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Problématique des approvisionnements gaziers de l'Europe
L'après In Amenas
Publié dans Le Midi Libre le 11 - 02 - 2013

Les évènements récents d'In Amenas doivent être sérieusement médités. Car, il semble bien que les autorités algériennes assistent passivement aux nouvelles mutations énergétiques mondiales qui ont un impact stratégique sur son devenir. 98% d'exportation d'hydrocarbures à l'état brut et semi-brut à la fin de 2012 et 70% d'importation des besoins des ménages et des entreprises qu'elles soient publiques ou privées, le tissu productif étant en déclin (moins de 5% de l'industrie dans le produit intérieur brut). L'utopie serait de ne pas tirer les leçons de ces évènements tragiques et de ne pas tenir compte tant de la concurrence internationale que des nouvelles filières mondiales répondant à un nouveau modèle de consommation segmentée et de vouloir revenir aux schémas mécaniques dépassés des années 70. Je recense cinq contraintes qui ont un impact sur le devenir énergétique de l'Algérie.
Les évènements récents d'In Amenas doivent être sérieusement médités. Car, il semble bien que les autorités algériennes assistent passivement aux nouvelles mutations énergétiques mondiales qui ont un impact stratégique sur son devenir. 98% d'exportation d'hydrocarbures à l'état brut et semi-brut à la fin de 2012 et 70% d'importation des besoins des ménages et des entreprises qu'elles soient publiques ou privées, le tissu productif étant en déclin (moins de 5% de l'industrie dans le produit intérieur brut). L'utopie serait de ne pas tirer les leçons de ces évènements tragiques et de ne pas tenir compte tant de la concurrence internationale que des nouvelles filières mondiales répondant à un nouveau modèle de consommation segmentée et de vouloir revenir aux schémas mécaniques dépassés des années 70. Je recense cinq contraintes qui ont un impact sur le devenir énergétique de l'Algérie.
1. La première contrainte est le projet algéro-italien de Galsi d'un coût au départ de 3 milliards de dollars, le coût réactualisé en 2012 variant entre 3,5 et 4 milliards de dollars US, le temps étant de l'argent toujours en gestation. Il convient de rappeler qu'un accord intergouvernemental relatif à ce projet a été conclu en novembre 2007 entre l'Algérie et l'Italie. Ce gazoduc devrait relier Hassi-R'mel à El Kala dans sa partie «on shore» sur une longueur de 640 km. Dans sa partie «off shore», le projet devrait relier El Kala à Cagliari, en Sardaigne, sur une distance de 310 km. Le niveau de participation de Sonatrach prévu était de 36% et, une fois concrétisé, il devait acheminer directement en Italie un volume annuel de 8 milliards de mètres cubes de gaz. Dans le cadre de l'arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, publié au Journal officiel du 10 janvier 2010 français, il était prévu que, pour la Corse, les nouvelles centrales thermiques fonctionnent au gaz naturel dès lors que le raccordement de la Corse au gazoduc Algérie-Italie via la Sardaigne réalisé. Or, le projet est toujours gelé comme je le rappelais dans une émission à la télévision française France 3 en décembre 2011, les élus de la Sardaigne s'étant opposés à son tracé initial.
2. Deuxième contrainte, le projet Medgaz, d'une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux. Qu'en sera-t-il dans la mesure où, selon l'agence Reuters en date du 25 décembre 2012, deux partenaires du groupe Sonatrach dans le projet du gazoduc entre l'Espagne et l'Algérie seraient ont vendu leurs participations en raison de la crise qui sévit en Europe, notamment en Espagne. Ainsi, Endesa et Iberdrola sont en négociations pour leur retrait dans le capital de Medgaz, préférant acheter sur le marché spot le gaz du Qatar et du Nigeria . Il est à préciser que le capital d'Endesa est détenu à hauteur de 92 % par l'Italien Enel (ENEI.MI) qui est un leader de la distribution de gaz en Espagne, Iberdrola ayant 20% du capital de Medgaz aux côtés de Cepsa avec 20% ainsi que les françaises GDF et Suez avec 12 %.
3. Troisième contrainte : le projet Nigal gazoduc d'environ 4.500 km, reliant la région de Warri (Nigeria) à l'Algérie et l' Europe (2.500 km sur le territoire algérien, 750 km sur le territoire du Niger, 1.300 km sur le territoire nigérian), prévu pour le transport de 20 à 30 milliards de mètres cubes par an en majorité vers le marché européen. Rappelons la signature du Memorundum of Understanding entre NNPC et Sonatrach le 14 janvier 2002 pour la constitution d'une société d'étude et de promotion du projet et l'accord pour l'élaboration de l'étude de préfaisabilité le 8 mars 2003, qui devait être opérationnel en 2015. Outre les conflits frontaliers en Afrique subsaharienne dont le Sahel qui entraineront des surcoûts, le coût initialement prévu par la société Penspen, entre 5 à 7 milliards de dollars est largement dépassé selon certaines estimations en 2012 15 milliards de dollars à prix constants, et une étude de l'Institut français des relations internationales réalisée par Benjami Augé en mars 2010 (voir site Ifri) l'estime même à 25 milliards de dollars. Ce projet qui devait bénéficier d'un apport financier européen dont la zone est en crise d'endettement, il est toujours en gestation. Avec ce coût très élevé, la rentabilité est évidemment posée.
4. Quatrième contrainte, le rapport 2012 de l'AIE selon lequel les USA, avec la révolution du gaz schiste, devrait être exportateur de pétrole vers 2017 et de gaz à l'horizon 2020, concurrençant ainsi sérieusement les leaders actuels, l'Arabie saoudite pour le pétrole et la Russie pour le gaz. Si les prévisions de ce rapport se vérifient, ce serait un grand bouleversement géostratégique. Qu'en
sera-t-il pour l'Algérie si le marché américain est fermé à l'horizon 2007-2020 représentants 30% des recettes en devises de l'Algérie marché algérien ? A-t-on d'ores et déjà pensé à d'autres destinations géographiques et partenaires tenant compte de la concurrence internationale et des coûts, y compris les coûts de transport ? En effet selon le rapport du ministère de l'Energie publié en 2011, la structure des exportations s'oriente de plus en plus vers les produits gazeux. La part des produits gazeux durant la période 1962-1999 ne représentait que 29% contre 43% durant la période 2000-2010. Quant aux produits liquides, ils représentaient 71% des volumes exportés durant la période 1962-1999, contre 57% à la fin de 2010. Le pétrole brut exporté représentait 95% des hydrocarbures liquides en 1971 et se situait à 30% en 2010. Quant aux produits raffinés et GNL, leur part a augmenté substantiellement passant de 3% en 1971 à 28% en 2010. Les marchés européens et américains restent les débouchés traditionnels des exportations, ces deux marchés absorbant en volume respectivement 63 et 29% des ventes globales des hydrocarbures et en valeur de 56 et 35%. Avec l'éventuelle fermeture du marché US, le marché gazier algérien sera fortement tributaire de la demande européenne, son marché naturel, ne pouvant pas concurrencer, pour les GLN, le Qatar, l'Iran et la Russie (faible capacité et coût de transport avec obligation de contourner toute la corniche d'Afrique) .
5. Cinquième contrainte : le devenir du plus grand projet de gazoduc algérien Transmed qui fournit du gaz naturel algérien à l'Italie depuis 1983 à raison de 30 milliards de mètres cubes par an et qui devait être porté à plus de 34 milliards de mètres cubes gazeux à la fin de 2010 et qui devait aller vers 40 milliards à la fin de 2012. Qu'en sera t –il avec la nouvelle stratégie offensive de Gazprom à travers le North Stream et le South Stream ? Le North Stream, inauguré le 8 novembre 2011 d'un cout estimatif de 12 milliards de dollars est un projet stratégique dont le tracé, d'une longueur de 1.224 km, doit à terme permettre de transporter 55 milliards de mètres cubes de gaz par an de Vyborg jusqu'à la ville allemande de Greifswald en traversant les eaux territoriales de la Russie, de la Finlande, de la Suède, du Danemark et de l'Allemagne. « Le volume de gaz fourni (sera) comparable à l'énergie produite par onze centrales nucléaires », a indiqué Vladimir Poutine lors de l'inauguration. La première conduite, d'une capacité de 27,5 milliards de mètres cubes, a été achevée en mai 2011. Une deuxième est en cours de construction doublant la capacité de la liaison. Quant au projet de South Stream, concurrent direct de l'Algérie, afin de le mettre en œuvre, le russe Gazprom et Eni ont créé en 2008 la compagnie South Stream AG. En juin 2010, ils ont signé un mémorandum visant à associer le groupe français EDF au projet. En mars 2011, Gazprom et Wintershall Holding GmbH ont signé un mémorandum d'entente sur la participation de la compagnie allemande à la construction du tronçon sous-marin du gazoduc.
Tout comme Nord Stream, Le South Stream doit permettre à la Russie de contourner l'Ukraine, principal pays de transit, pour se terminer en 2015. Lors de cette rencontre, le feu vert a été donné par la Turquie à la Russie pour faire passer South Stream dans ses eaux territoriales en mer Noire, cette dernière ayant signé un accord avec l'Autriche sur South Stream, dernier document nécessaire pour lancer le projet. Auparavant, Moscou avait déjà signé des accords intergouvernementaux avec la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Grèce, la Slovénie et la Croatie. Long au total de 3.600 km (la longueur du tronçon sous-marin sera d'environ 900 km et sa profondeur maximale de plus de 2.000 m), South Stream doit alimenter en gaz russe l'Europe occidentale, notamment la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Slovénie et l'Autriche, la Grèce et l'Italie via la mer Noire et les Balkans. D'une capacité de 63 milliards de mètres cubes de gaz, le tronçon sous-marin doit entrer en service en 2015, le coût estimatif initial du projet étant évalué à 20 milliards de dollars. L'ensemble de ces projets, en plus de ce qui se passe en Syrie, ont remis en cause le projet Nabucco où, en décembre 2011, simultanément la Turquie et l'Azerbaïdjan avait annoncé la mise en place du gazoduc transanatolien qui devait absorber le gaz de Shah Deniz, initialement envisagé pour Nabucco, projet de gazoduc reliant l'Iran et les pays de la Transcausasie à l'Europe centrale.
6. Quelle déduction des analyses précédentes ? Le prix du gaz conventionnel algérien dépendra de l'évolution de la croissance de l'économie mondiale, de son modèle de consommation énergétique, de l'évolution des prix internationaux en termes réels tenant compte des fluctuations des monnaies clefs, notamment le dollar et l'euro, et des coûts internes, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement. Il serait également illusoire de miser sur un prix du baril à prix constant de plus de 130/150 dollars qui serait un prix plancher de seuil de rentabilité pur les énergies substituables. Le passage du charbon, dont les réserves exploitables dépassent 200 ans, aux hydrocarbures a été le fait de la hausse des prix du charbon. Tenant compte également de la protection de l'environnement, faisons confiance au génie humain ; on assisterait alors forcément à de nouvelles sources d'énergie plus rentables et donc au déplacement du modèle de consommation énergétique. Une adaptation à ces mutations devient nécessaire. Car le constat en ce mois de janvier 2013 est qu'après 50 années d'indépendance politique, l'économie algérienne est une économie toujours rentière. Sonatrach c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach. Le bilan officiel de Sonatrach donne 600 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000/2012, non compris les 173 tonnes d'or,-86% de ces réserves placées à l'étranger y compris les DTS au FMI et non compris les 173 tonnes d'or) une richesse artificielle qu'il s'agit de transformer en capital productif. Cela a permis une dépense publique d'environ 500 milliards de dollars entre 2004 et 2013 (dont une fraction en dinars algériens) donnant des taux de croissance-moyenne 3% entre 2004/2012, et de chômage virtuels avec la dominance des emplois improductifs et calmant le front social avec le retour de l'inflation ( doublement entre 2011/2012 avec 9% selon le gouvernement algérien ) du fait de l'inefficacité de la dépense publique.
Les 200 milliards de dollars de réserve de change estimées par le FMI fin 2012 sont également une richesse virtuelle provenant des hydrocarbures. Cette situation est-elle tenable dans le temps ? Tout en n'oubliant pas la forte consommation intérieure qui, avec le doublement des capacités d'électricité à partir des turbines de gaz et du faible prix (environ un dixième du prix international représentant à l'horizon 2017-2020 plus de 70 milliards de mètres cubes gazeux), quel sera le devenir de l'Algérie au niveau du marché mondial énergétique face à ces contraintes ? Pour le gaz, pourra-t-elle exporter ses 85 milliards de mètres cubes gazeux prévus à un prix de cession rentable alors qu'elle peine à atteindre 60 milliards de mètres cubes gazeux ? Que sera l'Algérie à l'horizon 2025-2030 avec une population de 50 millions d'habitants face à ces bouleversements géostratégiques sans hydrocarbures traditionnels ?
Le gaz de schiste est-il une solution à terme tenant compte des coûts et de la concurrence et des risques de la détérioration de l'environnement avec la facturation hydraulique ? L'Algérie aura-t-elle réalisée à l'horizon 2025-2030 une transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures reposant sur l'entreprise créatrice de richesses dans le cadre des valeurs internationales et son soubassement la valorisation des compétences ?
Autant de questions stratégiques relevant de la sécurité nationale, qui interpellent les autorités du pays. L'attaque d'In Amenas dont les champs représentent 18% des exportations totales gazières algériennes (2% de la consommation européenne), l'Algérie couvrant 13/15% des besoins européens derrière la Russie et la Norvège, aura en tout cas révélé toute la vulnérabilité de l'économie algérienne mono-exportatrice. Sur le plan économique, les compagnies étrangères mus par la logique du profit, continueront d'opérer en Algérie dans les grands gisements, les petits gisements devenant problématiques, sous réserve d'un taux de profit supérieur à d'autres zones avec des surcoûts de sécurité supportés par l'Algérie, réduisant donc la rente. Sur le plan politique il y a aura certainement des impacts car le pouvoir est assis sur la rente des hydrocarbures.
1. La première contrainte est le projet algéro-italien de Galsi d'un coût au départ de 3 milliards de dollars, le coût réactualisé en 2012 variant entre 3,5 et 4 milliards de dollars US, le temps étant de l'argent toujours en gestation. Il convient de rappeler qu'un accord intergouvernemental relatif à ce projet a été conclu en novembre 2007 entre l'Algérie et l'Italie. Ce gazoduc devrait relier Hassi-R'mel à El Kala dans sa partie «on shore» sur une longueur de 640 km. Dans sa partie «off shore», le projet devrait relier El Kala à Cagliari, en Sardaigne, sur une distance de 310 km. Le niveau de participation de Sonatrach prévu était de 36% et, une fois concrétisé, il devait acheminer directement en Italie un volume annuel de 8 milliards de mètres cubes de gaz. Dans le cadre de l'arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, publié au Journal officiel du 10 janvier 2010 français, il était prévu que, pour la Corse, les nouvelles centrales thermiques fonctionnent au gaz naturel dès lors que le raccordement de la Corse au gazoduc Algérie-Italie via la Sardaigne réalisé. Or, le projet est toujours gelé comme je le rappelais dans une émission à la télévision française France 3 en décembre 2011, les élus de la Sardaigne s'étant opposés à son tracé initial.
2. Deuxième contrainte, le projet Medgaz, d'une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux. Qu'en sera-t-il dans la mesure où, selon l'agence Reuters en date du 25 décembre 2012, deux partenaires du groupe Sonatrach dans le projet du gazoduc entre l'Espagne et l'Algérie seraient ont vendu leurs participations en raison de la crise qui sévit en Europe, notamment en Espagne. Ainsi, Endesa et Iberdrola sont en négociations pour leur retrait dans le capital de Medgaz, préférant acheter sur le marché spot le gaz du Qatar et du Nigeria . Il est à préciser que le capital d'Endesa est détenu à hauteur de 92 % par l'Italien Enel (ENEI.MI) qui est un leader de la distribution de gaz en Espagne, Iberdrola ayant 20% du capital de Medgaz aux côtés de Cepsa avec 20% ainsi que les françaises GDF et Suez avec 12 %.
3. Troisième contrainte : le projet Nigal gazoduc d'environ 4.500 km, reliant la région de Warri (Nigeria) à l'Algérie et l' Europe (2.500 km sur le territoire algérien, 750 km sur le territoire du Niger, 1.300 km sur le territoire nigérian), prévu pour le transport de 20 à 30 milliards de mètres cubes par an en majorité vers le marché européen. Rappelons la signature du Memorundum of Understanding entre NNPC et Sonatrach le 14 janvier 2002 pour la constitution d'une société d'étude et de promotion du projet et l'accord pour l'élaboration de l'étude de préfaisabilité le 8 mars 2003, qui devait être opérationnel en 2015. Outre les conflits frontaliers en Afrique subsaharienne dont le Sahel qui entraineront des surcoûts, le coût initialement prévu par la société Penspen, entre 5 à 7 milliards de dollars est largement dépassé selon certaines estimations en 2012 15 milliards de dollars à prix constants, et une étude de l'Institut français des relations internationales réalisée par Benjami Augé en mars 2010 (voir site Ifri) l'estime même à 25 milliards de dollars. Ce projet qui devait bénéficier d'un apport financier européen dont la zone est en crise d'endettement, il est toujours en gestation. Avec ce coût très élevé, la rentabilité est évidemment posée.
4. Quatrième contrainte, le rapport 2012 de l'AIE selon lequel les USA, avec la révolution du gaz schiste, devrait être exportateur de pétrole vers 2017 et de gaz à l'horizon 2020, concurrençant ainsi sérieusement les leaders actuels, l'Arabie saoudite pour le pétrole et la Russie pour le gaz. Si les prévisions de ce rapport se vérifient, ce serait un grand bouleversement géostratégique. Qu'en
sera-t-il pour l'Algérie si le marché américain est fermé à l'horizon 2007-2020 représentants 30% des recettes en devises de l'Algérie marché algérien ? A-t-on d'ores et déjà pensé à d'autres destinations géographiques et partenaires tenant compte de la concurrence internationale et des coûts, y compris les coûts de transport ? En effet selon le rapport du ministère de l'Energie publié en 2011, la structure des exportations s'oriente de plus en plus vers les produits gazeux. La part des produits gazeux durant la période 1962-1999 ne représentait que 29% contre 43% durant la période 2000-2010. Quant aux produits liquides, ils représentaient 71% des volumes exportés durant la période 1962-1999, contre 57% à la fin de 2010. Le pétrole brut exporté représentait 95% des hydrocarbures liquides en 1971 et se situait à 30% en 2010. Quant aux produits raffinés et GNL, leur part a augmenté substantiellement passant de 3% en 1971 à 28% en 2010. Les marchés européens et américains restent les débouchés traditionnels des exportations, ces deux marchés absorbant en volume respectivement 63 et 29% des ventes globales des hydrocarbures et en valeur de 56 et 35%. Avec l'éventuelle fermeture du marché US, le marché gazier algérien sera fortement tributaire de la demande européenne, son marché naturel, ne pouvant pas concurrencer, pour les GLN, le Qatar, l'Iran et la Russie (faible capacité et coût de transport avec obligation de contourner toute la corniche d'Afrique) .
5. Cinquième contrainte : le devenir du plus grand projet de gazoduc algérien Transmed qui fournit du gaz naturel algérien à l'Italie depuis 1983 à raison de 30 milliards de mètres cubes par an et qui devait être porté à plus de 34 milliards de mètres cubes gazeux à la fin de 2010 et qui devait aller vers 40 milliards à la fin de 2012. Qu'en sera t –il avec la nouvelle stratégie offensive de Gazprom à travers le North Stream et le South Stream ? Le North Stream, inauguré le 8 novembre 2011 d'un cout estimatif de 12 milliards de dollars est un projet stratégique dont le tracé, d'une longueur de 1.224 km, doit à terme permettre de transporter 55 milliards de mètres cubes de gaz par an de Vyborg jusqu'à la ville allemande de Greifswald en traversant les eaux territoriales de la Russie, de la Finlande, de la Suède, du Danemark et de l'Allemagne. « Le volume de gaz fourni (sera) comparable à l'énergie produite par onze centrales nucléaires », a indiqué Vladimir Poutine lors de l'inauguration. La première conduite, d'une capacité de 27,5 milliards de mètres cubes, a été achevée en mai 2011. Une deuxième est en cours de construction doublant la capacité de la liaison. Quant au projet de South Stream, concurrent direct de l'Algérie, afin de le mettre en œuvre, le russe Gazprom et Eni ont créé en 2008 la compagnie South Stream AG. En juin 2010, ils ont signé un mémorandum visant à associer le groupe français EDF au projet. En mars 2011, Gazprom et Wintershall Holding GmbH ont signé un mémorandum d'entente sur la participation de la compagnie allemande à la construction du tronçon sous-marin du gazoduc.
Tout comme Nord Stream, Le South Stream doit permettre à la Russie de contourner l'Ukraine, principal pays de transit, pour se terminer en 2015. Lors de cette rencontre, le feu vert a été donné par la Turquie à la Russie pour faire passer South Stream dans ses eaux territoriales en mer Noire, cette dernière ayant signé un accord avec l'Autriche sur South Stream, dernier document nécessaire pour lancer le projet. Auparavant, Moscou avait déjà signé des accords intergouvernementaux avec la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Grèce, la Slovénie et la Croatie. Long au total de 3.600 km (la longueur du tronçon sous-marin sera d'environ 900 km et sa profondeur maximale de plus de 2.000 m), South Stream doit alimenter en gaz russe l'Europe occidentale, notamment la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Slovénie et l'Autriche, la Grèce et l'Italie via la mer Noire et les Balkans. D'une capacité de 63 milliards de mètres cubes de gaz, le tronçon sous-marin doit entrer en service en 2015, le coût estimatif initial du projet étant évalué à 20 milliards de dollars. L'ensemble de ces projets, en plus de ce qui se passe en Syrie, ont remis en cause le projet Nabucco où, en décembre 2011, simultanément la Turquie et l'Azerbaïdjan avait annoncé la mise en place du gazoduc transanatolien qui devait absorber le gaz de Shah Deniz, initialement envisagé pour Nabucco, projet de gazoduc reliant l'Iran et les pays de la Transcausasie à l'Europe centrale.
6. Quelle déduction des analyses précédentes ? Le prix du gaz conventionnel algérien dépendra de l'évolution de la croissance de l'économie mondiale, de son modèle de consommation énergétique, de l'évolution des prix internationaux en termes réels tenant compte des fluctuations des monnaies clefs, notamment le dollar et l'euro, et des coûts internes, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement. Il serait également illusoire de miser sur un prix du baril à prix constant de plus de 130/150 dollars qui serait un prix plancher de seuil de rentabilité pur les énergies substituables. Le passage du charbon, dont les réserves exploitables dépassent 200 ans, aux hydrocarbures a été le fait de la hausse des prix du charbon. Tenant compte également de la protection de l'environnement, faisons confiance au génie humain ; on assisterait alors forcément à de nouvelles sources d'énergie plus rentables et donc au déplacement du modèle de consommation énergétique. Une adaptation à ces mutations devient nécessaire. Car le constat en ce mois de janvier 2013 est qu'après 50 années d'indépendance politique, l'économie algérienne est une économie toujours rentière. Sonatrach c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach. Le bilan officiel de Sonatrach donne 600 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000/2012, non compris les 173 tonnes d'or,-86% de ces réserves placées à l'étranger y compris les DTS au FMI et non compris les 173 tonnes d'or) une richesse artificielle qu'il s'agit de transformer en capital productif. Cela a permis une dépense publique d'environ 500 milliards de dollars entre 2004 et 2013 (dont une fraction en dinars algériens) donnant des taux de croissance-moyenne 3% entre 2004/2012, et de chômage virtuels avec la dominance des emplois improductifs et calmant le front social avec le retour de l'inflation ( doublement entre 2011/2012 avec 9% selon le gouvernement algérien ) du fait de l'inefficacité de la dépense publique.
Les 200 milliards de dollars de réserve de change estimées par le FMI fin 2012 sont également une richesse virtuelle provenant des hydrocarbures. Cette situation est-elle tenable dans le temps ? Tout en n'oubliant pas la forte consommation intérieure qui, avec le doublement des capacités d'électricité à partir des turbines de gaz et du faible prix (environ un dixième du prix international représentant à l'horizon 2017-2020 plus de 70 milliards de mètres cubes gazeux), quel sera le devenir de l'Algérie au niveau du marché mondial énergétique face à ces contraintes ? Pour le gaz, pourra-t-elle exporter ses 85 milliards de mètres cubes gazeux prévus à un prix de cession rentable alors qu'elle peine à atteindre 60 milliards de mètres cubes gazeux ? Que sera l'Algérie à l'horizon 2025-2030 avec une population de 50 millions d'habitants face à ces bouleversements géostratégiques sans hydrocarbures traditionnels ?
Le gaz de schiste est-il une solution à terme tenant compte des coûts et de la concurrence et des risques de la détérioration de l'environnement avec la facturation hydraulique ? L'Algérie aura-t-elle réalisée à l'horizon 2025-2030 une transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures reposant sur l'entreprise créatrice de richesses dans le cadre des valeurs internationales et son soubassement la valorisation des compétences ?
Autant de questions stratégiques relevant de la sécurité nationale, qui interpellent les autorités du pays. L'attaque d'In Amenas dont les champs représentent 18% des exportations totales gazières algériennes (2% de la consommation européenne), l'Algérie couvrant 13/15% des besoins européens derrière la Russie et la Norvège, aura en tout cas révélé toute la vulnérabilité de l'économie algérienne mono-exportatrice. Sur le plan économique, les compagnies étrangères mus par la logique du profit, continueront d'opérer en Algérie dans les grands gisements, les petits gisements devenant problématiques, sous réserve d'un taux de profit supérieur à d'autres zones avec des surcoûts de sécurité supportés par l'Algérie, réduisant donc la rente. Sur le plan politique il y a aura certainement des impacts car le pouvoir est assis sur la rente des hydrocarbures.


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