Plus que quelques mois et Driss et Hayat se marieront. Tous les deux étaient encore étudiants, mais comme ils s'aimaient et que leurs parents avaient les moyens de faire face aux dépenses d'une fête, ils s'étaient dit qu'il n'y avait pas lieu de reculer le bonheur suprême que pouvait procurer une vie conjugale. Plus que quelques mois et Driss et Hayat se marieront. Tous les deux étaient encore étudiants, mais comme ils s'aimaient et que leurs parents avaient les moyens de faire face aux dépenses d'une fête, ils s'étaient dit qu'il n'y avait pas lieu de reculer le bonheur suprême que pouvait procurer une vie conjugale. Hayat, dans un premier temps, vivrait chez ses beaux-parents qui ont une grande villa, puis avec son mari, ils aviseraient. De toutes les manières, ils étaient jeunes tous les deux et avaient le temps de voir les choses venir. Les deux tourtereaux avaient fini tous les préparatifs : ils avaient acheté une belle chambre à coucher, une télé à écran plat qu'ils avaient placée dans leur chambre ainsi qu'un bureau… ou plutôt un secrétaire en bois massif et un climatiseur. La location de la salle des fêtes où la cérémonie de mariage devait avoir lieu était payée ainsi que les gâteaux et tout le repas de la fête. Même la voiture de la mariée était réservée. Il ne manquait qu'une… paire de chaussures assortie au costume que porterait Driss le jour «j» et la nuit «n». Driss avait toujours acheté ses vêtements et ses chaussures en un temps record. Très souvent en fin d'après midi, à la sortie de l'université. Il n'était pas difficile du tout : l'essentiel est qu'il soit habillé de manière convenable pour un étudiant en médecine. Mais ce jour-là, à quelques mois de son mariage, Hayat, sa future épouse, lui téléphona pour lu demander ce qu'il avait l'intention de faire le lendemain et dès qu'elle eut appris qu'il comptait acheter une paire de chaussures, elle lui dit : - Ah ! Il faut que je vienne avec toi ! Le costume est d'une très grande facture, il serait malheureux de lui enjoindre une paire de chaussures quelconque qui risquerait de l'amoindrir. C'est moi qui te la choisirai… - Euh… Non… S'il te plaît, Hayat… je préfère acheter cette paire de chaussures tout seul. - Tu ne veux pas que je sorte avec toi ? - Si, mais sortir juste pour sortir pas pour acheter quelque chose. Tu te rappelles la dernière fois lorsque nous avons acheté la parure en or ? Nous avons passé une semaine à vadrouiller à Alger pour finalement en acheter une juste devant ton domicile. - Nous avons passé une semaine à chercher une parure parce qu'il s'agissait de débourser une grosse somme alors que là, il s'agit d'une paire de chaussures. Si au bout de quelques jours, tu découvres qu‘elle ne te plaît pas, tu la mets de côté c'est tout. Le lendemain, tout se passa comme le craignait Driss. Ils étaient entrés dans une dizaine de magasins de chaussures sans qu'ils ne soient parvenus à se décider. A chaque fois qu'une paire plaisait au jeune homme, sa fiancée l'en dissuadait. Comme il commençait à avoir la tête qui tournait, il décida d'inviter sa fiancée à déjeuner dans une pizzeria. Mais celle-ci refusa l'invitation. - Ah ! Non, je ne veux pas que tu te dises que tu n'as pas acheté de chaussures à cause de moi… Il n'est que 11h30, on fait encore un ou deux magasins, Driss. - Non, Hayat… Nous allons acheter cette foutue paire de chaussures dans le premier magasin de chaussures que nous rencontrons. De toutes les manières, personne ne fera attention à mes chaussures. Tous les regards seront braqués sur la mariée. - Oui, c'est vrai… Le magasin suivant se trouvait à la rue Didouche-Mourad. Driss entra le premier et Hayat le suivit. Au fond du magasin, un jeune vendeur somnolait. Ce qui incita Hayat à chuchoter à l'oreille de Driss : - Ce magasin est nul. Tellement personne n'y entre, le vendeur s'est endormi.. - Tais-toi, Hayat, lui répondit Driss à voix basse… Il pourrait t'entendre et se vexer… Les gens sont très susceptibles de nos jours, tu sais… - D'accord… je me tais… Driss parcourut des yeux le contenu des étagères et dut fournir un effort pour ne pas siffler en raison des prix affichés : la paire la moins chère valait 4.000 DA. Voyant que Driss hésitait, le jeune vendeur lui demanda : - Je peux vous aider, mon frère ? - Oui, pourquoi pas ? J'ai envie d'acheter une paire de chaussures… - Ah ! ça, je le sais… mais des chaussures à porter avec un Jean, un costume… ? - Un costume sombre pour un mariage. - Pour un mariage… j'ai une très belle paire... Attendez, je vais vous la ramener… Le jeune vendeur disparut un moment dans l'arrière-boutique et lui ramena une paire de chaussures noires. Dès que Hayat l'eut vue, elle chuchota à l'oreille de son fiancé : - Il te prend pour un plouc ! Un beggar ! Il te ramène de l'arrière-boutique une chaussure dont personne n'a voulu et il espère te la vendre. Le jeune vendeur répliqua alors. - Madame, vous êtes méchante ! Vous auriez pu dire que cette paire de chaussures ne vous plaisait pas… c'est votre droit mais sans me prêter des intentions que je n'ai pas. Driss n'aimait pas les problèmes mais comme tous les Algériens, quand il s'énerve il se transforme en volcan, il regarda Hayat. - S'il te plaît, Hayat, calme-toi… et laisse-moi discuter avec le monsieur… Moi, elle me plaît cette paire de chaussures… 4.500 DA, c'est un peu cher mais elle fait l'affaire. Loin de se calmer Hayat revint à la rescousse : - Ça y est, Driss, il t'a eu ! il t'a fourgué sa camelote ? Là, le vendeur vit rouge et répondit à Hayat : - C'est toi qui es une camelote ! Et cette fois-ci, c'était Driss qui vit rouge. Tout en gardant la paire de chaussures à la main il dit à sa fiancée : - Sors d'ici… - Pourquoi ? - Sors je te dis ! Il t'insulte et tu veux que je le laisse faire ? Sors et rentre à la maison. Le vendeur qui bouillonnait comme une cocote minute bouscula alors Driss en lui lançant : «Sors d'ici, toi aussi, ordure !». Driss chancela, parvint à garder son équilibre et riposta en frappant au visage le vendeur avec les chaussures qu'il tenait toujours fortement comme s'il avait réalisé qu'elles lui serviraient d'armes. Au moment où Hayat sortait, elle aperçut Mouloud, un copain de son mari. - Mouloud ! Mouloud ! Viens vite… Driss a des problèmes avec un vendeur indélicat et agressif. - Quoi ? Driss a des problèmes ? Où est-il ? - Dans le magasin ? Mouloud entra dans le magasin au moment où le vendeur repartait à l'attaque avec un balai. Le coup de balai alla dans le vide mais le coup de tête de Driss envoya le vendeur contre les étagères. Et aussitôt, des dizaines de chaussures se retrouvèrent par terre. Et voilà qu'un second vendeur se trouvant à l'intérieur de l'arrière-boutique sortit avec un énorme tournevis. Driss en voyant le tournevis et l'arcade sourcilière en sang du vendeur réalisa soudain qu'il était en train de commettre une bêtise. Il saisit son copain par le bras et lui lança : «Ne restons pas là.» Mouloud avant de s'en aller eut le temps de balancer le balai à la face du second vendeur. Puis, il emboîta le pas à son ami. Les deux jeunes gens s'étaient dit que la course poursuite durerait seulement quelques mètres mais quelle ne fut leur surprise de voir le second vendeur s'échiner à courir derrière eux en criant : «Au voleur ! Au voleur !» Les deux fuyards arrivèrent à la rue Asselah Hocine (en dessous de la Grande Poste ) où des policiers les arrêtèrent enfin. Ce n'est qu'à ce moment-là que Driss comprit pourquoi le vendeur n'arrêtait pas de hurler «Au voleur ! Au voleur !» : Il avait toujours à la main la paire de chaussures à 4.500 DA ! La semaine dernière, Driss et son ami Mouloud se sont retrouvés au tribunal d'Alger pour coups et blessures suivis de vol. Le procureur général a requis contre eux cinq ans de prison ferme. Le verdict final sera prononcé dans les jours à venir. Si la peine est confirmée, le mariage de Driss et Hayat n'aura pas lieu dans quelques mois mais dans quelques années. Hayat, dans un premier temps, vivrait chez ses beaux-parents qui ont une grande villa, puis avec son mari, ils aviseraient. De toutes les manières, ils étaient jeunes tous les deux et avaient le temps de voir les choses venir. Les deux tourtereaux avaient fini tous les préparatifs : ils avaient acheté une belle chambre à coucher, une télé à écran plat qu'ils avaient placée dans leur chambre ainsi qu'un bureau… ou plutôt un secrétaire en bois massif et un climatiseur. La location de la salle des fêtes où la cérémonie de mariage devait avoir lieu était payée ainsi que les gâteaux et tout le repas de la fête. Même la voiture de la mariée était réservée. Il ne manquait qu'une… paire de chaussures assortie au costume que porterait Driss le jour «j» et la nuit «n». Driss avait toujours acheté ses vêtements et ses chaussures en un temps record. Très souvent en fin d'après midi, à la sortie de l'université. Il n'était pas difficile du tout : l'essentiel est qu'il soit habillé de manière convenable pour un étudiant en médecine. Mais ce jour-là, à quelques mois de son mariage, Hayat, sa future épouse, lui téléphona pour lu demander ce qu'il avait l'intention de faire le lendemain et dès qu'elle eut appris qu'il comptait acheter une paire de chaussures, elle lui dit : - Ah ! Il faut que je vienne avec toi ! Le costume est d'une très grande facture, il serait malheureux de lui enjoindre une paire de chaussures quelconque qui risquerait de l'amoindrir. C'est moi qui te la choisirai… - Euh… Non… S'il te plaît, Hayat… je préfère acheter cette paire de chaussures tout seul. - Tu ne veux pas que je sorte avec toi ? - Si, mais sortir juste pour sortir pas pour acheter quelque chose. Tu te rappelles la dernière fois lorsque nous avons acheté la parure en or ? Nous avons passé une semaine à vadrouiller à Alger pour finalement en acheter une juste devant ton domicile. - Nous avons passé une semaine à chercher une parure parce qu'il s'agissait de débourser une grosse somme alors que là, il s'agit d'une paire de chaussures. Si au bout de quelques jours, tu découvres qu‘elle ne te plaît pas, tu la mets de côté c'est tout. Le lendemain, tout se passa comme le craignait Driss. Ils étaient entrés dans une dizaine de magasins de chaussures sans qu'ils ne soient parvenus à se décider. A chaque fois qu'une paire plaisait au jeune homme, sa fiancée l'en dissuadait. Comme il commençait à avoir la tête qui tournait, il décida d'inviter sa fiancée à déjeuner dans une pizzeria. Mais celle-ci refusa l'invitation. - Ah ! Non, je ne veux pas que tu te dises que tu n'as pas acheté de chaussures à cause de moi… Il n'est que 11h30, on fait encore un ou deux magasins, Driss. - Non, Hayat… Nous allons acheter cette foutue paire de chaussures dans le premier magasin de chaussures que nous rencontrons. De toutes les manières, personne ne fera attention à mes chaussures. Tous les regards seront braqués sur la mariée. - Oui, c'est vrai… Le magasin suivant se trouvait à la rue Didouche-Mourad. Driss entra le premier et Hayat le suivit. Au fond du magasin, un jeune vendeur somnolait. Ce qui incita Hayat à chuchoter à l'oreille de Driss : - Ce magasin est nul. Tellement personne n'y entre, le vendeur s'est endormi.. - Tais-toi, Hayat, lui répondit Driss à voix basse… Il pourrait t'entendre et se vexer… Les gens sont très susceptibles de nos jours, tu sais… - D'accord… je me tais… Driss parcourut des yeux le contenu des étagères et dut fournir un effort pour ne pas siffler en raison des prix affichés : la paire la moins chère valait 4.000 DA. Voyant que Driss hésitait, le jeune vendeur lui demanda : - Je peux vous aider, mon frère ? - Oui, pourquoi pas ? J'ai envie d'acheter une paire de chaussures… - Ah ! ça, je le sais… mais des chaussures à porter avec un Jean, un costume… ? - Un costume sombre pour un mariage. - Pour un mariage… j'ai une très belle paire... Attendez, je vais vous la ramener… Le jeune vendeur disparut un moment dans l'arrière-boutique et lui ramena une paire de chaussures noires. Dès que Hayat l'eut vue, elle chuchota à l'oreille de son fiancé : - Il te prend pour un plouc ! Un beggar ! Il te ramène de l'arrière-boutique une chaussure dont personne n'a voulu et il espère te la vendre. Le jeune vendeur répliqua alors. - Madame, vous êtes méchante ! Vous auriez pu dire que cette paire de chaussures ne vous plaisait pas… c'est votre droit mais sans me prêter des intentions que je n'ai pas. Driss n'aimait pas les problèmes mais comme tous les Algériens, quand il s'énerve il se transforme en volcan, il regarda Hayat. - S'il te plaît, Hayat, calme-toi… et laisse-moi discuter avec le monsieur… Moi, elle me plaît cette paire de chaussures… 4.500 DA, c'est un peu cher mais elle fait l'affaire. Loin de se calmer Hayat revint à la rescousse : - Ça y est, Driss, il t'a eu ! il t'a fourgué sa camelote ? Là, le vendeur vit rouge et répondit à Hayat : - C'est toi qui es une camelote ! Et cette fois-ci, c'était Driss qui vit rouge. Tout en gardant la paire de chaussures à la main il dit à sa fiancée : - Sors d'ici… - Pourquoi ? - Sors je te dis ! Il t'insulte et tu veux que je le laisse faire ? Sors et rentre à la maison. Le vendeur qui bouillonnait comme une cocote minute bouscula alors Driss en lui lançant : «Sors d'ici, toi aussi, ordure !». Driss chancela, parvint à garder son équilibre et riposta en frappant au visage le vendeur avec les chaussures qu'il tenait toujours fortement comme s'il avait réalisé qu'elles lui serviraient d'armes. Au moment où Hayat sortait, elle aperçut Mouloud, un copain de son mari. - Mouloud ! Mouloud ! Viens vite… Driss a des problèmes avec un vendeur indélicat et agressif. - Quoi ? Driss a des problèmes ? Où est-il ? - Dans le magasin ? Mouloud entra dans le magasin au moment où le vendeur repartait à l'attaque avec un balai. Le coup de balai alla dans le vide mais le coup de tête de Driss envoya le vendeur contre les étagères. Et aussitôt, des dizaines de chaussures se retrouvèrent par terre. Et voilà qu'un second vendeur se trouvant à l'intérieur de l'arrière-boutique sortit avec un énorme tournevis. Driss en voyant le tournevis et l'arcade sourcilière en sang du vendeur réalisa soudain qu'il était en train de commettre une bêtise. Il saisit son copain par le bras et lui lança : «Ne restons pas là.» Mouloud avant de s'en aller eut le temps de balancer le balai à la face du second vendeur. Puis, il emboîta le pas à son ami. Les deux jeunes gens s'étaient dit que la course poursuite durerait seulement quelques mètres mais quelle ne fut leur surprise de voir le second vendeur s'échiner à courir derrière eux en criant : «Au voleur ! Au voleur !» Les deux fuyards arrivèrent à la rue Asselah Hocine (en dessous de la Grande Poste ) où des policiers les arrêtèrent enfin. Ce n'est qu'à ce moment-là que Driss comprit pourquoi le vendeur n'arrêtait pas de hurler «Au voleur ! Au voleur !» : Il avait toujours à la main la paire de chaussures à 4.500 DA ! La semaine dernière, Driss et son ami Mouloud se sont retrouvés au tribunal d'Alger pour coups et blessures suivis de vol. Le procureur général a requis contre eux cinq ans de prison ferme. Le verdict final sera prononcé dans les jours à venir. Si la peine est confirmée, le mariage de Driss et Hayat n'aura pas lieu dans quelques mois mais dans quelques années.