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L'horreur au cœur de Paris
Témoignages
Publié dans Le Midi Libre le 17 - 10 - 2011

Les yeux embués, Amor Hocine a du mal à articuler. Les souvenirs de ce mardi noir d'octobre 1961 lui remontent : c'est la première fois qu'il voyait, impuissant, mourir devant lui un compagnon de lutte.
Les yeux embués, Amor Hocine a du mal à articuler. Les souvenirs de ce mardi noir d'octobre 1961 lui remontent : c'est la première fois qu'il voyait, impuissant, mourir devant lui un compagnon de lutte.
Hacène venait de rendre l'âme, battu jusqu'à l'épuisement par une cohorte de policiers, remontés à bloc pour contrer des manifestants pacifiques en plein Paris.
Pourtant, pense-t-il, rien ne justifiait une telle violence policière. «La manifestation était certes imposante, mais avant tout pacifique. C'était l'une des principales instructions qui nous a été données par les chefs zonaux de la Fédération de France du FLN», insiste-t-il.
Bien habillés, non armés,
ne serait-ce d'un canif
Des instructions que confirme Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, super zonal de la wilaya I, rive gauche de Paris. «Les manifestants contre le couvre-feu discriminatoire du préfet de police, Maurice Papon, devaient être correctement habillés, disciplinés, éviter tout acte qui pourrait être considéré comme provocateur, ne porter aucune arme, même pas un canif», se souvient-il.
«Ces directives, martèle Moh Clichy, ont été répercutées sur nos adjoints respectifs. J'ai personnellement pris le soin de le faire auprès de mes deux chefs de zone, Tayebi Bachir et Benhalima Salah, dit Rouget.»
Emprisonné de 1958 à 1961 pour ses activités au sein du FLN, Mohamed Ghafir reprend immédiatement du service en qualité de chef zonal. C'est à ce titre qu'il organise la manifestation du 17 Octobre dans sa circonscription. «Au départ, la directive de la Fédération de France du FLN prévoyait de manifester le 14, un samedi, jour de week-end de grande affluence sur les boulevards de Paris. Ce qui aurait donné plus de résonance à la démonstration populaire. Mais, en raison de contraintes multiples d'organisation et de transmission des mots d'ordre, la date a été reportée au 17», a précisé à l'APS celui qui était chargé par le FLN de superviser toute la banlieue nord de Paris et le 17e arrondissement de la capitale française.
Le caractère pacifique de la marche du 17 Octobre est également souligné par Askri Ahmed, dit Mokrane, chef de la super zone Paris rive gauche. «Notre action militante se déroulait la nuit et le couvre-feu est venu la rendre totalement périlleuse. Durant cette période, nombre de nos responsables ont été arrêtés par la police alors qu'ils partaient en mission», se rappelle-t-il, avant de signaler que la situation devenait "intenable" et il n'était "plus possible" pour les responsables du FLN de poursuivre leur travail au sein de la communauté. «C'est sur ces données — portées dans le détail à la connaissance de la Fédération du FLN — que la décision a été prise d'organiser une manifestation pacifique des Algériens à Paris», ajoute-t-il, précisant qu'il était prescrit qu'aucun cadre du FLN n'y participe afin de «limiter les dégâts, car les rangs du FLN venaient de se rétrécir suite aux vagues d'arrestations, faisant même craindre l'anéantissement de l'organisation».
Aïssaoui Mohamed était en 1961 responsable du FLN dans le 20e arrondissement de Paris. Il se rappelle avoir reçu, la veille de la manifestation, son responsable direct, le "Régional", et son supérieur, le "Zonal". «Heureusement que d'autres responsables que moi participaient à la campagne d'information qu'il fallait mener en urgence, de crainte que les mots d'ordre ne parviennent aux oreilles de la police», confie-t-il d'une voix saccadée, rappelant que les consignes étaient principalement de manifester «bien habillés et ne porter aucune arme sur soi».
Summum de la violence
policière et de l'humiliation
En dépit de son caractère pacifique, la marche s'est transformée en un véritable bain de sang, les policiers de Papon réprimant sans distinction aucune entre jeunes et personnes âgées. Amor raconte comment il a, impuissant, vu, porte de Vincennes, mourir son compagnon d'arme. «Il avait reçu beaucoup de coup et saignait abondamment. Lorsqu'il se plaignait, le CRS le bastonnait de nouveau alors qu'il était déjà plaqué au sol», se rappelle l'octogénaire, concédant qu'il n'y pouvait rien, sauf réciter à son compagnon la chahada et l'orienter vers l'Est (qibla).
Comble de l'humiliation, l'internement a été l'autre procédé auquel les policiers ont eu recours. «Nous étions parqués comme des moutons dans une sorte de vaste enclos entouré de barbelés à la porte de Versailles. Nous y sommes restés une dizaine de jours à dormir à même le sol, sans se laver avec, comme pitance, un morceau de pain rassis et un bol de café».
Au centre de détention de Vincennes, Aïssaoui dit avoir passé trois jours qui lui ont paru, dit-il, comme trois longues années. «Les policiers qui nous surveillaient jetaient régulièrement de l'eau par terre pour nous empêcher de nous allonger et nous maintenir en position debout», raconte-t-il, les larmes aux yeux.
Le président de l'association des moudjahidine de la Fédération du FLN en France 1954-1962, Akli Benyounès, évoque, lui, la "bataille de Paris" à laquelle se livrèrent les services de répression français, appuyés par des groupes de harkis implantés dans les quartiers où résidait une forte communauté d'émigrés algériens. «Comme en Algérie, la police française et ses supplétifs se livrèrent alors, de jour comme de nuit, à des rafles et à des enlèvements de milliers d'Algériens pour les soumettre, dans des commissariats et d'autres lieux ouverts à cet effet, aux techniques de la torture les plus barbares et les plus humiliantes dans l'espoir d'arracher des aveux susceptibles de contribuer à un démantèlement total de la Fédération du FLN en France», témoigne Benyounès.
Selon lui, la chasse à l'homme particulièrement sanglante qui fut déclenchée à travers tout Paris a été accompagnée de 12.000 à 15.000 interpellations, dont 3.000 envoyés en prison et 1.500 refoulés dans leurs douars d'origine. 300 à 400 morts par balles, par coups de crosse ou par noyade dans la Seine, 2.400 blessés et 400 disparus ont été dénombrés à l'issue de ces violences policières, a rappelé l'ancien coordonnateur national de la Fédération de France du FLN.
Hacène venait de rendre l'âme, battu jusqu'à l'épuisement par une cohorte de policiers, remontés à bloc pour contrer des manifestants pacifiques en plein Paris.
Pourtant, pense-t-il, rien ne justifiait une telle violence policière. «La manifestation était certes imposante, mais avant tout pacifique. C'était l'une des principales instructions qui nous a été données par les chefs zonaux de la Fédération de France du FLN», insiste-t-il.
Bien habillés, non armés,
ne serait-ce d'un canif
Des instructions que confirme Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, super zonal de la wilaya I, rive gauche de Paris. «Les manifestants contre le couvre-feu discriminatoire du préfet de police, Maurice Papon, devaient être correctement habillés, disciplinés, éviter tout acte qui pourrait être considéré comme provocateur, ne porter aucune arme, même pas un canif», se souvient-il.
«Ces directives, martèle Moh Clichy, ont été répercutées sur nos adjoints respectifs. J'ai personnellement pris le soin de le faire auprès de mes deux chefs de zone, Tayebi Bachir et Benhalima Salah, dit Rouget.»
Emprisonné de 1958 à 1961 pour ses activités au sein du FLN, Mohamed Ghafir reprend immédiatement du service en qualité de chef zonal. C'est à ce titre qu'il organise la manifestation du 17 Octobre dans sa circonscription. «Au départ, la directive de la Fédération de France du FLN prévoyait de manifester le 14, un samedi, jour de week-end de grande affluence sur les boulevards de Paris. Ce qui aurait donné plus de résonance à la démonstration populaire. Mais, en raison de contraintes multiples d'organisation et de transmission des mots d'ordre, la date a été reportée au 17», a précisé à l'APS celui qui était chargé par le FLN de superviser toute la banlieue nord de Paris et le 17e arrondissement de la capitale française.
Le caractère pacifique de la marche du 17 Octobre est également souligné par Askri Ahmed, dit Mokrane, chef de la super zone Paris rive gauche. «Notre action militante se déroulait la nuit et le couvre-feu est venu la rendre totalement périlleuse. Durant cette période, nombre de nos responsables ont été arrêtés par la police alors qu'ils partaient en mission», se rappelle-t-il, avant de signaler que la situation devenait "intenable" et il n'était "plus possible" pour les responsables du FLN de poursuivre leur travail au sein de la communauté. «C'est sur ces données — portées dans le détail à la connaissance de la Fédération du FLN — que la décision a été prise d'organiser une manifestation pacifique des Algériens à Paris», ajoute-t-il, précisant qu'il était prescrit qu'aucun cadre du FLN n'y participe afin de «limiter les dégâts, car les rangs du FLN venaient de se rétrécir suite aux vagues d'arrestations, faisant même craindre l'anéantissement de l'organisation».
Aïssaoui Mohamed était en 1961 responsable du FLN dans le 20e arrondissement de Paris. Il se rappelle avoir reçu, la veille de la manifestation, son responsable direct, le "Régional", et son supérieur, le "Zonal". «Heureusement que d'autres responsables que moi participaient à la campagne d'information qu'il fallait mener en urgence, de crainte que les mots d'ordre ne parviennent aux oreilles de la police», confie-t-il d'une voix saccadée, rappelant que les consignes étaient principalement de manifester «bien habillés et ne porter aucune arme sur soi».
Summum de la violence
policière et de l'humiliation
En dépit de son caractère pacifique, la marche s'est transformée en un véritable bain de sang, les policiers de Papon réprimant sans distinction aucune entre jeunes et personnes âgées. Amor raconte comment il a, impuissant, vu, porte de Vincennes, mourir son compagnon d'arme. «Il avait reçu beaucoup de coup et saignait abondamment. Lorsqu'il se plaignait, le CRS le bastonnait de nouveau alors qu'il était déjà plaqué au sol», se rappelle l'octogénaire, concédant qu'il n'y pouvait rien, sauf réciter à son compagnon la chahada et l'orienter vers l'Est (qibla).
Comble de l'humiliation, l'internement a été l'autre procédé auquel les policiers ont eu recours. «Nous étions parqués comme des moutons dans une sorte de vaste enclos entouré de barbelés à la porte de Versailles. Nous y sommes restés une dizaine de jours à dormir à même le sol, sans se laver avec, comme pitance, un morceau de pain rassis et un bol de café».
Au centre de détention de Vincennes, Aïssaoui dit avoir passé trois jours qui lui ont paru, dit-il, comme trois longues années. «Les policiers qui nous surveillaient jetaient régulièrement de l'eau par terre pour nous empêcher de nous allonger et nous maintenir en position debout», raconte-t-il, les larmes aux yeux.
Le président de l'association des moudjahidine de la Fédération du FLN en France 1954-1962, Akli Benyounès, évoque, lui, la "bataille de Paris" à laquelle se livrèrent les services de répression français, appuyés par des groupes de harkis implantés dans les quartiers où résidait une forte communauté d'émigrés algériens. «Comme en Algérie, la police française et ses supplétifs se livrèrent alors, de jour comme de nuit, à des rafles et à des enlèvements de milliers d'Algériens pour les soumettre, dans des commissariats et d'autres lieux ouverts à cet effet, aux techniques de la torture les plus barbares et les plus humiliantes dans l'espoir d'arracher des aveux susceptibles de contribuer à un démantèlement total de la Fédération du FLN en France», témoigne Benyounès.
Selon lui, la chasse à l'homme particulièrement sanglante qui fut déclenchée à travers tout Paris a été accompagnée de 12.000 à 15.000 interpellations, dont 3.000 envoyés en prison et 1.500 refoulés dans leurs douars d'origine. 300 à 400 morts par balles, par coups de crosse ou par noyade dans la Seine, 2.400 blessés et 400 disparus ont été dénombrés à l'issue de ces violences policières, a rappelé l'ancien coordonnateur national de la Fédération de France du FLN.


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