Depuis cette grave concession sultanienne, qui équivalait bel et bien à une abdication par laquelle elle renonçait à se mêler de la conduite de la politique de son pachalik d'Alger, la Porte va devoir désormais se contenter de perpétuer la vieille routine coutumière d'y envoyer de très pâles et très honorifiques représentants, qui, pour pouvoir faire de vieux os et jouir d'une paisible et opulente retraite à Istanbul ou dans les autres provinces de l'empire, savaient qu'ils devaient se contenter de recevoir les honneurs formels prescrits par l'étiquette, s'occuper de la gestion de leurs gynécées bien fournis en belles et voluptueuses odalisques, amasser le maximum de richesses et, surtout, chose très vitale, veiller à ne pas froisser les moustaches de leurs janissaires… Tout pacha, agha ou dey qui oserait oublier ces mesures de prudence serait égorgé comme un mouton. Plus exigeants que jamais, les janissaires se sentaient invulnérables. Ils ne se privèrent pas d'imposer leurs caprices et volontés et de faire montre de leurs instincts débridés de soudards, d'une cruauté démesurée et d'une inclination très prononcée à toutes les turpitudes. Les pauvres habitants d'Alger en souffriront longtemps dans leurs biens, leur chair et leur honneur. Alger va donc devenir un foyer de tumultes, une terre de coups de force et de bains de sang. Sur les trente deys qui se succédèrent de 1671 à 1818, 14 d'entre eux seront imposés par l'émeute et l'occision. Comme l'écrit H. de Grammont, dès que le souverain en titre était occis - chose qui devait trop souvent se produire au cours de l'histoire de la Régence - «les assassins se précipitaient à la Jénina, dont ils occupaient les abords, et proclamaient celui d'entre eux qu'ils avaient choisi ; souvent un combat terrible s'engageait sur l'estrade ensanglantée du trône, et durait jusqu'au moment où les vainqueurs pouvaient tirer le canon de signal et arborer la bannière verte sur le palais, dans lequel ils venaient d'installer leur candidat qui recevait immédiatement le baise-main de tous ceux qui l'entouraient, pendant que les esclaves traînaient dans la cour le cadavre encore chaud de son prédécesseur égorgé.» «La courte période inaugurée en 1659, celle dite du gouvernement des aghas (1659-1671), sera une théorie tragique et sanglante de complots, de coups d'Etat, d'assassinats et d'exécutions.» Depuis cette grave concession sultanienne, qui équivalait bel et bien à une abdication par laquelle elle renonçait à se mêler de la conduite de la politique de son pachalik d'Alger, la Porte va devoir désormais se contenter de perpétuer la vieille routine coutumière d'y envoyer de très pâles et très honorifiques représentants, qui, pour pouvoir faire de vieux os et jouir d'une paisible et opulente retraite à Istanbul ou dans les autres provinces de l'empire, savaient qu'ils devaient se contenter de recevoir les honneurs formels prescrits par l'étiquette, s'occuper de la gestion de leurs gynécées bien fournis en belles et voluptueuses odalisques, amasser le maximum de richesses et, surtout, chose très vitale, veiller à ne pas froisser les moustaches de leurs janissaires… Tout pacha, agha ou dey qui oserait oublier ces mesures de prudence serait égorgé comme un mouton. Plus exigeants que jamais, les janissaires se sentaient invulnérables. Ils ne se privèrent pas d'imposer leurs caprices et volontés et de faire montre de leurs instincts débridés de soudards, d'une cruauté démesurée et d'une inclination très prononcée à toutes les turpitudes. Les pauvres habitants d'Alger en souffriront longtemps dans leurs biens, leur chair et leur honneur. Alger va donc devenir un foyer de tumultes, une terre de coups de force et de bains de sang. Sur les trente deys qui se succédèrent de 1671 à 1818, 14 d'entre eux seront imposés par l'émeute et l'occision. Comme l'écrit H. de Grammont, dès que le souverain en titre était occis - chose qui devait trop souvent se produire au cours de l'histoire de la Régence - «les assassins se précipitaient à la Jénina, dont ils occupaient les abords, et proclamaient celui d'entre eux qu'ils avaient choisi ; souvent un combat terrible s'engageait sur l'estrade ensanglantée du trône, et durait jusqu'au moment où les vainqueurs pouvaient tirer le canon de signal et arborer la bannière verte sur le palais, dans lequel ils venaient d'installer leur candidat qui recevait immédiatement le baise-main de tous ceux qui l'entouraient, pendant que les esclaves traînaient dans la cour le cadavre encore chaud de son prédécesseur égorgé.» «La courte période inaugurée en 1659, celle dite du gouvernement des aghas (1659-1671), sera une théorie tragique et sanglante de complots, de coups d'Etat, d'assassinats et d'exécutions.»