 m3/habitant/an) contre 1.000 m3/personne/an, selon la FAO avec de surcroît une inégalité dans la répartition de cette ressource. Il reste que cela pose d‘importants challenges pour notre pays, et il nous revient de puiser dans notre génie pour y faire face avec succès. Car, en effet, la mauvaise gestion des ressources en eau aggrave le stress hydrique. De l‘avis des experts réunis lors du Forum d‘Alger, ce n‘est pas l‘eau qui manque mais son accès qui pose problème, ainsi que la pollution. Le constat est unanime, la crise de l‘eau ne vient pas de la pénurie mais de sa gestion. Pour remédier à cette situation, 66 barrages ont été construits avec une capacité totale de stockage de 7.1 milliards de m3 qui passera en 2014 à 9.1 milliards de m3 avec la mise en service des barrages en construction, soit au total 97 barrages auxquels il faut ajouter les unités de dessalement d‘eau de mer. Selon le document, il reste bien entendu que cela demeure nettement insuffisant, au regard des besoins pour assurer les quantités nécessaires à la consommation des habitants et au développement économique et, notamment, la part consommée par l‘agriculture qui, à elle seule, exige 70% du volume total pour son développement. Selon les experts en la matière, les ressources hydriques du pays pourraient être mieux optimisées avec des systèmes de transfert inter-barrages qui éviteront les déversements des trop-pleins dans la nature (barrages de Taksbet, Keddara et Beni Haroun). Des projets d‘interconnexion entre certains barrages (Taksebt et Beni Haroun) sont envisagés. La stratégie mise en œuvre par l‘Etat comprend la réalisation d‘infrastructures ainsi que les actions lourdes d‘organisation et de gestion des ressources. Les infrastructures comprennent les barrages en projet, les interconnexions entre les barrages, AEP ainsi que le transfert des eaux de la nappe albienne vers les villes des Hauts-Plateaux ou depuis In Salah vers Tamanrasset sur 740 km, projet inauguré en mai 2011. La réhabilitation des AEP est une action qui sera systématisée. La modernisation et réhabilitation des réseaux de distribution dans les grandes villes est un projet dont on attend une économie substantielle d‘eau. A terme, 37 villes seront concernées. Le dessalement jouera un rôle important avec cinq stations opérationnelles aujourd‘hui et 13 à terme avec au total une production de 2.23 millions de m3/jour. Comme dit précédemment, la crise de l‘eau serait, donc, une crise de gestion de l‘eau. Les orateurs mentionnent, notamment, la mauvaise gestion et la vétusté des réseaux avec des pertes de 50% sur les volumes distribués. Un train de mesures devrait être pris par les pouvoirs publics, à savoir combattre fermement le gaspillage sous toutes ses formes en intégrant la notion d‘économie d‘eau au même titre que l‘économie d‘énergie, agir sur le mode d‘irrigation en adoptant comme cela se fait dans certains pays qui ont obtenu des résultats probants, le système du goutte à goutte et réviser la tarification de cette ressource en différenciant les secteurs en fonction de leur niveau de consommation d‘eau. La pluviométrie en Algérie a atteint un pic en 1975 de 19.4 milliards de m3 puis n‘a cessé de décliner. Le volume des précipitations est en baisse de 30% depuis les années soixante-dix dans l‘ouest du pays. Le potentiel actuel est estimé à 17.1 milliards de m3, dont 70% destinés à l‘agriculture. Le stress hydrique dans notre pays risque de s‘aggraver avec l‘augmentation attendue de la population et la baisse des disponibilités avec la désertification et la pollution. Il existe réellement un danger pour les générations futures Cela étant, le recours au dessalement d‘eau de mer semble être inéluctable à terme. Des pays comme les Etats-Unis, qui, par ailleurs, ont suffisamment de sources d‘approvisionnement en eau potable, n‘hésitent pas à recourir à l‘eau dessalée à raison de 7.5 millions de m3 par jour. Nous disposons de 1.200 kilomètres de côtes. Même si l‘eau dessalée revient cher : 45 DA contre 12 DA pour l‘eau conventionnelle, l‘investissement ne pourra qu‘être rentable sachant qu‘à l‘horizon 2030, même avec une bonne pluviométrie, l‘Algérie sera confrontée, selon des observateurs avertis, à de sérieux problèmes d‘eau dramatiques notamment pour l‘agriculture. Une politique de rationalisation de l‘utilisation de l‘eau s‘impose urgemment. Si le recours au dessalement est une nécessité, l‘Algérie doit devenir un leader mondial dans le dessalement de l‘eau de mer. Il faut dès à présent envisager des concepts novateurs, comme le dessalement couplé au solaire car le rendement énergétique de l‘utilisation du gaz naturel pour le dessalement de l‘eau de mer est médiocre. Ajoutons à cela le ralentissement du développement gazier qui réduit les disponibilités en gaz à moyen terme. D‘autre part, puisque l‘option technologique choisie est l‘osmose inverse, il se pose le problème de la dépendance technologique vis-à-vis des fabricants de membranes. En règle générale, la question de l‘intégration nationale a été abordée par plusieurs orateurs dans la salle. Autant pour les systèmes de pomperie que pour les systèmes solaires thermodynamiques et photovoltaïques utilisés dans les projets de dessalement recommandés. L‘Algérie doit saisir l‘occasion de cette réorientation technologique dans la satisfaction de ses besoins en eau pour s‘engager activement dans ces domaines technologiques d‘avenir. Il est recommandé de lier l‘attribution des marchés en matière de dessalement, à l‘implication des entreprises et universités algériennes dans ces projets et même l‘entrée dans le capital des sociétés étrangères qui convoitent le marché algérien par les entreprises algériennes publiques et privées. L‘Algérie doit devenir un réel leader dans le dessalement, autant par les capacités installées qui font d‘elle, à terme, la cinquième mondiale que par la maîtrise de la technologie, la fabrication d‘équipements et de membranes. Le lien avec le solaire est souligné. Moderniser l‘agriculture pour atteindre la souveraineté alimentaire Notre pays accentue sa tendance à l‘importation. En effet, la facture d‘importation des produits alimentaires a quadruplé depuis 2000 et est passée de 2,6 milliards de dollars en 2003 à 5 milliards de dollars en 2007. Cette tendance s‘est poursuivie ces dernières années au point d‘atteindre les 8 milliards de dollars alors que notre pays dépend à 75% des importations dans la satisfaction de ses besoins alimentaires. Cela malgré la volonté affichée des autorités de la réduire. Les produits agricoles représentent 30% de la valeur de nos importations et nous sommes sévèrement exposés à la volatilité des prix mondiaux. La production locale de céréales ne couvre que 25% de nos besoins. 60% de nos besoins de lait en poudre sont couverts par les importations. Le pouvoir d‘achat de la population est érodé par la tendance haussière des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux. L‘aisance pétrolière a permis à notre pays, septième importateur mondial de céréales, de supporter l‘inflation des prix agricoles, mais pour combien de temps encore ? Est-ce possible considérant les aléas du marché pétrolier ? Est-ce possible à long terme ? N‘est-ce pas une aberration stratégique que de subir, donc, le dutsch disease y compris dans l‘agriculture ? La sécurité alimentaire reste un véritable challenge pour notre pays et se pose en effet, en termes de souveraineté. Pour les professionnels, l‘objectif devra être d‘assurer la satisfaction par la production nationale d‘une part majeure de nos besoins alimentaires. Il conviendra, pour cela, de mobiliser toutes les énergies privées pour l‘atteinte de cet objectif. L‘Etat jouera le rôle directeur. La sécurité alimentaire est indissociable d‘une modernisation de l‘agriculture et l‘agro-industrie est un important facteur d‘impulsion et de modernisation de l‘agriculture. Nous devons faire appel à notre intelligence et il nous revient de puiser dans notre génie pour y faire face avec succès. L‘anticipation par la création de nouvelles richesses, notamment à partir de l‘énergie solaire, d‘une part, et une forte implication de la jeunesse, d‘autre part, est une option incontournable si nous voulons appréhender l‘avenir sous de meilleures auspices et, notamment, dans le cadre du développement durable en y intégrant d‘ores et déjà l‘esprit d‘écocitoyenneté qui est bien avancé dans les sociétés développées. Ce qui assurera le bien-être de la population sans compromettre l‘avenir des générations futures. Industrie agro-alimentaire et la modernisation de l‘agriculture en amont : quel lien ? Le rôle de l‘industrie agro-alimentaire dans la modernisation de l‘agriculture a été souligné. La preuve est faite par des opérateurs algériens que nous pouvons aller vers de nouveaux concepts. L‘Etat doit encourager le partage d‘expérience et la mutualisation des initiatives. Les opérateurs qui feront preuve d‘initiative, d‘innovation et d‘un engagement réel devront bénéficier de son soutien qui peut prendre plusieurs formes, mutualisation de fonctions transversales (achat, commercialisation des produits, laboratoires de contrôle qualité ou de recherche, etc.) sous l‘égide des collectivités locales, investissement (y compris la participation dans leur capital à travers des banques et entreprises publiques), fiscalité, subventions mais aussi protections douanières. Il faut impliquer l‘université dans ces challenges et mobiliser les jeunes diplômés dans la production et la recherche. On peut imaginer que l‘Etat encourage, y compris en s‘impliquant dans le capital, la constitution de champions nationaux. La désorganisation du commerce des produits agricoles est un problème qui décourage l‘acte de production. Dans le même temps, cela nourrit l‘inflation et pénalise les faibles revenus. L‘Etat doit intervenir activement pour que les bénéfices reviennent aux producteurs et soient investis dans l‘amélioration des performances de production au lieu d‘être dirigés vers des dépenses hors agriculture, dépenses somptuaires, spéculation, évasion de capitaux, etc. L‘Etat doit être plus présent, sinon rien n‘est possible. Il doit moderniser les institutions de contrôle. D‘autre part, il a été mis en évidence la nécessité d‘une meilleure visibilité pour les agriculteurs pour minimiser les facteurs aléatoires. On se lance dans la tomate, puis faute de débouchés et avec de sévères pertes, on abandonne et l‘année suivante il y a une pénurie. Au niveau local, il faut que les agriculteurs coordonnent leurs actions en liaison (ou sous la direction) de l‘industrie agro-alimentaire qui peut enclencher de nouvelles logiques de programmation de la production. L‘Etat doit encourager de telles dynamiques. Unanimement, les participants ont convergé vers la nécessité d‘aller vers de nouveaux concepts de production et de commercialisation. Il faut aussi diversifier l‘économie car la question de l‘agriculture ne peut être abordée isolément. Elle est au confluent de nombreux secteurs de l‘économie nationale et subit les contrecoups de leur retard. Mais ce n‘est pas un obstacle infranchissable. Sur un autre registre, il ne faut pas rechercher l‘autosuffisance absolue, il faut viser l‘amélioration de la productivité d‘autres secteurs car on peut exporter des produits alimentaires et importer des céréales, domaine où l‘autosuffisance semble difficile à atteindre. Le lien entre performances de l‘agriculture et techniques d‘irrigation modernes a été fortement souligné. Il faut abandonner les méthodes archaïques d‘irrigation et viser une gestion optimum en généralisant le goutte-à-goutte. L‘expérience du groupe Benamor exposée par ses représentants a illustré ce principe. Ainsi, par exemple, dans la région de Guelma, dans les conditions actuelles, il faut 60 litres d‘eau pour produire un kilo de tomate. Pour avoir 100.000 tonnes de concentré, il faut 500.000 tonnes de tomate fraîche sur 16.000 ha. En aspersion, les besoins sont alors de 7.000 m3 d‘eau par hectare, soit 112 millions de m3. L‘utilisation du goutte-à-goutte réduit les besoins à 4.000 m3/ha. Tout ceci a montré la possibilité de multiplier les rendements par 2 ou 3 en passant de 20 tonnes par hectare en 2000 à 60 tonnes/ha actuellement. A titre de comparaison, les rendements sont de 20 tonnes/ha en Algérie contre 42 au Maroc et 62 en Tunisie, 80 en Italie, 70 en Espagne, 60 en Turquie et 43 en Grèce. Les céréales sont un domaine qui requiert la mise en place d‘une organisation intégrant tous les acteurs de la filière permettant aux entrepreneurs de mieux identifier les réponses à leurs préoccupations et besoins. L‘objectif doit être non seulement plus quantitatif, mais surtout l‘amélioration de la qualité du blé dur local, tout en veillant à développer les meilleures variétés de blé, considérant les conditions de la culture en Algérie (sol, climat) et qui résistent le mieux au stress hydrique. Le blé dur local ne s‘adaptait pas aux équipements des minotiers car il comportait beaucoup de déchets, les agriculteurs ne maîtrisant pas bien la technique du désherbage. Une action en ce sens a amélioré le fonctionnement de la filière. Il faut aussi développer autour de la filière des réseaux impliquant producteurs, industriels, stockeurs mais aussi et surtout universités et centres de recherche. Le groupe Benamor a indiqué avoir créé un Comité de suivi multidisciplinaire pour l‘amélioration de la qualité du blé dur. La concertation et l‘évaluation permanente de l‘expérience ainsi que la mise en synergie des qualifications et des moyens des intervenants sont considérés comme nécessaires pour l‘atteinte de l‘objectif. Il faut aller vers un meilleur choix variétal, une meilleure maîtrise de la fertilisation et de l‘irrigation, mais aussi une mécanisation adéquate pour améliorer les rendements et réduire la consommation d‘eau. Il faut «choisir des espèces qui ne consomment pas beaucoup d‘eau et opter pour l‘irrigation localisée, le goutte-à-goutte». Exemple à citer, le groupe Benamor a créé en 2004 une cellule agronomique mobile qui est allée vers les agriculteurs, fait un audit et pensé son développement en amont. Cette démarche a montré que le mal de la tomate c‘était les plants et que beaucoup de producteurs travaillaient à perte, avec une absence de visibilité. Les plans de production se font sur une base aléatoire. Le groupe s‘est aussi doté d‘une cellule météorologique pour passer, selon les mots de ses représentants, d‘une gestion aléatoire à une gestion raisonnée. De tout ce qui a été dit et relevé, il ressort que l‘Algérie peut nourrir ses enfants demain à la condition toutefois d‘aller vers de nouveaux concepts et moderniser l‘agriculture impérativement. Pour les experts présents au forum, il ne semble plus possible de poser la question de la sécurité alimentaire sous le seul angle national car aucun pays, même s‘il se concentre sur ses moyens nationaux, ne peut viser l‘autosuffisance alimentaire absolue. Il s‘agit donc, pour eux, de rechercher un équilibre dynamique entre consommation, production, importations et exportations. Maîtriser les produits essentiels comme les céréales, dans leur production, qui doit atteindre un niveau minima critique mais aussi, savoir acheter et importer dans les meilleures conditions. Il faut exporter ce que l‘on sait et peut faire à l‘optimum, considérant les ressources hydriques disponibles, la qualité des sols et les caractéristiques des produits agricoles. La production et l‘exportation d‘huile d‘olives est une option possible. Il faut relever ce défi avec des ressources hydriques limitées et donc rechercher impérativement des réserves de productivité. Moderniser l‘agriculture devient alors un impératif pour gagner en productivité et compétitivité et poser en termes nouveaux la question de l‘irrigation et des choix de variétés en recherchant toujours la moindre consommation en eau et les meilleurs rendements. L‘agro-industrie se révèle comme le moyen pour moderniser l‘agriculture qui constitue son amont et peut mener les agriculteurs vers des modes d‘organisation et des règles de fonctionnement modernes. Il faut également libérer les initiatives privées et encourager l‘innovation, l‘initiative et l‘excellence. Maîtriser le dessalement pour devenir un leader dans la fabrication d‘équipements et de membranes. Abordant la question relative aux challenges de l‘Algérie, ses forces et faiblesses, les rédacteurs du document touchent du doigt la problématique de la gestion de l‘eau. Il est connu aujourd‘hui que toute l‘Algérie vit en zone de stress hydrique (600 m3/habitant/an) contre 1.000 m3/personne/an, selon la FAO avec de surcroît une inégalité dans la répartition de cette ressource. Il reste que cela pose d‘importants challenges pour notre pays, et il nous revient de puiser dans notre génie pour y faire face avec succès. Car, en effet, la mauvaise gestion des ressources en eau aggrave le stress hydrique. De l‘avis des experts réunis lors du Forum d‘Alger, ce n‘est pas l‘eau qui manque mais son accès qui pose problème, ainsi que la pollution. Le constat est unanime, la crise de l‘eau ne vient pas de la pénurie mais de sa gestion. Pour remédier à cette situation, 66 barrages ont été construits avec une capacité totale de stockage de 7.1 milliards de m3 qui passera en 2014 à 9.1 milliards de m3 avec la mise en service des barrages en construction, soit au total 97 barrages auxquels il faut ajouter les unités de dessalement d‘eau de mer. Selon le document, il reste bien entendu que cela demeure nettement insuffisant, au regard des besoins pour assurer les quantités nécessaires à la consommation des habitants et au développement économique et, notamment, la part consommée par l‘agriculture qui, à elle seule, exige 70% du volume total pour son développement. Selon les experts en la matière, les ressources hydriques du pays pourraient être mieux optimisées avec des systèmes de transfert inter-barrages qui éviteront les déversements des trop-pleins dans la nature (barrages de Taksbet, Keddara et Beni Haroun). Des projets d‘interconnexion entre certains barrages (Taksebt et Beni Haroun) sont envisagés. La stratégie mise en œuvre par l‘Etat comprend la réalisation d‘infrastructures ainsi que les actions lourdes d‘organisation et de gestion des ressources. Les infrastructures comprennent les barrages en projet, les interconnexions entre les barrages, AEP ainsi que le transfert des eaux de la nappe albienne vers les villes des Hauts-Plateaux ou depuis In Salah vers Tamanrasset sur 740 km, projet inauguré en mai 2011. La réhabilitation des AEP est une action qui sera systématisée. La modernisation et réhabilitation des réseaux de distribution dans les grandes villes est un projet dont on attend une économie substantielle d‘eau. A terme, 37 villes seront concernées. Le dessalement jouera un rôle important avec cinq stations opérationnelles aujourd‘hui et 13 à terme avec au total une production de 2.23 millions de m3/jour. Comme dit précédemment, la crise de l‘eau serait, donc, une crise de gestion de l‘eau. Les orateurs mentionnent, notamment, la mauvaise gestion et la vétusté des réseaux avec des pertes de 50% sur les volumes distribués. Un train de mesures devrait être pris par les pouvoirs publics, à savoir combattre fermement le gaspillage sous toutes ses formes en intégrant la notion d‘économie d‘eau au même titre que l‘économie d‘énergie, agir sur le mode d‘irrigation en adoptant comme cela se fait dans certains pays qui ont obtenu des résultats probants, le système du goutte à goutte et réviser la tarification de cette ressource en différenciant les secteurs en fonction de leur niveau de consommation d‘eau. La pluviométrie en Algérie a atteint un pic en 1975 de 19.4 milliards de m3 puis n‘a cessé de décliner. Le volume des précipitations est en baisse de 30% depuis les années soixante-dix dans l‘ouest du pays. Le potentiel actuel est estimé à 17.1 milliards de m3, dont 70% destinés à l‘agriculture. Le stress hydrique dans notre pays risque de s‘aggraver avec l‘augmentation attendue de la population et la baisse des disponibilités avec la désertification et la pollution. Il existe réellement un danger pour les générations futures Cela étant, le recours au dessalement d‘eau de mer semble être inéluctable à terme. Des pays comme les Etats-Unis, qui, par ailleurs, ont suffisamment de sources d‘approvisionnement en eau potable, n‘hésitent pas à recourir à l‘eau dessalée à raison de 7.5 millions de m3 par jour. Nous disposons de 1.200 kilomètres de côtes. Même si l‘eau dessalée revient cher : 45 DA contre 12 DA pour l‘eau conventionnelle, l‘investissement ne pourra qu‘être rentable sachant qu‘à l‘horizon 2030, même avec une bonne pluviométrie, l‘Algérie sera confrontée, selon des observateurs avertis, à de sérieux problèmes d‘eau dramatiques notamment pour l‘agriculture. Une politique de rationalisation de l‘utilisation de l‘eau s‘impose urgemment. Si le recours au dessalement est une nécessité, l‘Algérie doit devenir un leader mondial dans le dessalement de l‘eau de mer. Il faut dès à présent envisager des concepts novateurs, comme le dessalement couplé au solaire car le rendement énergétique de l‘utilisation du gaz naturel pour le dessalement de l‘eau de mer est médiocre. Ajoutons à cela le ralentissement du développement gazier qui réduit les disponibilités en gaz à moyen terme. D‘autre part, puisque l‘option technologique choisie est l‘osmose inverse, il se pose le problème de la dépendance technologique vis-à-vis des fabricants de membranes. En règle générale, la question de l‘intégration nationale a été abordée par plusieurs orateurs dans la salle. Autant pour les systèmes de pomperie que pour les systèmes solaires thermodynamiques et photovoltaïques utilisés dans les projets de dessalement recommandés. L‘Algérie doit saisir l‘occasion de cette réorientation technologique dans la satisfaction de ses besoins en eau pour s‘engager activement dans ces domaines technologiques d‘avenir. Il est recommandé de lier l‘attribution des marchés en matière de dessalement, à l‘implication des entreprises et universités algériennes dans ces projets et même l‘entrée dans le capital des sociétés étrangères qui convoitent le marché algérien par les entreprises algériennes publiques et privées. L‘Algérie doit devenir un réel leader dans le dessalement, autant par les capacités installées qui font d‘elle, à terme, la cinquième mondiale que par la maîtrise de la technologie, la fabrication d‘équipements et de membranes. Le lien avec le solaire est souligné. Moderniser l‘agriculture pour atteindre la souveraineté alimentaire Notre pays accentue sa tendance à l‘importation. En effet, la facture d‘importation des produits alimentaires a quadruplé depuis 2000 et est passée de 2,6 milliards de dollars en 2003 à 5 milliards de dollars en 2007. Cette tendance s‘est poursuivie ces dernières années au point d‘atteindre les 8 milliards de dollars alors que notre pays dépend à 75% des importations dans la satisfaction de ses besoins alimentaires. Cela malgré la volonté affichée des autorités de la réduire. Les produits agricoles représentent 30% de la valeur de nos importations et nous sommes sévèrement exposés à la volatilité des prix mondiaux. La production locale de céréales ne couvre que 25% de nos besoins. 60% de nos besoins de lait en poudre sont couverts par les importations. Le pouvoir d‘achat de la population est érodé par la tendance haussière des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux. L‘aisance pétrolière a permis à notre pays, septième importateur mondial de céréales, de supporter l‘inflation des prix agricoles, mais pour combien de temps encore ? Est-ce possible considérant les aléas du marché pétrolier ? Est-ce possible à long terme ? N‘est-ce pas une aberration stratégique que de subir, donc, le dutsch disease y compris dans l‘agriculture ? La sécurité alimentaire reste un véritable challenge pour notre pays et se pose en effet, en termes de souveraineté. Pour les professionnels, l‘objectif devra être d‘assurer la satisfaction par la production nationale d‘une part majeure de nos besoins alimentaires. Il conviendra, pour cela, de mobiliser toutes les énergies privées pour l‘atteinte de cet objectif. L‘Etat jouera le rôle directeur. La sécurité alimentaire est indissociable d‘une modernisation de l‘agriculture et l‘agro-industrie est un important facteur d‘impulsion et de modernisation de l‘agriculture. Nous devons faire appel à notre intelligence et il nous revient de puiser dans notre génie pour y faire face avec succès. L‘anticipation par la création de nouvelles richesses, notamment à partir de l‘énergie solaire, d‘une part, et une forte implication de la jeunesse, d‘autre part, est une option incontournable si nous voulons appréhender l‘avenir sous de meilleures auspices et, notamment, dans le cadre du développement durable en y intégrant d‘ores et déjà l‘esprit d‘écocitoyenneté qui est bien avancé dans les sociétés développées. Ce qui assurera le bien-être de la population sans compromettre l‘avenir des générations futures. Industrie agro-alimentaire et la modernisation de l‘agriculture en amont : quel lien ? Le rôle de l‘industrie agro-alimentaire dans la modernisation de l‘agriculture a été souligné. La preuve est faite par des opérateurs algériens que nous pouvons aller vers de nouveaux concepts. L‘Etat doit encourager le partage d‘expérience et la mutualisation des initiatives. Les opérateurs qui feront preuve d‘initiative, d‘innovation et d‘un engagement réel devront bénéficier de son soutien qui peut prendre plusieurs formes, mutualisation de fonctions transversales (achat, commercialisation des produits, laboratoires de contrôle qualité ou de recherche, etc.) sous l‘égide des collectivités locales, investissement (y compris la participation dans leur capital à travers des banques et entreprises publiques), fiscalité, subventions mais aussi protections douanières. Il faut impliquer l‘université dans ces challenges et mobiliser les jeunes diplômés dans la production et la recherche. On peut imaginer que l‘Etat encourage, y compris en s‘impliquant dans le capital, la constitution de champions nationaux. La désorganisation du commerce des produits agricoles est un problème qui décourage l‘acte de production. Dans le même temps, cela nourrit l‘inflation et pénalise les faibles revenus. L‘Etat doit intervenir activement pour que les bénéfices reviennent aux producteurs et soient investis dans l‘amélioration des performances de production au lieu d‘être dirigés vers des dépenses hors agriculture, dépenses somptuaires, spéculation, évasion de capitaux, etc. L‘Etat doit être plus présent, sinon rien n‘est possible. Il doit moderniser les institutions de contrôle. D‘autre part, il a été mis en évidence la nécessité d‘une meilleure visibilité pour les agriculteurs pour minimiser les facteurs aléatoires. On se lance dans la tomate, puis faute de débouchés et avec de sévères pertes, on abandonne et l‘année suivante il y a une pénurie. Au niveau local, il faut que les agriculteurs coordonnent leurs actions en liaison (ou sous la direction) de l‘industrie agro-alimentaire qui peut enclencher de nouvelles logiques de programmation de la production. L‘Etat doit encourager de telles dynamiques. Unanimement, les participants ont convergé vers la nécessité d‘aller vers de nouveaux concepts de production et de commercialisation. Il faut aussi diversifier l‘économie car la question de l‘agriculture ne peut être abordée isolément. Elle est au confluent de nombreux secteurs de l‘économie nationale et subit les contrecoups de leur retard. Mais ce n‘est pas un obstacle infranchissable. Sur un autre registre, il ne faut pas rechercher l‘autosuffisance absolue, il faut viser l‘amélioration de la productivité d‘autres secteurs car on peut exporter des produits alimentaires et importer des céréales, domaine où l‘autosuffisance semble difficile à atteindre. Le lien entre performances de l‘agriculture et techniques d‘irrigation modernes a été fortement souligné. Il faut abandonner les méthodes archaïques d‘irrigation et viser une gestion optimum en généralisant le goutte-à-goutte. L‘expérience du groupe Benamor exposée par ses représentants a illustré ce principe. Ainsi, par exemple, dans la région de Guelma, dans les conditions actuelles, il faut 60 litres d‘eau pour produire un kilo de tomate. Pour avoir 100.000 tonnes de concentré, il faut 500.000 tonnes de tomate fraîche sur 16.000 ha. En aspersion, les besoins sont alors de 7.000 m3 d‘eau par hectare, soit 112 millions de m3. L‘utilisation du goutte-à-goutte réduit les besoins à 4.000 m3/ha. Tout ceci a montré la possibilité de multiplier les rendements par 2 ou 3 en passant de 20 tonnes par hectare en 2000 à 60 tonnes/ha actuellement. A titre de comparaison, les rendements sont de 20 tonnes/ha en Algérie contre 42 au Maroc et 62 en Tunisie, 80 en Italie, 70 en Espagne, 60 en Turquie et 43 en Grèce. Les céréales sont un domaine qui requiert la mise en place d‘une organisation intégrant tous les acteurs de la filière permettant aux entrepreneurs de mieux identifier les réponses à leurs préoccupations et besoins. L‘objectif doit être non seulement plus quantitatif, mais surtout l‘amélioration de la qualité du blé dur local, tout en veillant à développer les meilleures variétés de blé, considérant les conditions de la culture en Algérie (sol, climat) et qui résistent le mieux au stress hydrique. Le blé dur local ne s‘adaptait pas aux équipements des minotiers car il comportait beaucoup de déchets, les agriculteurs ne maîtrisant pas bien la technique du désherbage. Une action en ce sens a amélioré le fonctionnement de la filière. Il faut aussi développer autour de la filière des réseaux impliquant producteurs, industriels, stockeurs mais aussi et surtout universités et centres de recherche. Le groupe Benamor a indiqué avoir créé un Comité de suivi multidisciplinaire pour l‘amélioration de la qualité du blé dur. La concertation et l‘évaluation permanente de l‘expérience ainsi que la mise en synergie des qualifications et des moyens des intervenants sont considérés comme nécessaires pour l‘atteinte de l‘objectif. Il faut aller vers un meilleur choix variétal, une meilleure maîtrise de la fertilisation et de l‘irrigation, mais aussi une mécanisation adéquate pour améliorer les rendements et réduire la consommation d‘eau. Il faut «choisir des espèces qui ne consomment pas beaucoup d‘eau et opter pour l‘irrigation localisée, le goutte-à-goutte». Exemple à citer, le groupe Benamor a créé en 2004 une cellule agronomique mobile qui est allée vers les agriculteurs, fait un audit et pensé son développement en amont. Cette démarche a montré que le mal de la tomate c‘était les plants et que beaucoup de producteurs travaillaient à perte, avec une absence de visibilité. Les plans de production se font sur une base aléatoire. Le groupe s‘est aussi doté d‘une cellule météorologique pour passer, selon les mots de ses représentants, d‘une gestion aléatoire à une gestion raisonnée. De tout ce qui a été dit et relevé, il ressort que l‘Algérie peut nourrir ses enfants demain à la condition toutefois d‘aller vers de nouveaux concepts et moderniser l‘agriculture impérativement. Pour les experts présents au forum, il ne semble plus possible de poser la question de la sécurité alimentaire sous le seul angle national car aucun pays, même s‘il se concentre sur ses moyens nationaux, ne peut viser l‘autosuffisance alimentaire absolue. Il s‘agit donc, pour eux, de rechercher un équilibre dynamique entre consommation, production, importations et exportations. Maîtriser les produits essentiels comme les céréales, dans leur production, qui doit atteindre un niveau minima critique mais aussi, savoir acheter et importer dans les meilleures conditions. Il faut exporter ce que l‘on sait et peut faire à l‘optimum, considérant les ressources hydriques disponibles, la qualité des sols et les caractéristiques des produits agricoles. La production et l‘exportation d‘huile d‘olives est une option possible. Il faut relever ce défi avec des ressources hydriques limitées et donc rechercher impérativement des réserves de productivité. Moderniser l‘agriculture devient alors un impératif pour gagner en productivité et compétitivité et poser en termes nouveaux la question de l‘irrigation et des choix de variétés en recherchant toujours la moindre consommation en eau et les meilleurs rendements. L‘agro-industrie se révèle comme le moyen pour moderniser l‘agriculture qui constitue son amont et peut mener les agriculteurs vers des modes d‘organisation et des règles de fonctionnement modernes. Il faut également libérer les initiatives privées et encourager l‘innovation, l‘initiative et l‘excellence. Maîtriser le dessalement pour devenir un leader dans la fabrication d‘équipements et de membranes.